British Steel: la Chine met en garde Londres contre toute "politisation" du dossier
Pékin a exhorté lundi le Royaume-Uni à ne pas "politiser" le dossier British Steel, après les déclarations du ministre du Commerce britannique estimant que le Royaume-Uni avait été "naïf" de laisser une firme chinoise prendre le contrôle des derniers hauts...

Pékin a exhorté lundi le Royaume-Uni à ne pas "politiser" le dossier British Steel, après les déclarations du ministre du Commerce britannique estimant que le Royaume-Uni avait été "naïf" de laisser une firme chinoise prendre le contrôle des derniers hauts fourneaux du pays, sur le point d'être fermés.
"Nous espérons que le gouvernement britannique traitera les entreprises chinoises investissant et opérant au Royaume-Uni de manière juste et impartiale", a déclaré lundi Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Il a appelé Londres à "éviter de politiser la coopération économique et commerciale ou de la lier de façon excessive à des questions de sécurité, afin de ne pas entamer la confiance des entreprises chinoises qui investissent" au Royaume-Uni.
Le ministre du Commerce, Jonathan Reynolds, a estimé dimanche que son pays avait péché par "naïveté" en autorisant le rachat en 2020, sous le gouvernement conservateur de Boris Johnson, de British Steel par le chinois Jingye.
"Nous nous sommes trompés", a-t-il estimé. "Personnellement, je ne ferai pas entrer une entreprise chinoise dans notre secteur de l'acier (...) C'est un secteur très sensible".
Jingye a annoncé fin mars son intention de fermer ses deux hauts fourneaux de Scunthorpe (nord de l'Angleterre), les derniers du Royaume-Uni, faute de rentabilité, un dossier dans lequel 2.700 emplois sont en jeu.
Acte de sabotage
Après des négociations infructueuses, le gouvernement britannique a voté samedi une législation d'urgence qui force British Steel à poursuivre son activité, sous peine de sanctions, car les hauts fourneaux ne pourraient plus être rallumés s'ils étaient mis à l'arrêt.
Le gouvernement s'est dit lundi "confiant" dans sa capacité à les approvisionner avec le charbon, dont le propriétaire avait commencé à se débarrasser.
L'objectif du gouvernement est de trouver un "partenaire privé" pour investir dans le site, mais le "plus probable" reste une nationalisation, selon le secrétaire d'Etat au Trésor, James Murray.
"Nous avons besoin de capacité de production sidérurgique (...) pour notre sécurité nationale", a-t-il insisté.
Le contrôle par des entreprises étrangères d'"infrastructures essentielles peut présenter des risques", souligne Patrick Munnelly, analyste de Tickmill Group, pour qui autoriser le rachat de British Steel par Jingye "témoigne d'une vision à court terme" du Royaume-Uni.
Les entreprises et fonds chinois possèdent des participations dans plusieurs entreprises britanniques, dans l'eau, l'énergie ou l'aéroport londonien d'Heathrow.
"Nous devons être clairs sur le type de secteur où nous pouvons coopérer et ceux, franchement, où nous ne pouvons pas", selon M. Reynolds.
Certains députés britanniques de l'opposition ont soupçonné Pékin d'ingérence, accusant même Jingye de "sabotage industriel".
Un porte-parole du Premier ministre Keir Starmer a répondu "ne pas être au courant" d'un quelconque "acte délibéré de sabotage".
Ville morte
A Scunthorpe, "le moral est très bas", confie Joane Cooper, une vendeuse de 57 ans dont la boutique va baisser le rideau. "De plus en plus de magasins ferment, et si British Steel s'en va, ce sera encore pire pour la ville, elle est déjà assez morte."
"L'aciérie est notre bouée de sauvetage. C'est comme une veine, si vous coupez l'artère, tout s'épuise", abonde Jim Kirk, 66 ans, qui a travaillé dans l'industrie sidérurgique pendant 35 ans.
Plusieurs entreprises, dont le géant indien de l'acier Tata Steel, qui a éteint fin 2024 son dernier haut fourneau au Pays-de-Galles, ont proposé leur aide.
Selon M. Murray, le site "perdait 233 millions de livres (269 millions d'euros) par an", mais en cas de fermeture, les coûts par le gouvernement auraient dépassé "un milliard de livres".
La production d'acier britannique est très faible --5,6 millions de tonnes en 2023-- mais 37.000 emplois sont dépendants du secteur.
Celui-ci souffre comme le reste du monde d'une surcapacité qui a fait chuter les prix, la Chine, par ailleurs engagée dans une guerre commerciale avec les Etats-Unis, étant largement pointée du doigt. Il subit également les récentes taxes douanières de 25% décidés par Donald Trump.
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