Aux portes de Paris, la scientologie s'offre un grand centre de formation

Au cœur de la zone d'activités déserte ce samedi matin à Saint-Denis, les poignées de personnes tirées à quatre épingles détonnent: ces fidèles de la scientologie sont venus participer à l'inauguration du nouveau centre de formation...

Des personnes invitées à l'inauguration du nouveau centre de formation de l'Eglise de scientologie arrivent devant le bâtiment le 6 avril 2024 à Saint-Denis, près de Paris © Emmanuel Dunand
Des personnes invitées à l'inauguration du nouveau centre de formation de l'Eglise de scientologie arrivent devant le bâtiment le 6 avril 2024 à Saint-Denis, près de Paris © Emmanuel Dunand

Au cœur de la zone d'activités déserte ce samedi matin à Saint-Denis, les poignées de personnes tirées à quatre épingles détonnent: ces fidèles de la scientologie sont venus participer à l'inauguration du nouveau centre de formation que leur Eglise ouvre aux portes de Paris.

"Ça va marquer un tournant pour la France", s'enthousiasme Pascal Chanay, venu des Pyrénées avec son épouse spécialement pour l'occasion. 

Membre depuis deux décennies de l'Eglise de scientologie, considérée en France comme une secte par plusieurs rapports parlementaires, ce chef d'entreprise est ravi à l'idée que "des nouvelles personnes vont pouvoir venir et découvrir que la sciento c'est quelque chose". 

Très jovial, l'homme de 61 ans est impatient de découvrir l'intérieur du bâtiment vitré de cinq étages, orné de deux grandes banderoles verticales marquées "Dianetics" (le concept du fondateur L. Ron Hubbard) et "Scientology".

Aux abords de l'"Eglise de Scientology & Celebrity centre du Grand Paris", plusieurs responsables de l'organisation veillent à ce que les invités, seuls autorisés à pénétrer dans l'enceinte, ne s'attardent pas et n'échangent pas avec les quelques journalistes présents. 

Costume bleu et chemise blanche, attentif aux allers et venues des médias, Eric Roux, responsable européen de l'Eglise de scientologie, a indiqué à l'AFP qu'aucune déclaration ne serait faite et aucun détail de la cérémonie rendu public avant la fin de journée.

Laurent Durand est lui aussi venu de province spécialement pour cette inauguration mais, loin d'être endimanché, lui angoisse d'être à proximité du bâtiment. 

"Je suis un petit peu nerveux", confie cet homme qui a quitté l'Eglise de scientologie il y a dix ans et qui, depuis, milite contre l'organisation.

Coup de buzz

L'ouverture de ce centre de formation à quelques encablures du Stade de France, en pleine rénovation en vue des Jeux olympiques de l'été prochain, n'est selon lui qu'un "gros coup de buzz".

"C'est très dommage pour la ville de Saint-Denis", déplore Laurent Durand. "C'est juste un investissement financier de (David) Miscavige: il plante ses cacahuètes, c'est tout," ajoute-t-il, en suggérant un enrichissement personnel de l'actuel chef de l'Eglise.

La mairie de Saint-Denis s'est longtemps opposée à l'acquisition en 2017 par les scientologues du bâtiment qu'ils inaugurent, avant d'y être contrainte par une décision du Conseil d'Etat quatre ans plus tard.

Vendredi, l'actuelle municipalité socialiste a fait savoir qu'elle serait très vigilante aux tentatives de prosélytisme.

Voyant converger vers l'immeuble des dizaines de ressortissants étrangers, notamment des Suisses, Anglais et Allemands arrivés dans deux bus, l'ancien scientologue est gagné par l'amertume. 

"Les gens peuvent croire ce qu'ils veulent mais quand leurs croyances leur font faire des choses qui nuisent, là ça devient un problème", dénonce Laurent Durand, "comme briser des familles".

Depuis son départ de l'Eglise, il regrette de n'avoir plus aucune relation avec son fils trentenaire, scientologue.

"Je vais peut-être le voir aujourd'hui", soupire l'homme de 58 ans en jetant un regard furtif en direction du bâtiment dont le haut de la façade est orné d'un grand nœud bleu.

Dans une sage file d'attente, les fidèles patientent sur le trottoir pour pouvoir entrer dans l'enceinte. Autour de cette entrée, l'organisation a placé pas moins de trois caméras, dont une montée sur un bras télescopique, destinées à immortaliser cette inauguration. 

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