Barreau de Lille : le bâtonnier Stéphane Dhonte succède au bâtonnier Vincent Potié

L'événement était prévisible et s'est concrétisé, avec 23 jours d'avance, le 8 décembre dernier, dans l'auditorium du Nouveau Siècle à Lille : Stéphane Dhonte a été officialisé comme bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Lille pour les années 2017 – 2018 quand le Bâtonnier Vincent Potié, en exercice depuis le 1er janvier 2015, lui a transmis le Bâton, symbole de l'autorité attachée à la fonction. Un changement d'hommes, un changement de génération à coup sûr, mais une même conviction … la défense des avocats et des libertés.

Les invités au passage de bâton 2016 n'ont pas manqué d'ovationner Vincent Potié, « vitrine » de l'Ordre et « fierté » du Barreau de Lille.
Les invités au passage de bâton 2016 n'ont pas manqué d'ovationner Vincent Potié, « vitrine » de l'Ordre et « fierté » du Barreau de Lille.

 

D.R.

Vincent Potié transmet le bâton à Stéphane Dhonte.

 

 
 

 

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Les invités au passage de bâton 2016 n'ont pas manqué d'ovationner Vincent Potié, « vitrine » de l'Ordre et « fierté » du Barreau de Lille.

 

 

C’est après l’interprétation d’Une Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgski et d’extraits de Casse-Noisette de Tchaïkovski par l’Orchestre National de Lille sous la direction de Nicolas Carter avec Gregoria Robino au violoncelle, que, sur la scène de l’auditorium du Nouveau Siècle à Lille et devant un parterre de hautes personnalités civiles, administratives, judiciaires, militaires et religieuses, Vincent Potié, bâtonnier sortant de l’Ordre des Avocats du Barreau de Lille, a transmis le Bâton, à son successeur, le bâtonnier élu Stéphane Dhonte. A charge pour ce dernier de conduire le Barreau de Lille pendant les deux années qui viennent, 2017 et 2018.

Des motifs de colère. Chacun attendait, bien sûr, l’intervention du bâtonnier sortant, connu et reconnu pour ne pas transiger sur ses convictions. Premier visé, et vrai coup de colère, « l’état de clochardisation de l’institution judiciaire », qualifié de « situation scandaleuse et révoltante pour la France » : « Chacune des nouvelles dispositions législatives en matière de Justice l’est désormais pour une « recherche de modernisation », traduisez diminution des coûts. « La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est un modèle du genre par une déjudiciarisation au pas de charge. Que signifie « ne laisser au magistrat que le coeur de son métier ? Ne donner au magistrat que les litiges à intérêt pécuniaire majeur ? Lui demander de ne faire que du droit, c’est-à-dire être juriste ? Décider que le contentieux de masse est un contentieux de pauvre, indigne ? c’est-à-dire les étrangers, les hospitalisés sous contraintes, les auteurs de délits de la vie courante, c’est-à dire le contentieux dur de la liberté ? Vous me passerez cette colère, mais cette conception de la justice répugne au barreau de Lille… »

Autre visé, « l’institution qui est malade » du fait essentiellement du manque de moyens en personnel, en matériel et en organisation et qui est la cause de « relations âpres », de « tension palpable » avec les magistrats et les greffiers, sans qu’il leur impute la responsabilité de « recevoir les dossiers quelques heures avant l’audience, d’être convoqué sous 24 heures… » Nous ne voulons plus, plus jamais être la variable d’ajustement du temps qui manque de façon de plus en plus criante aux procédures… » Dans sa cible, les trop peu de moyens dédiés par la France à son système judiciaire, 72 € par habitant et par an contre 146 € en Allemagne, 155 € au Royaume-Uni et 179 € au Luxembourg.

A ceux qui demanderaient aux avocats « de faire des efforts toujours plus importants (…) », il oppose que « le Barreau de Lille continuera résolument à exiger de ses avocats une qualité croissante, en ce compris, ou peut-être surtout, dans le secteur assisté. » Allusion aux « plus de 70 % des dossiers judiciaires qui sont au TGI de Lille sous aide juridictionnelle, et donc défendus à perte. Que faire ? (Les) abandonner ? La réponse du Barreau est certainement pas (…° Nous n’abandonnerons jamais nos clients. »

Plaidoyer pour le travail en commun. S’il reconnaît que des dysfonctionnements peuvent être imputés à l’avocature, il plaide pour un travail en commun entre partenaires – et non auxiliaires, le vilain mot ! – de justice pour améliorer l’oeuvre de justice, diagnostiquer les difficultés et y remédier… Et de citer pour illustrer sa faisabilité, et rendre hommage à ceux qui y ont participé, la possibilité pour le barreau de plaider à nouveau au juge de la liberté et de la détention (JLD), la réforme complète, en cours, de la Comparution sur Reconnaissance Préalable de la Culpabilité (CRPC) … jusqu’aux nombreuses conventions passées avec les conseils de prud’hommes ou le tribunal de commerce de Lille Métropole. «  Oui, seul le travail en commun permet la nécessaire et rapide évolution positive de notre système de justice. Le Barreau de Lille et ses partenaires en sont la preuve »…, a-t-il conclu son intervention sur le fond de ses 2 années d’exercice, ajoutant quand même qu’il serait bien à l’avenir, si « d’aventure l’État ordonnait une charge violente contre ces avocats et peut-être même contre son bâtonnier, (que vous pouviez) vous rappeler que c’est le système juridictionnel dans son ensemble qui, alors, est foulé aux bottes policières. » Allusion sans frais à la matinée du 20 octobre 2015 qui l’avait vu traîné au sol et sa robe d’avocat déchirée par les forces de l’ordre.

« Vision prospective ». Au moment de passer le relais au travers du passage du Bâton, témoin de « la pérennité de la fonction et (de la) pérennité de sa déontologie qui permet de garantir au client qu’il a à son service un avocat indépendant, désintéressé, respectueux des règles professionnelles lui permettant une liberté inégalable pour mener à bien la tâche qui lui est confiée, il revenait encore à Vincent Potié de présenter en quelques mots son successeur : 44 ans, prestation de serment en 1997, plusieurs fois élu au Conseil de l’Ordre et à la Caisse de règlement pécuniaire des avocats, élu à 39 ans à la présidence de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes avocats, un « regard aiguisé de sioux amusé (qui) porte toujours plus loin que le nôtre (et qui) te donne (…) une vision prospective très sûre de l’avenir des avocats… »

L’avenir de l’avocat justement, après avoir rendu hommage son prédécesseur, «  bâtonnier de légende », « capable de s’émouvoir, de s’enthousiasmer ou de s’indigner devant les événements de la vie, les interpellations des confrères ou encore les atteintes aux droits fondamentaux » et indiqué qu’il faisait sienne sa double exigence de la qualité de la défense et de la qualité de la justice, Stéphane Dhonte y est venu en évoquant les sujets d’actualité de la profession d’avocat. Il a invité ses confrères à ne pas craindre les nouvelles technologies pour entrer « ensemble dans l’ère de l’avocat connecté », à prendre toute leur place, en ces temps de déjudiciarisation (…), dans la solution transactionnelle et dans l’acte d’avocat ». Il les a aussi, et surtout, assurés « de (son) intransigeance sur la défense du secret professionnel (qui) constitue notre ADN. Sans le secret professionnel, il n’y a plus d’avocat, il ne reste plus que des techniciens du droit. Soyons clairs, le secret professionnel ne se divise pas, il ne s’écoute pas, il ne se négocie pas parce qu’il ne nous appartient pas. Il est le bien commun de nos concitoyens. »