«Nous avons revu nos dépenses à la baisse, mais la situation devient intenable»
Les entreprises et commerces du Calaisis tirent la sonnette d'alarme. Un collectif de cent acteurs de l'économie calaisienne créé pour l'occasion réclame un moratoire pour la levée des taxes dans la Communauté d'agglomération et pour le déplacement de la jungle, le camp de migrants, dont la population est estimée entre 4 000 et 5 000 âmes.
Un chiffre d’affaires en baisse de 30 à 40% est affiché par le collectif représenté par Frédéric Van Gansbeke, aussi président de l’Union des commerces du Calaisis. Double objectif du collectif : d’une part, remettre la trésorerie des entreprises locales à flot et, dans un deuxième temps, suivant l’exemple de Dublin, faire venir de grandes entreprises telles que Google ou Yahoo sur le territoire, les attirer par la détaxation afin de le dynamiser économiquement. Interview.
La Gazette. Tout d’abord, racontez-nous comment s’est déroulée la création du collectif, depuis le constat d’urgence jusqu’à sa création, le 8 décembre…
Frédéric Van Gansbeke. Lors d’interventions à propos de la situation calaisienne, j’ai rencontré le secrétaire général de la chambre syndicale des transports routiers du Pas-de-Calais, Sébastien Rivéra. Nous avons discuté ensemble et nous nous sommes découvert des points d’accord. Après ces échanges, nous nous sommes rendu compte de problématiques communes à de nombreux secteurs. Nous nous sommes servis de nos carnets d’adresses respectifs et, à la première réunion du collectif, avec les excusés, nous étions 63 dirigeants d’entreprise.
Quelles sont ces problématiques communes aux commerçants et chefs d’entreprise du Calaisis ?
Les chiffres d’affaires sont en forte baisse cette saison, et la principale cause est claire : l’image de la ville depuis la crise migratoire de cet été. Calais connaît ces problématiques depuis longtemps, à vrai dire je n’ai pas vraiment connu la ville sans présence de réfugiés (le Calaisis accueille des «migrants» depuis la guerre du Kosovo en 1998, ndlr). Mais cette dernière vague a été particulièrement importante et dévastatrice pour l’image de la ville. Et le commerce est avant toute chose une question d’image…
Vous avez fait des demandes concernant cette situation. En quoi consistent-elles ?
Elles sont au nombre de deux, plutôt simples. Tout d’abord, et sur ce point nous sommes d’accord avec le Port de Calais, nous voulons le déplacement de la jungle − officiellement la zone des Landes, où 4 000 migrants sont présents –, ainsi que la construction d’un camp en dur, et non ce terrain vague boueux et désorganisé. Sa présence à côté du port est une absurdité, et la zone est en terrain inondable et classée Seveso 2…
D’autre part, nous voudrions une détaxe totale du Calaisis. Tout le monde ou presque se serre la ceinture dans le Calaisis, nous avons revu nos dépenses à la baisse, mais la situation devient intenable. Parmi les 155 millions d’euros reçus par la Ville par le biais du contrat de territoire le 13 novembre dernier, 1 million sera attribué aux entreprises locales par le biais du FISAC, qui ne peut financer qu’à hauteur de 20% les dépenses d’investissements et à hauteur de 30% les dépenses de fonctionnement des entreprises. Nous n’estimons pas la compensation financière à la hauteur du préjudice ; 200 à 300 entreprises pourraient être touchées. Un million d’euros, c’est dérisoire…
Nous ne sommes pas de déraisonnables utopistes, nous sommes soutenus par la CCI et Metro fait partie du collectif. Si Metro est en difficulté, c’est dire l’urgence de la situation. D’abord, ce sont les commerces de détail qui sont touchés, ensuite ce sont leurs fournisseurs, les grossistes et les entreprises B to B…
Qu’en disent les collectivités ? La mairie ne peut décemment pas se priver des taxes des entreprises pour fonctionner…
Il y a un mois, Natacha Bouchart, maire de Calais.L’Etat pourrait exceptionnellement compenser ces pertes ! Cette situation a été causée par l’Etat, il est de sa responsabilité de compenser les pertes. Il y a déjà eu une indemnisation sur le long terme, mais là il s’agit d’une situation urgente. Si l’on construit un centre de congrès à Calais, quel congressiste va venir ? Et la même question se pose pour le parc d’attractions.
Natacha Bouchart avait proposé l’extension de la zone franche à toute la ville de Calais. Qu’en pensez-vous ?
La zone Marcel-Doret est déjà en zone franche. Cette mesure ne servirait à rien pour toutes les entreprises déjà présentes sur ce secteur. De plus, les entreprises de transport ne sont pas concernées par le statut de zone franche. Étant donné que ce sont tout de même les premières concernées, il me paraît difficile d’aider les entreprises touchées par cette mesure. Par ailleurs, ce n’est pas qu’à Calais qu’il faudrait appliquer ce genre de mesure, c’est dans tout le Calaisis. Les communes de Coquelles, de Coulogne, de Marck sont tout autant touchées que Calais.
Avez-vous été reçu par les élus ?
J’aimerais rencontrer Xavier Bertrand à ce propos. Je n’ai pas encore pu parler à Natacha Bouchart depuis le 8 décembre. J’aimerais pouvoir discuter calmement de ces problèmes autour d’une table, je ne suis pas un poujadiste… J’adore juste ma ville, sinon je ne me battrais pas comme ça pour elle !