«Nous leur donnons le pouvoir d’agir»

Si l’entreprise textile régionale fait figure de mastodonte dans la vente à distance d’habillement, de lingerie, de linge de maison et de décoration, son management s’apparente à celui d’une jeune entreprise. Reprise en 2016 par quatre membres de la direction, Blancheporte mise sur le management agile. Rencontre avec Caroline Lemaire, directrice associée, ressources humaines et environnement de travail.

Blancheporte mise sur le web sans pour autant abandonner le catalogue papier, fidèle à ses origines.
Blancheporte mise sur le web sans pour autant abandonner le catalogue papier, fidèle à ses origines.

L’année 2012 a été celle du «basculement des ressources humaines», explique Caroline Lemaire. «Nous avons externalisé l’expédition de colis et le call center. Nous avons pu nous concentrer sur le e-commerce, la production et la relation avec les clients en développant le management agile. Le rachat par les quatre associés a été très soutenu par les équipes, tout l’attachement à l’entreprise a resurgi. Les 200 salariés voulaient être des acteurs.» C’était en 2016. L’an dernier et après des années compliquées, Blancheporte réalisait un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros, en progression de 3%, dont plus de la moitié en e-commerce.

«Blancheporte n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était», constate Caroline Lemaire, directrice associée.

Associer les salariés à la stratégie

«Dès décembre 2016, une ‘vision partagée’ a été mise en place avec les managers autour de thématiques précises : ‘Que veut-on pour Blancheporte dans dix ans ?’, ‘Comment se projeter dans l’avenir ?’, ‘Comment animer une communauté de clientes ?’ Il faut donner du sens. Même la plus petite initiative en a», explique-t-elle. Un vrai défi pour les managers, qui voient évoluer leurs pratiques managériales. «Le manager n’est plus le chef contrôlant. Il écoute, il guide et il accorde plus de confiance.» Cette quête de sens est aussi passée par un réaménagement des locaux, avec la création, entre deux bâtiments, d’un espace – «La Passerelle» –, où chacun est libre de s’installer, de boire un café, mais aussi de travailler. «Nous avions une problématique de transversalité. D’un côté, le bâtiment historique avec les offres, le style, les achats. De l’autre, l’animation commerciale, la direction générale et l’équipe projets. L’achat et le marketing se parlent beaucoup mais sont dans deux bâtiments différents. Nous avions confié à dix collaborateurs la réalisation de sondages sur la qualité de vie au travail. Leur idée ? Exploiter un ancien lieu de stockage pour en faire un espace de coworking interne.» Si elle n’est pas un lieu de déjeuner mais bien un lieu de travail, «La Passerelle» est plus conviviale qu’un simple bureau, tout en étant fonctionnelle. De nombreux salariés s’y installent seuls ou en équipe. «Nous leur donnons le pouvoir d’agir. Sur ce lieu, ils ont eu carte blanche. Ils se sont approprié les lieux, ont imaginé et construit la déco. Nous encourageons ce type d’initiatives et on leur donne la chance de tester.» Une équipe a aussi été désignée pour animer le lieu, avec un événement organisé chaque semaine.

Sur le site Internet, plus de 80 000 références imaginées par les stylistes, sur les suggestions des clientes et les tendances.

Révélateur de talents

L’équipe de direction rencontre un franc succès sur sa politique managériale, chaque salarié prenant son rythme pour y adhérer. La plateforme digitale de partage d’initiatives B’Project renforce cette adhésion : chacun poste ses besoins, ses envies ; 160 salariés sont d’ores et déjà inscrits. «Ça simplifie la communication. Derrière B’Project, un comité de pilotage d’une dizaine de collaborateurs a été mis en place. C’est un comité de direction multifonction, purement collaboratif», poursuit Caroline Lemaire, qui ajoute : «On fonctionne comme une start-up, tout en ayant plus de 200 ans et 200 salariés. Les nouveaux collaborateurs doivent être capables de cohabiter avec des générations plus anciennes.» L’âge de l’entreprise est loin de faire fuir les jeunes talents, bien au contraire : «Nous sommes très observés par les jeunes sur le web. Nous sommes reconnu pour notre performance et donc on attire. Nous sommes sur une chaîne de décision courte, ce que les jeunes talents recherchent», se réjouit-elle. Des formations sur mesure ont été imaginées pour encourager la prise d’initiative, sur l’efficacité professionnelle, l’expression des talents, l’audace comme levier d’innovation… «La confiance est le rôle clé du manager. L’entreprise a toujours été familiale, donc on vit dans l’esprit de famille, parfois on se crêpe le chignon», plaisante Caroline Lemaire, arrivée dans l’entreprise en 2010.

«On vit toujours dans un esprit de famille»

Conserver l’équilibre financier

Après des années difficiles, Blancheporte a retrouvé l’an dernier l’équilibre. Sur ses trois supports – commande par téléphone, digital, catalogue –, l’entreprise édite deux catalogues par an, agrémentés de plusieurs collections intermédiaires et de collections spécifiques sur le web. Avec deux millions de visiteurs uniques par mois, 4 millions de commandes par an et 15% du chiffre d’affaires à l’international, Blancheporte sort la tête de l’eau. «La priorité ces dernières années était de ramener l’entreprise à l’équilibre. Ce fut le cas en 2017, nous avons maintenu nos parts de marché en France», ajoute Caroline Lemaire. Coécrites avec les salariés, les prévisions pour 2027 sont ambitieuses : 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 25% à l’international, et une rentabilité de 4%.