Bruno Decherf projette une vraie entreprise de travail adapté
Président-fondateur d’Ethap, Bruno Decherf ne cesse de renforcer les liens entre le monde du handicap et de l’entreprise, dans la recherche d’une mutuelle croissance et du respect de l’homme. Nul doute que la reconnaissance d’Ethap par la prestigieuse Fondation de France l’aidera à mener à bien son dernier projet : créer la première véritable entreprise d’insertion en Douaisis.
Que de chemin parcouru depuis 1988 quand Ethap s’ancra dans la petite ZA Saint- René à Guesnain. A cette époque, les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais cédaient la plupart de leurs activités et l’une d’elles concernait les travailleurs handicapés. Bruno Decherf, aussi impliqué dans le monde de l’entreprise via le Medef Douaisis et Les Entrepreneurs, que dans des activités d’aide aux plus démunis, sauta sur l’occasion de reprendre une structure visant à réintégrer les travailleurs handicapés laissés de côté, soit dès le départ de leur vie, soit au cours de leurs années de travail. Comment les remettre dans le circuit professionnel, comment persuader les entrepreneurs et parfois ses propres collègues que les avantages étaient nombreux ? Il fallait être visionnaire et acharné, Bruno Decherf se voit aujourd’hui récompensé, et sur le fond et sur la forme. “Tout le contraire de l’assistanat”. Sur la forme parce que jamais il ne sombra dans la sensiblerie et le misérabilisme, mais mena sa barque en responsabilisant tous les acteurs, comme on le fait pour des adultes n’ayant besoin d’aucune assistance, comme dans un milieu professionnel “ordinaire”. En lui remettant le Laurier départemental 2001 du département du Nord, Bernard Grison, président du comité régional Nord-Pas-de- Calais-Picardie de la Fondation de France, rappela à juste titre qu’elle sélectionnait et récompensait les structures qui basaient leurs actions sur les ressources humaines, le travail créateur de richesse et surtout dont les bénéficiaires sont d’abord les propres acteurs. “Tout le contraire de l’assistanat”, dit-il.
Témoign’Age, un pas décisif vers la réinsertion. Mais sur le fond, Bruno Decherf affiche également un bien beau bilan. Ethap a su engendrer nombre de partenaires et parfois des filiales, qui ont aujourd’hui pignon sur rue dans le monde du travail aidé. Ethap est lui-même référencé en matière d’imprimerie, reprographie, mise sous pli, espaces verts, entretien des bâtiments, récupération et valorisation des papiers de bureau, cartouches de fax et imprimantes. Son CA a été largement ouvert à la société civile et aux chefs d’entreprise en particulier. En mars 1983, un partenariat était établi avec Elise à Wambrechies pour le ramassage de papiers de bureau. Puis Ethap fondait Adele, les deux fonctionnant à 50/50 pour recueillir papiers et cartons. La Fondation de France dotait déjà cette association qui, en 2010, parvint pour la première fois à s’auto-suffire sans aucune subvention. Enfin, grande étape de cette progression d’ensemble, en mars 2006, Ethap ajoutait une autre corde à son arc en fondant Témoign’Age, mission d’insertion dans le monde du bâtiment pour de jeunes handicapés. Cette “grande aventure partenariale”, dixit Bruno Decherf, s’est faite avec Emploi et Handicap, les Papillons blancs, l’Agefiph, la Mission locale, les conseils régional et généraux, l’Etat et le bailleur social Maisons et Cités, sans oublier les entrepreneurs qui ont accueilli ces jeunes sur des chantiers de réhabilitation de maisons minières et en ont embauché 21 sur 43. Huit maisons ont été réhabilitées et louées dans le Douaisis, pour la plupart par ces juniors. Sur les 21 qui ont trouvé une issue, 9 l’ont fait dans un milieu professionnel ordinaire, 4 en entreprises aidées et 8 en contrat d’apprentissage.
Vers une entreprise dédiée à l’insertion. Au total Ethahp aura remis dans le circuit 240 jeunes grâce à toute une équipe de formateurs et encadrants. Un projet naît en ce moment même : “13 jeunes s’en sont sortis et sont revenus dans le circuit professionnel, se félicite Bruno Decherf. Mais cette action unique, Témoign’Age, doit perdurer. Notre équipe veut aller plus loin qu’une simple mission d’insertion. On songe à une vraie entreprise d’insertion, cela n’existe pas. Nous sommes prêt avec les entrepreneurs à relever le défi, avec nos partenaires aussi. On aurait ainsi une entreprise adaptée – Ethap, et à côté une entreprise d’insertion qui accueillerait tous les types d’handicap. Il y a de quoi faire dans le Douaisis qui, malheureusement, ne manque pas de personnes à remettre dans le circuit du travail.”
Mais il faut encore convaincre… “Nous n’avons jamais pratiqué le misérabilisme, martèle le président. Nous savons que s’occuper de ces problèmes, c’est pour ces jeunes et parfois moins jeunes un moyen de revenir ou d’enfin entrer dans les entreprises. On a donc des personnels bien configurés, très fidèles et très fiables. Mais la vitesse d’insertion, plus les soins à prodigue, demandent plus d’investissements, c’est vrai. C’est là que doit porter notre effort. C’est plus cher mais au bout du compte, c’est une démarche d’investissement et non de charge. Je le dis à ces jeunes : nous parions sur vous, vous serez votre propre moteur de votre développement. Vous serez les contributeurs à un système social au lieu d’en être les consommateurs !” Propos ardents qui s’adressent aussi aux jeunes entrepreneurs, bien entendu.