BD de la semaine

BD de la semaine

Lone Sloane – Babel

Lorsqu’au milieu des années 1960, Philippe Druillet crée Lone Sloane, le navigateur solitaire arpentant les espaces interstellaires, il révolutionne la bande dessinée. Baroque, sans limites, fourmillant de mille détails, la science-fiction explose les cases, s’hybride à la littérature en croisant Flaubert, et marque durablement les imaginaires de créateurs en herbe dont un certain George Lucas… Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, Lone Sloane revient sous la plume de Xavier Cazaux-Zago et le pinceau de Dimitri Avramoglou, jeune talent adoubé par Druillet lui-même, pour une nouvelle aventure à l’ambition et aux proportions dantesques. Babel convoque tous les personnages de la saga de Sloane et met en scène leur confrontation à une menace inexorable : l’Écume, une force sombre qui anéantit tout sur son passage. Notre héros devra littéralement se réinventer, et faire appel à tous les grands voyageurs mythologiques – Ulysse, Gulliver ou Nemo – pour l’aider à triompher du Chaos. Images spectaculaires, démesure graphique et folie narrative érigent cet album épique au rang d’événement du 9e art.

Glénat.

 

Moi, Mikko et Annikki

Première œuvre traduite en français de Tiitu Takalo, l’une des plumes les plus talentueuses de la bande dessinée finlandaise, Moi, Mikko et Annikki est le récit de l’installation d’un jeune couple dans le quartier d’Annikki, l’un des très rares îlots historiques encore préservés de la ville de Tampere, en Finlande. L’auteur relate ainsi le combat acharné que mènent les habitants de ces maisons de bois face à la voracité des promoteurs immobiliers, avec souvent la complicité des édiles locaux. Portée par un graphisme abouti, cette histoire est aussi rythmée par quelques moments essentiels de l’histoire de Tampere, depuis sa fondation à la fin XVIIIe siècle. Entremêlant l’intime, l’historique et le social, cette chronique sensible d’inspiration autobiographique est en prise directe avec les problématiques environnementales contemporaines : rénover plutôt qu’effacer, entretenir plutôt que détruire, abordant des questions universelles comme qu’est-ce qu’une ville et son identité ?

Moi, Mikko et Annikki de Tiitu Takalo (Editions Rue de l’échiquier – Traduit du finnois par Kirsi Kinnunen).

 

Payer la terre

Dix ans après Gaza 1956, Joe Sacco revient à la bande dessinée documentaire avec cet ouvrage engagé qui nous entraine dans les Territoires du Nord-Ouest au Canada, une région grande comme la France et l’Espagne réunis, mais peuplé de seulement 45 000 habitants. Après avoir rencontré en 2015 les Denes, un peuple autochtone, l’auteur retrace l’histoire de ce pays depuis l’arrivée des premiers colons anglais jusqu’à notre époque. Pendant longtemps les peuples indigènes du Grand Nord, vivant sur des terres non propices à la colonisation agricole, restèrent livrés à eux-mêmes, jusqu’à ce que la découverte de pétrole et d’or incite le gouvernement à officialiser son autorité sur eux, comme sur leurs terres. À cette période, les autorités s’appropriaient les territoires, non plus par les massacres, mais de façon administrative grâce à des traités. En lisant ceux-ci, on constate que les «Indiens» ont donné la terre où ils vivaient en échange de la promesse d’une annuité de quelques dollars… Une BD édifiante qui dresse le portrait sans concession d’un peuple spolié, tant au niveau économique que sur le plan écologique puisque la fracturation hydraulique provoque l’irréparable pollution des sols…

Futuropolis.