«Je veux créer une nouvelle entreprise sans précipitation»
Après 20 ans de salariat et beaucoup de projets industriels à mener, Thomas Hebar a acheté cette belle affaire. Se disant impatient, traditionaliste et méfiant, il a un plan très précis de développement ambitieux mais ne veut pas brûler les étapes, d’autant que son marché reste porteur.
La Gazette. Quels sont votre formation et votre parcours professionnel avant cette reprise ?
Thomas Hebar. Pendant 20 ans j’ai fait du développement et du montage de projets dans des groupes près de Saint-Amand-les-Eaux, dont 9 ans chez un grand équipementier ferroviaire. Puis je me suis tourné vers la restructuration comme cadre mandataire en vue de l’export. Je suis électrotechnicien de formation mais si je devais résumer mon vécu, je dirais qu’il a été tourné vers le projet. Aujourd’hui encore, c’est ce qui me motive principalement.
Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise ?
Mi-2013, j’ai commencé à songer à reprendre. Pas à créer. Je me connais, je n’aime pas perdre de temps, donc la reprise avec sa continuité d’activité pendant la cession m’allait très bien. J’aurais pu revenir dans ma précédente entreprise qui me demandait à nouveau mais, trop tard, je m’étais tourné vers autre chose. J’avais déjà une idée précise de ce que je voulais : une PME régionale de 20 salariés à peu près, qui transformait de la matière, mais dans le bâtiment, saine et dégageant de la valeur ajoutée et justifiant une valeur de rachat. Je m’étais donné un an à partir de janvier 2013.
Quelles actions avez-vous menées dans votre carrière vous faisant penser que vous étiez capable de reprendre une entreprise ?
En fait, en 2007 déjà j’avais songé à reprendre. J’avais eu une opportunité mais sans lendemain. J’étais donc sans expérience en matière de reprise mais mon vécu me donnait confiance, donc je n’ai pas eu d’états d’âme. Je connaissais les métiers de l’entrepreneur sauf la comptabilité. Ensuite, je suis tombé sur la bonne entreprise tout de suite, répondant à absolument tous les critères que j’avais fixés et dans mon métier de base ! Il n’y avait plus qu’à y aller.
Combien de temps s’est passé entre l’idée et la signature ?
Le protocole date d’octobre 2013, la signature a été apposée le 24 décembre 2013. Comme j’avais commencé à chercher en janvier 2013, le tout a pris un an, comme prévu !
Quels ont été vos partenaires pendant cette reprise ?
Des cabinets d’expert-comptables, des avocats, trois banques, la CCI Grand-Hainaut et plus particulièrement M. Weiss, la CMA, la BPI et j’ai eu un Cambrésis initiatives.
Sur quel critère avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?
Sur celle que les comptables avaient retenue, mais aussi sur une plus-value importante : la notoriété de cette entreprise qui avait été créée en 1964. Le prix a été abondé à l’instant.
Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de cette entreprise ?
J’avais 14 dossiers à examiner, tous disparates. Finalement, le BRE m’en a proposé 3, dont celui-ci que j’ai immédiatement retenu puisqu’il collait à tout ce que je voulais. Avec les forums de formation, j’ai beaucoup appris et j’ai pu apprécier cette entreprise à sa juste valeur. Elle était viable, saine, financièrement le dossier était correct, avec la présence de compétences du personnel, la technicité de la société. J’étais dans mon métier, d’autant que je sortais tout juste d’une entreprise d’automatismes électrotechniques. Le contact avec le cédant a été absolument parfait.
Au final, comment avez-vous trouvé cette entreprise ?
Dès la première rencontre, en juin 2013, avec le cédant qui partait en retraite, j’ai senti que tout était transparent, sincère. Je me suis dégagé en août d’un lot de six repreneurs possibles et mon projet a plu, le prix a été conclu quasiment tout de suite. Bref, une transmission rapide et idéale. Le personnel m’a été présenté à la signature, il était satisfait. L’accompagnement a été fait pendant trois mois et demi par le fils du cédant qui n’a pas voulu rester dans l’entreprise. J’ai procédé à un audit personnel malgré celui du cédant, il a été intégré au protocole. Il y a eu les audits sociaux et juridiques habituels, onéreux, mais qui ont clairement montré la bonne santé générale d’EIN. Cette entreprise familiale avait un CA sortant de 1,4 M€, il était stable depuis quelques années. La clientèle était constituée d’entrepreneurs expérimentés du Cambrésis, eux-mêmes dans une affaire familiale. Ils connaissaient EIN sur le bout des ongles, ce sont des partenaires plus que des clients. Des brodeurs, du bâtiment, les grands secteurs d’activité, la grande distribution, etc. L’offre de service consistait à équiper des bâtiments en courant faible avec personnalisation, assurer la maintenance et le dépannage. Mais ce CA pouvait progresser à mon sens, il s’appuyait sur un marché de 40 km de rayon. Je dirais que tout cela tournait vraiment très bien, en symbiose avec tous les acteurs d’un marché qui avait une cohérence géographique mais pas seulement. Mon arrivée n’a en rien entamé ces stabilités-là.
Quels sont vos projets pour EIN ?
J’ai acheté quelques véhicules et longuement parlé à chaque membre du personnel pour connaître leurs besoins mais surtout comprendre leurs métiers et tout que cela formait en définitive. Comprendre l’usine en quelque sorte. C’était déjà informatisé, on a fait un plan de formation, revu les horaires et, peu à peu, on a amélioré l’ensemble en rationalisant les postes. Ensuite, il y a eu la généralisation des tableaux de bord à la semaine et non plus comme avant à l’année, et le passage à une vraie logistique. En fait, c’est l’exploitation entrepreneuriale qui a progressé, ainsi que l’optimisation de chaque poste, comme le produit peut le faire aussi. On est encore installateur mais soyons avant confirmés par la clientèle. Je suis plus en train de construire patiemment une «nouvelle usine» qu’à la recherche d’un développement spectaculaire. Le projet sera d’activer les outils de communication et commerciaux. Car j’ai acquis en mars 2014, de façon assez soudaine et inattendue, une autre usine d’électricité à Cambrai, mais pour le particulier. Je dois donc organiser maintenant une complémentarité entre ces deux sociétés. On va passer tout doucement à un marché de 80 km de rayon, aller sur Valenciennes, Douai, etc. Et le CA devra croître de 3 à 5% par an.
Auriez-vous trois conseils à donner à un candidat repreneur ?
D’abord s’entourer d’une petite équipe «projet» avec des amis sûrs et un cabinet. Puis, ne pas s’emballer et analyser ses dossiers aussi attentivement que possible. Enfin, positiver, mais surtout penser soi-même aux difficultés car un cabinet ne va pas forcément vous les montrer.