Bruno Retailleau, figure d'une droite conservatrice et irritant de la macronie

Figure d'une droite libérale-conservatrice aux convictions inflexibles, partisan d'une "politique de civilisation" et opposant féroce au rapprochement entre la macronie et Les Républicains, Bruno Retailleau a été nommé samedi au poste-clé de l'Intérieur, où sa...

Le chef du groupe parlementaire LR au Sénat, Bruno Retailleau, arrive à l'hôtel Matignon, le 19 septembre 2024 à Paris © Ludovic MARIN
Le chef du groupe parlementaire LR au Sénat, Bruno Retailleau, arrive à l'hôtel Matignon, le 19 septembre 2024 à Paris © Ludovic MARIN

Figure d'une droite libérale-conservatrice aux convictions inflexibles, partisan d'une "politique de civilisation" et opposant féroce au rapprochement entre la macronie et Les Républicains, Bruno Retailleau a été nommé samedi au poste-clé de l'Intérieur, où sa radicalité risque bien d'irriter le camp présidentiel.

Il manquait une case dans le riche CV du sénateur de Vendée: celui de ministre. A 63 ans, il est en passe de la cocher, en acceptant de figurer dans l'équipe proposée par Michel Barnier à Emmanuel Macron, non sans s'assurer au préalable, que la configuration gouvernementale s'approcherait plus d'une "cohabitation" que d'une "coalition".

Car l'élu vendéen, patron stratégique du très puissant groupe LR du Sénat depuis 2014, n'a cessé en sept ans de s'attaquer frontalement au "en même temps" macroniste et au tripartisme, "poison de la République".

"Quand on mélange serviettes et torchons, au bout du compte cela forme une impuissance. Cela sclérose la France et la conduit dans le mur", scandait-il encore durant l'été face aux appels à une coalition. "Celui qui pourra me faire retourner ma veste n'est pas encore né".

Mais avec Michel Barnier à Matignon, la donne a changé. "C'est notre homme, l'homme de la famille", et "on a la certitude qu'il ne sera pas un collaborateur" d'Emmanuel Macron, martèle désormais Bruno Retailleau.

Ce passionné d'équitation et ancien cavalier au Puy-du-Fou a donc décidé de franchir l'obstacle, encouragé par de nombreux proches au Sénat. 

- "Il va y aller franco" -

Mais l'ancien président des Pays de la Loire n'entend pas monter dans le navire sans son triptyque: "ordre", "autorité", "fermeté".

"Il n'y va pas pour faire une politique centriste, c'est sûr. Il va y aller franco", prévient un sénateur centriste. Avant d'ajouter, amusé: "Avec lui, ce sera plutôt +Passez-moi le dossier sur l'aide médicale d'Etat !+", ce dispositif accordé aux étrangers en situation irrégulière, dossier hautement inflammable.

Sur l'immigration en effet, l'ancien protégé de Philippe de Villiers au Mouvement pour la France (MPF) n'est pas du genre à lâcher du lest. 

En témoigne la bataille engagée en décembre avec l'ex-Première ministre Elisabeth Borne sur la loi immigration, considérablement durcie après d'âpres négociations entre LR et Matignon.

"J'ai tiré tout ce que j'ai pu tirer, je n'ai rien laissé passer. On était au bord du précipice, mais j'ai dit à mes amis de me faire confiance", confiera-t-il quelques jours plus tard, relatant ce bras de fer.

Avec une double victoire personnelle à la clé: l'adoption d'une loi d'inspiration Retailleau et la fracturation du camp présidentiel.

Sur les réformes sociétales, le profil de cet opposant au mariage pour tous risque aussi de faire grincer. Au printemps, même en minorité - rarissime pour lui au Sénat -, il menait encore la bataille contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution.

Quant au projet de loi sur la fin de vie voulu par Emmanuel Macron, c'est "une loi d'euthanasie", tonne le Vendéen à la silhouette mince et aux fines lunettes.

Il "sait s'arrondir

"Depuis un an, il ne fait que se radicaliser en imposant ses positions extrêmement dures", s'inquiète un cadre du camp présidentiel au Sénat. "Qui est assez fou pour gouverner avec Retailleau ?", s'interrogeait pour sa part une ministre sortante ces derniers jours.

A gauche, certains ressortent aussi des déclarations polémiques, comme lors des émeutes de juin 2023, lorsqu'il établissait un lien entre l'immigration, ces débordements et "une sorte de régression vers les origines ethniques" de la part des "deuxième et troisième générations".

Chez LR, on dresse au contraire le tableau d'un homme "à l'écoute", "qui sait s'arrondir", et on salue l'équilibre du duo qu'il forme avec le président Gérard Larcher, capable de préserver l'unité du premier groupe parlementaire de la chambre haute, beaucoup plus discipliné que son homologue de l'Assemblée nationale.

La garde rapprochée de cet insatiable lecteur vante aussi "l'intelligence" et la "force de travail" de son chef de file, tout comme le talent d'orateur de celui qui s'exprime toujours sans la moindre note, citant de mémoire nombre d'auteurs et de penseurs pour nourrir son propos.

Fidèle parmi les fidèles de François Fillon en 2017, candidat à la présidence de LR en 2022 battu par Eric Ciotti, Bruno Retailleau a voté blanc au second tour de la dernière présidentielle. 

Fils d'un négociant en grains, catholique pratiquant et "rural" assumé, ce parlementaire discret et pudique s'apprête à prendre la lumière à Beauvau, loin de ses terres vendéennes où il élève poules, âne et moutons.

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