Bétharram: devant la commission d'enquête, des témoins-clés maintiennent leurs versions contre Bayrou
Un ancien gendarme et un ex-juge, entendus jeudi devant la commission d'enquête parlementaire née du scandale Bétharram, ont maintenu des propos qui vont à l'encontre des dénégations de François Bayrou dans cette affaire, pour laquelle...

Un ancien gendarme et un ex-juge, entendus jeudi devant la commission d'enquête parlementaire née du scandale Bétharram, ont maintenu des propos qui vont à l'encontre des dénégations de François Bayrou dans cette affaire, pour laquelle le Premier ministre sera auditionné le 14 mai.
Alain Hontangs et Christian Mirande, qui furent chargés d'enquêter sur la première plainte pour viol ayant visé un religieux de l'établissement scolaire catholique du Béarn, s'étaient déjà exprimés dans la presse mais ils l'ont fait cette fois sous serment.
Le premier, âgé de 71 ans, officiait à la section de recherches de Pau quand il se rend le 26 mai 1998 au Palais de justice local pour y présenter au juge Mirande le père Carricart, mis en cause par un ancien élève.
Ce jour-là, à 14H00, le juge Mirande "m'attendait devant la porte de son bureau" et il "m'a dit: +La présentation est retardée, le procureur général demande à voir le dossier, il y a eu une intervention de M. Bayrou+", a relaté Alain Hontangs aux deux corapporteurs de la commission, les députés Violette Spillebout (Renaissance) et Paul Vannier (LFI).
Il avait déjà tenu ces propos à la mi-février dans le cadre de l'émission de TF1 "Sept à Huit". Deux jours plus tard à l'Assemblée nationale, le Premier ministre avait affirmé n'être "jamais" intervenu, "ni de près, ni de loin", dans ce dossier, niant tout contact, "avec qui que ce soit", à son propos.
Parole contre parole ? "Je ne suis pas le seul enquêteur" à avoir été informé de son éventuelle "intervention", a précisé jeudi l'ancien gendarme, révélant qu'un ex-collègue - nommé et toujours vivant - lui a fait savoir, "dès le lendemain du reportage de Sept à Huit", qu'il avait lui aussi été mis "au courant" de l'épisode à l'époque par le juge Mirande.
Ce dernier se rappelle bien que le procureur général lui a "demandé de différer la présentation de Carricart", ce qui était "surprenant". Mais il dit n'avoir "aucun souvenir" d'avoir parlé d'une intervention de M. Bayrou. Sans pour autant remettre en cause les dires des deux anciens enquêteurs, en qui il a "toujours toute sa confiance".
Contredit "point par point
L'actuel chef du gouvernement, député et président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques à l'époque, nie plus largement avoir eu connaissance, dans le passé, des agressions physiques et sexuelles dénoncées aujourd'hui par 200 anciens élèves de Notre-Dame-de-Bétharram.
L'institution fondée en 1837, de sinistre réputation dans le Sud-Ouest, a été fréquentée par plusieurs de ses enfants et son épouse y a enseigné, un temps, le catéchisme.
La position de M. Bayrou est contestée par des témoins qui rappellent notamment sa venue à Bétharram en 1996, comme ministre de l'Éducation nationale, après la plainte d'un élève - camarade de classe d'un de ses fils - victime d'une violente claque d'un surveillant, qui lui perça le tympan.
Un rapport d'inspection diligenté en urgence par le rectorat de Bordeaux venait alors de blanchir l'établissement, dont M. Bayrou prit la défense devant la presse.
Le fonctionnaire qui le rédigea, auditionné également ce jeudi par les parlementaires, a raconté qu'on lui avait donné quatre jours pour remettre ses conclusions, week-end compris. Et répété que celles-ci ne tenaient pas la route face aux révélations actuelles.
À Bétharram, "il y avait un esprit d'établissement" plutôt que "de la considération pour les personnes", a pointé Camille Latrubesse, 88 ans.
Le juge Mirande a répété aussi que M. Bayrou était venu le voir chez lui durant l'affaire de viol, en 1998, pour évoquer cette dernière, ce que l'intéressé a d'abord nié, avant d'évoquer une rencontre fortuite.
"Il a parlé de son fils pour lequel il était inquiet", a raconté le témoin, et "il n'arrivait pas à croire la réalité" des faits reprochés au père Carricart, "qu'il semblait connaître".
Autant de propos qui "contredisent point par point" les déclarations du chef de gouvernement, a conclu le député Vannier devant la presse après les auditions.
Critiquée pour ne pas s'être penchée sur Bétharram depuis trois décennies, l'Education nationale s'est décidée à programmer une inspection académique en mars qui confronte la direction actuelle à des "manquements", selon son rapport dévoilé jeudi.
Dans son viseur notamment, le cas de deux enseignants accusés de "remarques blessantes et humiliantes et de moqueries", a précisé la ministre Elisabeth Borne. Elle a mandaté une enquête plus poussée de sa haute administration.
Sur d'autres points problématiques, l'Education nationale va transmettre des mises en demeure. "La mise en conformité doit être extrêmement rapide", a intimé Mme Borne.
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