Cagnac-les-Mines, battu par les vents et le souvenir avant le procès Jubillar

Ce sont des traces que ni les bourrasques du vent d'autan, dont il se dit par ici qu'elles rendent fou, ni les années ne sont parvenues à arracher: les affichettes à l'effigie de Delphine Jubillar, barrées de la mention "DISPARITION INQUIETANTE"...

Le panneau annonçant l'entrée du village de Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, le 6 mars 2025 © Lionel BONAVENTURE
Le panneau annonçant l'entrée du village de Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, le 6 mars 2025 © Lionel BONAVENTURE

Ce sont des traces que ni les bourrasques du vent d'autan, dont il se dit par ici qu'elles rendent fou, ni les années ne sont parvenues à arracher: les affichettes à l'effigie de Delphine Jubillar, barrées de la mention "DISPARITION INQUIETANTE", s'accrochent toujours aux murs de Cagnac-les-Mines, dans le Tarn.

Il y a quatre ans, cette infirmière de 33 ans, mère de deux enfants, disparaissait dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Son mari, Cédric, est vite devenu le principal suspect et sera jugé devant les assises du Tarn à partir du 22 septembre, a indiqué lundi à l'AFP le parquet général.

"Le village y pense encore", raconte début mars une employée de la seule pharmacie du village, qui ne souhaite pas donner son nom. "D'ailleurs, voyez, on a une affiche là et on n'arrive pas à l'enlever", montre-t-elle.

"On aimerait savoir ce qui s'est passé exactement", confie Myriam (qui n'a pas, comme la plupart des personnes interrogées, souhaité donner son nom de famille), une habitante des environs venue randonner autour de ce village de 2.600 habitants près d'Albi. "Il faut que la famille puisse faire le deuil à un moment donné."

Le procès de Cédric Jubillar, accusé de meurtre sur la base d'un faisceau d'indices malgré l'absence de corps ou d'aveux, facilitera-t-il ce deuil ? "On espère tous un dénouement de l'histoire", souffle le maire, Patrice Norkowski.

Le peintre-plaquiste, qui clame son innocence, "est un peu soulagé de voir se profiler enfin une date", a assuré mardi sur BFMTV l'un de ses avocats, Alexandre Martin.

Tu vas trop loin

Pour tenter de retrouver Delphine, d'immenses battues citoyennes ont tout de suite été organisées et les enquêteurs ont déployé brigades canines, drones, plongeurs...

Jérémie, sans emploi au début de la pandémie, s'est vite joint aux recherches. Il ne connaissait pas Delphine, mais dit avoir été "touché" par l'histoire de "cette mère de famille qui avait l'air gentille".

Quatre ans après, Jérémie continue d'explorer les environs de Cagnac tous les deux jours environ. "J'enquête", martèle-t-il.

En cette fin d'hiver, cet Albigeois de 38 ans crapahute dans le bois de Saint-Quintin, qui longe Cagnac et où les cachettes ne manquent pas. Sécateur à la main, il se fraie un chemin dans les ronces et examine ici une douille, là une pierre qui évoque un crâne d'animal.

Equipé d'un gilet tactique dans les poches duquel il a fourré lampe-torche, pelle-piolet pliable, mais aussi spray au poivre au cas où il surprendrait un gros animal, il désigne un puits en béton perdu dans la forêt. C'est là qu'il a cru trouver un crâne humain, fin janvier. Une illusion d'optique, ont conclu les enquêteurs.

"Certains proches me disent: tu vas trop loin, arrête, t'as autre chose à faire de ta vie", dit-il. "Mais je m'en voudrais de lâcher maintenant."

Sur le chemin du retour, Jérémie s'arrête devant la maison des Jubillar. Il nettoie un peu le mémorial improvisé, près duquel il a planté un magnolia l'an dernier pour l'anniversaire de Delphine. "Je ne peux pas l'oublier, je suis né le même jour", dit-il.

La maison est une sorte de testament aux rêves brisés de la famille Jubillar. Une bâtisse orange de parpaings apparents, jamais terminée par Cédric, dont le muret en béton gris partiellement effondré ne cache rien. Le pare-brise de la 307 garée devant depuis le début de l'affaire est enfoncé, les sièges couverts d'immondices.

Avancer

Le contraste avec la maison voisine, à la jolie façade en bois, est saisissant. Sa propriétaire Olga, petite dame élégante de 73 ans, rencontrée à l'église Sainte-Barbe, ne s'est toujours pas remise de la disparition et a longtemps hésité à sortir sur sa terrasse, de crainte d'être assaillie par les souvenirs.

Foulard vert dans les cheveux, elle se dit encore très proche des enfants Louis et Elyah, dix et cinq ans aujourd'hui, confiés par la justice à la soeur de Delphine. 

Avec son mari Michel, décédé depuis, celle que Louis appelle "Mamie Olga" n'a rien entendu lors de la fameuse nuit. C'est au matin que les gendarmes venus les interroger leur ont appris la nouvelle, à elle et son mari décédé depuis. "Mon Dieu", souffle-t-elle encore aujourd'hui, se prenant le front dans la main. "On en est tombés tous les deux..."

Après le procès, Olga voudrait organiser une grande messe pour Delphine. "Ça m'aidera, moi, à avancer. Parce que j'ai besoin de faire quelque chose pour Delphine."

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