«Je ne pense pas qu'il y ait eu de révolution en interne»

PMC lingerie a récemment obtenu le label des «Entrepreneurs + engagés» (E+), récompensant sa progression RSE. Le groupe familial opère dans la distribution de la lingerie et possède trois marques propres. Philippe Cornillot revient sur l'engagement RSE de l'entreprise et ses perspectives de développement.

«Je ne pense pas qu'il y ait eu de révolution en interne»

La politique RSE de l’entreprise s’est concentrée sur la logistique externe mais aussi interne.

PMC lingerie fait du négoce depuis 1986 dans la lingerie de jour et de nuit pour femme, homme et enfant. L’entreprise dispose de trois marques propres : Petit Béguin, dans le domaine de la petite enfance – diffusée en e-commerce par la filiale TLA diffusion –, Envie de Lingerie et Mojito Lingerie en corseterie. Elle possède par ailleurs une marque distributeur et travaille avec une dizaine d’enseignes et des centaines de magasins indépendants. La société, qui emploie 48 personnes dont une dizaine dans un bureau à Hong Kong, achète ses produits en Asie. Un choix en accord avec sa démarche RSE selon son dirigeant, Philippe Cornillot.

La Gazette : D’où vient cette volonté de changement ?

Philippe Cornillot : En 1986, nous avons démarré avec 4-5 personnes. Je suis parti en Asie et j’ai très vite ramené des produits qui permettaient de répondre à l’époque aux demandes. Les têtes de gondole étaient les premiers prix et le volume de produits. J’ai ensuite voulu travailler la valeur ajoutée avec une créativité forte et un service compétent. Il y a deux ans, j’ai intégré la FEEF (Fédération des entreprises et entrepreneurs de France). Lors d’une réunion, on m’a parlé de RSE. Je pense que le déclic s’est fait à la COP21 à Paris. Je me suis dit qu’il fallait que l’on transforme les entreprises, qu’on les responsabilise un peu plus sur des sujets hors business. J’ai présenté la démarche RSE à mon entreprise en juin 2017. Nous avons lancé le projet le mois suivant. Nous avons reçu notre label après neuf mois de travail et des audits blancs. Il y a eu une courbe de progression énorme. Je n’aurais pas pu le faire tout seul. Les RH et le management ont géré la transition. Nous avons dû changer notre mode de fonctionnement, revoir nos process, pour mettre en place une organisation plus structurée. Pour le personnel, il me semble que cela a été un moment important de partage. Tout le monde a joué le jeu.

Une équipe de six stylistes crée les collections pour les trois marques propres de PMC.

Comment s’est appliquée la RSE chez PMC lingerie ?

C’est un cercle vertueux qui peut entraîner l’entreprise vers le haut. Je considère qu’aujourd’hui, le succès du RSE chez PMC, ce n’est pas moi mais mes équipes. En interne, il y a une volonté de s’engager. J’étais le chef d’orchestre, qui a initié et parlé du RSE, et très rapidement j’ai vu que les collaborateurs ont voulu faire ce challenge, avec une partie sociétale, environnementale. Nous avons décidé de tout remettre à plat. Par exemple, nous travaillons maintenant la logistique avec une entreprise qui a une logique environnementale. Notre marchandise arrive sur le port d’Anvers. On ne la fait plus venir ici en camion, mais plutôt sur des barges débarquées pas très loin de chez nous. Nous travaillons également avec des palettes recyclables et nous avons acheté des compacteurs pour les cartons et plastiques. Nous avons par ailleurs apporté des solutions de bien-être au travail, notamment par l’investissement dans une filmeuse pour les colis.

La logique RSE est-elle compatible avec l’achat de produits à l’étranger ?

