Budget britannique: Londres promet la discipline, pas l'austérité

Après des semaines à agiter le spectre d'un premier budget "douloureux" fin octobre, la nouvelle ministre des Finances du Royaume-Uni, Rachel Reeves, a tenté d'arrondir les angles devant le parti travailliste lundi à...

La ministre des Finances britanique Rachel Reeves, lors d'un discours devant le parti travailliste à Liverpool, le 23 septembre 2024 © Oli SCARFF
La ministre des Finances britanique Rachel Reeves, lors d'un discours devant le parti travailliste à Liverpool, le 23 septembre 2024 © Oli SCARFF

Après des semaines à agiter le spectre d'un premier budget "douloureux" fin octobre, la nouvelle ministre des Finances du Royaume-Uni, Rachel Reeves, a tenté d'arrondir les angles devant le parti travailliste lundi à Liverpool, en réfutant tout "retour à l'austérité".

Le contexte est sensible pour son camp, accusé d'alimenter la morosité par un discours alarmiste, mis sous pression par les syndicats et pris dans le feu du scandale des "freebies", ces cadeaux reçus par le Premier ministre Keir Starmer et plusieurs de ses ministres.

Objectif de Mme Reeves: regonfler le moral des ménages britanniques, qui a plongé selon un indice de référence de l'institut GfK, et apaiser un milieu des affaires affolé par d'éventuelles hausses d'impôts.

"Il n'y aura pas de retour à l'austérité", a-t-elle martelé dans son discours, jurant que son "optimisme pour la Grande-Bretagne" était "plus vif que jamais". Elle jure ainsi que son budget, le 30 octobre, ne comprendra pas de hausse d'impôts pour les travailleurs, ni sur les sociétés.

La ministre confirme cependant l'extension de la taxe sur les profits exceptionnels des entreprises énergétiques et l'introduction de la TVA sur les frais de scolarité des écoles privées. 

Elle entend aussi accroître la lutte contre l'évasion fiscale et s'attaquer aux entreprises qui ont indument profité des aides Covid.

Perte de popularité

"Il s'agira d'un budget avec une réelle ambition", pour "réparer les fondations" et "apporter le changement", a-t-elle affirmé, faisant de la croissance "le défi" et de l'investissement "la solution".

Reste que Mme Reeves doit faire face aux réalités économiques du pays, à commencer par une énorme dette publique, inédite depuis les années 1960, équivalente à son PIB annuel.

Et en dépit de ses ambitions sur les investissements, elle compte bien faire preuve d'une discipline de fer sur les finances, en particulier à cause du "trou noir" de 22 milliards de livres dont le gouvernement dit avoir hérité des conservateurs.

Cette discipline entraînera des "décisions douloureuses", selon les termes de Keir Starmer, dont l'une a déjà été annoncée: la suppression d'un chèque énergie pour des millions de retraités.

"Personne ne s'attendait à ça. Cela a choqué et ils ont beaucoup perdu en popularité", affirme à l'AFP George Cumiskey, un retraité de 75 ans présent au congrès.

"Est-ce qu'ils se sont consultés pour évaluer quel sera l'impact (pour les gens) ?", s'indigne Neil Mallett, militant de 70 ans qui se dit socialiste.

La mesure a mis vent debout les syndicats, qui contribuent largement au financement du parti travailliste: ils comptent mettre la pression avec un vote non contraignant au congrès sur la mesure, potentiellement mercredi.

La relation avec eux avait pourtant bien débuté pour le gouvernement, qui a mis fin dès juillet à des conflits avec les conducteurs de train et les jeunes médecins en augmentant leurs rémunérations. Restent les infirmières, qui ont refusé lundi l'augmentation proposée.

Militants dépités

Le discours de Rachel Reeves, brièvement interrompu par un militant écologiste, a été salué par la City of London Corporation, le puissant secteur financier britannique, pour sa "vision positive".

La ministre n'a par ailleurs pas évoqué le scandale des "freebies", ces cadeaux reçus par les membres du gouvernement, dont elle-même, qui empoisonne le congrès travailliste, prévu jusqu'à mercredi.

Keir Starmer, attendu pour un discours mardi, a lui reçu pour plus de 100.000 livres de cadeaux depuis décembre 2019 (vêtements, lunettes, places de concerts ou de matchs de foot), principalement du multimillionnaire Waheed Alli, membre de la chambre des Lords.

En amont du congrès, il a assuré que les responsables travaillistes n'accepteraient plus de dons de vêtements. Mais à Liverpool, les militants restent dépités.

"Ça ne donne pas une bonne image, parce qu'on a blâmé les Tories" pour la même chose, critique Steve, un militant de Sheffield (nord), qui refuse de donner son patronyme. "Ils doivent se concentrer sur les choses importantes. Cela les distrait des choses qu'ils ont à faire."

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