Bayrou ravive l'opposition des socialistes pourtant gages de sa survie politique

François Bayrou fragilisé ? Le Premier ministre, déjà bousculé par les désaccords à répétition de ses ministres, voit s'effilocher le conclave sur les retraites, ravivant l'opposition des socialistes sur lesquels...

Le Premier ministre François Bayrou à l'Assemblée nationale, le  19 mars 2025, à Paris © Thibaud MORITZ
Le Premier ministre François Bayrou à l'Assemblée nationale, le 19 mars 2025, à Paris © Thibaud MORITZ

François Bayrou fragilisé ? Le Premier ministre, déjà bousculé par les désaccords à répétition de ses ministres, voit s'effilocher le conclave sur les retraites, ravivant l'opposition des socialistes sur lesquels il compte pour durer à Matignon.

Grand défenseur de la "démocratie sociale", François Bayrou avait proposé aux partenaires sociaux en arrivant à Matignon de rediscuter "sans aucun totem" ni "tabou" de la réforme contestée des retraites, obtenant en contrepartie, avec plusieurs autres concessions à la clé, que les socialistes ne le censurent pas sur le budget.

Or il s'est depuis mêlé des discussions, réclamant un retour à l'équilibre, fermant la porte à la retraite à 62 ans, et provoquant le départ de plusieurs participants. Si la CFDT entend rester à la table des négociations, elle considère que le Premier ministre a "rompu le contrat", et elle va "s'affranchir" de la lettre de mission.

En parallèle aux protestations syndicales, le ton est donc monté au sein de la gauche, qui accuse François Bayrou de "trahison".

Le chef du gouvernement "commet une erreur" s'il pense que les socialistes ne peuvent plus le censurer, mais ceux-ci attendront de voir l'issue du conclave, a prévenu mardi le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. "Nous avons sanctuarisé le budget, nous n'avons pas sanctuarisé la place de François Bayrou", a-t-il dit.

Sirènes

"Nous avons un Premier ministre qui a baladé les Français", "la représentation nationale" et les partenaires sociaux, tonne le porte-parole du groupe écologiste Benjamin Lucas, en demandant que "l'abrogation" de la réforme puisse être désormais examinée par les députés, alors que François Bayrou a promis de porter au Parlement tout accord, même partiel, des partenaires sociaux sur les retraites.

Signe que M. Bayrou évolue en terrain glissant, un sondage Elabe pour BFMTV paru mercredi indique que la moitié des personnes interrogées souhaitent qu'une motion de censure renverse le gouvernement sur le sujet des retraites, en hausse de neuf points par rapport à janvier.

Les socialistes "se sont laissé rouler dans la farine" par François Bayrou, a raillé Jean-Luc Mélenchon en marge d'une réunion publique à Brest. "Est-ce qu'il y a une seule personne qui croyait dans ce pays qu'un gouvernement de droite allait décider de ramener la retraite à 62 ans ?", a ajouté le leader de La France insoumise (LFI), certain que les socialistes "vont finir par changer d'avis" et "renverser le gouvernement".

Les socialistes avaient déjà peu goûté la charge lancée contre eux par le Premier ministre lors de l'examen de leur motion de censure spontanée, pour protester contre sa sortie sur la "submersion migratoire".

Le chef de file des sénateurs PS Patrick Kanner l'a accusé mercredi de dériver "vers l'extrême droite du centre" et de "céder aux sirènes" de ses ministres très droitiers Bruno Retailleau (Intérieur) et Gérald Darmanin (Justice).

Ces deux poids-lourds ont mis chacun leur démission dans la balance pour peser dans les arbitrages sur l'Algérie ou le voile islamique, sur fond de désaccords avec leurs collègues. Ce qui leur a valu mardi un rappel à l'ordre, M. Bayrou les invitant à faire preuve de "solidarité".

Lui tout seul

"On est dans un jeu de postures lié à la présidentielle", et "aux jeux internes aux partis politiques", analyse un conseiller ministériel, avec Bruno Retailleau en campagne pour la présidence des Républicains et Olivier Faure en préparation de son congrès.

Le Premier ministre veut aussi "rassurer sur sa droite", selon la même source, après que le président d'Horizons Edouard Philippe a jugé "hors sol" le conclave sur les retraites dans le contexte international.

Mais sans le soutien des socialistes, et en l'absence de majorité, François Bayrou risque de se retrouver à la merci du Rassemblement national, comme l'était son prédécesseur Michel Barnier, censuré par les voix jointes de la gauche et de l'extrême droite.

A moins que "François Bayrou considère que la confiance en sa personne est le compromis" et qu'il est "la solution aux problèmes de la France à lui tout seul", tacle un stratège du PS.

Un ancien député MoDem observe que si les socialistes "ne sont pas contents" de la manière dont évolue le conclave, "ils ne sont pas vindicatifs". Il ne les voit donc pas censurer une nouvelle fois le gouvernement "au vu du contexte" géopolitique.

François Bayrou dit "ce que tout le monde pense tout bas", décrypte un cacique du camp présidentiel pour qui "jamais personne n’a pensé qu'on puisse revenir aux 62 ans" compte tenu des déficits.

"Quel est donc l'intérêt de censurer le gouvernement aujourd'hui ?" se demande-t-il, en écartant cette hypothèse "dans l'immédiat".

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