«Il nous faut reprendre le pouvoir sur le numérique»

Pierre Mongin, auteur de plusieurs ouvrages sur le mindmapping (cartes mentales), évoque quelques points importants de La Stratégie du Post-it et du kanban personnel, son avant-dernière parution chez InterEditions.

«Il nous faut reprendre le pouvoir sur le numérique»

La Gazette. Qu’est-ce donc que la «stratégie du Post-it» ?

Pierre Mongin. La stratégie du Post-it sert à reprendre la main sur le numérique qui vous oblige à répondre immédiatement à des sollicitations toujours plus nombreuses, sans laisser de temps de réfléchir. Et cela dans un environnement où il faut tenir compte du fait que notre mémoire à court terme est limitée à sept éléments et 30 secondes ! Que retiendrez-vous de cet article une fois sa lecture terminée ? C’est pour cela qu’une prise de notes sur un papier ou un Post-it vous servira de mémoire externe. Le Post-it a aussi une autre particularité, celle de pouvoir être déplacé et recollé. Ces deux propriétés − mémoire externe et mobilité − sont alors utilisées pour se créer des plannings (les Kanban), modifiables en temps réel sans devoir réécrire la liste de nos actions et leurs priorités. Nous reprenons le pouvoir de gestion de notre temps sans la pression du numérique. La stratégie du Post-it nous permet donc de prioriser nos idées et actions et de nous concentrer sur une ou deux actions à faire aujourd’hui.

 Et le “kanban personnel” ?

Le kanban personnel est une transposition du kanban employé dans les usines Toyota. Il a pour objectif de limiter les stocks d’en cours. On achève ce qui est commencé et on arrête de commencer à démarrer de nouvelles tâches, tant que le stock d’actions en cours n’est pas terminé.

Cela donne un tableau de bord avec des Post-it sur lesquels vos tâches sont inscrites. Les Post-it sont accrochés et déplacés en fonction de leur réalisation. Selon les cas, vous créerez des petits tableaux dans votre agenda, sur un mur de votre bureau personnel ou d’un couloir pour partager l’avancement d’un projet avec votre équipe. Là encore, nous avons une vue globale de l’avancement de notre travail et de celui de nos collègues sans allumer d’ordinateur.

 Vous vous méfiez beaucoup de l’emprise du numérique sur notre quotidien. Vous opposez au numérique l’analogique. Qu’est-ce donc précisément ?

La stratégie du Post-it part du constat que notre vie est totalement fragmentée par le numérique : appels téléphoniques, SMS, e-mails, ordinateur. Or, la communication est composée à la fois d’analogique et de numérique. L’analogique c’est l’ensemble de tous ces signaux non verbaux, les mimiques de votre interlocuteur qui vous font comprendre plein de choses que ne pourra jamais faire le numérique. Il nous faut reprendre le pouvoir sur le numérique en retrouvant de l’unité dans nos actions.

 Peut-on se passer du numérique quand on sait qu’aujourd’hui tout va vite, en particulier dans les milieux économiques ?

D.R.Le problème n’est pas de se passer du numérique mais de jouer des complémentarités entre le papier et le numérique. Un Post-it a un poids. Lorsqu’on le déplace, on lui donne une certaine énergie. Le plaisir d’avoir terminé une tâche et de froisser le papier une fois celle-ci achevée est particulièrement jouissif. Notre cerveau nous libère alors de la dopamine, et donc du plaisir.