J’achète en Asie. Forcément il y a un rejet de CO2 avec le transport. Nous avons récemment utilisé la ligne de chemin de fer ouverte entre la Chine et l’Europe, car nous pensons que le bilan CO2 est meilleur que sur les porte-conteneurs. Je ne dis pas que demain on fera tout par train, mais on essaye de trouver des solutions. Nous avons une quinzaine de fournisseurs qui sont visités régulièrement par notre contrôle qualité, le responsable des achats ou moi-même. Ça m’arrive de refuser une production à partir du moment où je considère qu’elle est impropre à la consommation. Nous sommes une petite PME, mais nous avons imposé une charte de qualité propre à PMC. Je l’ai commencée il y a 15 ou 20 ans et elle évolue chaque année. Aujourd’hui, par exemple, il y a une reprise de certaines démarches RSE qui demandent une traçabilité dans les usines. Nous sommes membre du BSCI qui est une réglementation dans les usines sur la partie sociale au niveau des salaires, des heures supplémentaires, des conditions de travail, etc. Nous avons aussi un rôle pédagogique et d’accompagnement sur certaines manufactures pour les aider à changer leur annotation de manière positive. Il y a également des normes européennes sur le textile, dont la Reach avec des tests réalisés par des laboratoires indépendants type SGS ou Bureau Veritas Laboratoires.

Les produits sont fabriqués chez des fournisseurs audités par PMC en Asie.

Avez-vous rencontré des difficultés au cours de la transition ?

Très honnêtement non, mais ça a été très lourd, nous avons mis en place beaucoup de choses. Il y a des process qui avaient besoin d’être structurés. Je ne pense pas qu’il y ait eu pour autant de révolution en interne. L’entreprise était déjà relativement bien organisée. Le management chez PMC se fait en confiance. Il n’y a pas de changement réel dans notre fonctionnement interne. Cependant, beaucoup de choses ont été clairement affichées en termes de politique, notamment pour les fournisseurs. Le partage de l’information est beaucoup plus fort. Nous n’avons pas le label à vie, nous serons audité à nouveau l’année prochaine. Donc le travail continue. Le label «Entrepreneur engagé» va interroger les consommateurs. Nous voulons donner confiance. L’importation d’Asie est RSE, parce qu’on peut faire du négoce, prendre toute la chaîne, aller jusqu’en amont et mettre en place des règles de fonctionnement. Nous allons chercher les usines responsables. Je pense que nous avons des valeurs, que nous avons exprimées à travers cette RSE.

Notre progression est stable ces dernières années. Nous essayons de nous développer avec le e-commerce sur TLA et travailler sur nos gammes de produits. Nous avons eu une belle croissance à deux chiffres l’année dernière, ce qui n’était pas prévu. Nous n’avons pas encore d’impact à mesurer sur notre croissance avec la RSE. Cependant, nous obtenons des rendez-vous grâce à notre engagement. Les acheteurs dans la grande distribution y sont sensibles. Ils peuvent venir visiter nos fournisseurs.

La démarche RSE continue-t-elle en fin de vie du produit ?

On donne beaucoup de stocks de produits aux associations. Cela fait des années qu’on le fait, même avant la RSE. Les associations sont locales pour la plupart, on va soit faire livrer la marchandise, soit faire des dons en numéraire. C’est une forme de recyclage. Si on jette du stock, c’est que l’on estime que la marchandise est impropre à la vente.

 

Corinne Touzard-Roturier, RRH et assistante PDG chez PMC lingerie

«Nous ne faisons pas de management disciplinair

«Nous manageons en bon père de famille. Les neuf cadres opérationnels managers sont très à l’écoute des collaborateurs et donnent beaucoup d’autonomie. Une fois ou deux par semaine, nous organisons des points de rencontre individuellement pour voir où en sont les dossiers. Ce n’est pas que l’encadrement qui est mis en avant, mais toute la société, jusqu’à notre technicienne de surface. Nous avons la chance d’être force de proposition, nous pouvons amener des idées, il y a beaucoup d’échanges. Mais cela n’est pas lié à la démarche RSE. La société a adopté ce mode de fonctionnement depuis quelques années. Nous ne faisons pas de management disciplinaire. Je pense que cela émane des managers, de l’encadrement, des ressources humaines, de Philippe Cornillot qui nous a fait confiance.»