«Nous sommes potentiellement tous concernés»

Certes, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 prévoit l’accessibilité des établissements recevant du public. Mais comment l’améliorer et mieux informer les utilisateurs de l’accessibilité d’un lieu ?

Sur les 2 millions d'établissements recevant du public, à peine 50 000 sont accessibles.
Sur les 2 millions d'établissements recevant du public, à peine 50 000 sont accessibles.

Le projet est né il y a cinq ans, à l’époque où Justin Marquant était web documentariste à l’étranger et qu’il croisait alors des éducateurs spécialisés, témoignant de leurs difficultés à organiser des sorties avec des personnes en situation de handicap. «Nous avons donc réfléchi à intégrer des pictogrammes et à accompagner l’ensemble des gestionnaires d’établissement, mais aussi les transports ou les collectivités, pour les aider à communiquer sur leur accessibilité», explique le fondateur. C’est là tout l’enjeu de la marque Picto Access, créée en 2015 par l’ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) Unis C, employant 11 salariés basés à EuraTechnologies.

Former et informer

«Une personne sur deux peut être concernée par l’accessibilité, que ce soit à cause d’un handicap moteur, psychique ou physique, mais aussi une maman avec une poussette. Certains lieux ne communiquent pas car il n’existe pas de canal possible.» Le principe de Picto Access est simple : un référentiel d’accessibilité est créé, enrichi par les membres de la communauté, les informations sont actualisées et mises en ligne sur le site web, moyennant un abonnement de 80 € par an et par établissement, mais gratuit pour les utilisateurs. Déjà 156 000 lieux sont référencés partout en France (commerces, musées, transports en commun…). Les équipes ont imaginé un code couleur : vert (la personne peut circuler en toute autonomie), orange (nécessite un accompagnateur) et rouge (inaccessibilité). «C’est une innovation», explique Justin Marquant, rappelant aussi que l’autre innovation réside dans la formation des salariés pour accueillir du personnel en situation de fragilité. «Le lieu doit être handi-accueillant. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’ascenseur que le lieu n’est pas accessible ! Notre enjeu ? Afficher l’accessibilité au même titre que l’adresse.» Après une première levée de fonds d’un million d’euros en septembre 2017, Justin Marquant et son associé Clément Demily en préparent une deuxième pour s’attaquer au marché canadien. «Il y a une vraie place là-bas, ainsi que dans les autres pays francophones. Les mentalités changent. Des plateformes comme Airbnb sont elles aussi en train d’afficher leur accessibilité. Ce n’est pas un surcoût !» Avec près de 400 000 utilisateurs sur le site web, 2 400 sur le mobile (l’application  a été lancée il y a trois mois à peine) et 13 000 contributions, Picto Access ambitionne d’atteindre le million d’euros de chiffre d’affaires «le plus rapidement possible». En adoptant le statut d’ESUS, l’entreprise réinvestit 75% de son chiffre d’affaires dans l’innovation sociale et sociétale. «Nous sommes potentiellement tous concernés. Peu importe que l’on soit une association, une entreprise ou une fondation, on a tous besoin d’être citoyen et de construire un monde plus inclusif», estime Justin Marquant.