Aux assises, le parcours du rappeur MHD à la loupe

Il a connu un succès vertigineux mais a su garder des liens très forts avec ses amis et sa cité: la cour d'assises de Paris a disséqué mercredi le parcours du rappeur MHD, accusé d'avoir participé à un...

Le rappeur Mohamed Sylla (c), alias MHD, arrive au palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2023 © Alain JOCARD
Le rappeur Mohamed Sylla (c), alias MHD, arrive au palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2023 © Alain JOCARD

Il a connu un succès vertigineux mais a su garder des liens très forts avec ses amis et sa cité: la cour d'assises de Paris a disséqué mercredi le parcours du rappeur MHD, accusé d'avoir participé à un meurtre dans un règlement de comptes entre bandes rivales.

L'artiste aujourd'hui âgé de 29 ans comparaît depuis lundi et jusqu'au 22 septembre avec huit autres hommes pour le meurtre en juillet 2018 de Loïc K., dans un règlement de comptes entre jeunes de la cité de la Grange-aux-Belles et de celle, voisine, des Chaufourniers, surnommée la "cité rouge", situées dans les Xe et XIXe arrondissements parisiens.

Dans cette affaire, plusieurs témoins ont mis en cause MHD, de son vrai nom Mohamed Sylla, habitant des Chaufourniers, affirmant qu'il figurait parmi les individus ayant lynché à mort la victime. Les enquêteurs ont par ailleurs établi que la Mercedes ayant percuté volontairement Loïc K. lui appartenait.

Depuis le début, MHD conteste les faits, assurant notamment qu'il prêtait régulièrement sa voiture à son entourage.

Mercredi, les débats se sont concentrés sur la trajectoire, digne d'une véritable "success-story", du rappeur, surnommé le "Petit prince" de l'"afro-trap", un style musical qu'il a inventé et qui mélange hip-hop et musiques africaines.

A la barre, une enquêtrice de personnalité décrit le parcours plutôt "lisse" d'un enfant et d'un adolescent "calme, timide, plutôt casanier", qui préfère les jeux vidéos et les mangas aux activités sportives.

Après des années au collège où il ne brille pas particulièrement, il décide de se lancer dans une formation pour obtenir un BEP de cuisine, qui lui permet de faire un stage d'un mois dans un restaurant à Londres.

Son diplôme en poche, il enchaîne les contrats dans diverses enseignes de restauration rapide. A l'époque, il gagne "entre 900 et 1.200 euros par mois", précise l'enquêtrice de personnalité.

Parallèlement, une passion l'anime: la musique. "Dès 2010, il commence à écrire des textes mais reste discret de peur de décevoir ses parents", raconte-t-elle encore.

Mais en 2015, alors qu'il est en vacances à Montpellier avec ses quatre amis les plus proches qui travaillent avec lui à Pizza Hut, il poste sur YouTube une vidéo d'un de ses morceaux. 

Le succès est instantané: la vidéo fait plusieurs millions de vue, et est notamment remarquée par Adel Kaddar, alors directeur artistique chez Warner. "Il arrivait avec quelque chose de très positif", témoigne ce dernier, convoqué à la demande de la défense, à la barre.

Il signe avec la maison de disques et sort ses premiers titres, dont "Afro Trap Part.3 (Champions League)", "son premier gros succès" selon Adel Kaddar, qui a depuis quitté Warner et est devenu co-producteur avec MHD.

De 900 à un million d'euros

"En six mois, sa vie a totalement changé", se souvient-il, racontant les concerts et les déplacements à l'étranger, avec notamment en 2018 "plus de 200 dates dans plus de 20 villes". Cette année-là, il gagne environ un million d'euros.

Pour autant, "il a géré ça de façon très intelligente", disant dès le début que s'il partait en tournée, il voulait "prendre des potes" avec lui, observe le producteur.

"L'histoire a commencé avec eux et je trouvais normal qu'ils m'accompagnent", explique ensuite le rappeur à la barre.

"Quand j'ai commencé à bien gagner ma vie, la première idée que j'avais en tête c'était de créer de l'emploi autour de moi et de placer mes amis les plus proches pour qu'ils aient la chance d'avoir un salaire plus élevé", poursuit-il.

L'artiste prend notamment comme "backeurs" - bras droits d'un rappeur lors de ses concerts - deux de ses très proches amis, dont l'un, Issifou S., qui est aujourd'hui aussi sur le banc des accusés. 

Il embarque d'autres gens de la cité dans son aventure. "Quand je demandais des participants à mes clips, ils répondaient présent, sans rémunération", raconte-t-il.

Son succès a-t-il changé les relations avec son entourage? lui demande alors la présidente de la cour d'assises. "Non", assure l'artiste.

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