Christian Poiret, président du Département du Nord

«Nous sommes un Département hors norme»

Maire de Lauwin-Planque (Douaisis) pendant 25 ans, Christian Poiret est à la tête du Département du Nord depuis 2021, le plus peuplé de France avec 2,6 millions d'habitants. Pourtant, être aux commandes de ce territoire qu'il juge «hors norme» n'est pas un long fleuve tranquille. Rencontre avec Christian Poiret, un président reconnu avant tout pour son engagement fidèle auprès des maires.

Christian Poiret est à la tête du Département du Nord depuis 2021. © Lena Heleta
Christian Poiret est à la tête du Département du Nord depuis 2021. © Lena Heleta

Le Département a voté son budget 2024 (3,9 milliards d'euros) en mars dernier avec notamment un haut niveau budgétaire dédié aux investissements : 336 millions d'euros, soit 100 millions d'euros de plus qu'il y a 5 ans. Pourquoi ce choix ? Et vers quels secteurs sont tournés ces investissements ?

Ce sont les 648 communes qui font ce qu'est le Nord. L'aménagement du territoire fait partie des priorités. Notre Département vient aider les communes à réaliser des projets d'aménagement qualitatif, de réhabilitation d'églises et de friches industrielles, de construction de salles de sport, de salles de fêtes, de mairies, de stades, de musées, etc. Cette année, le budget d'aménagement du territoire n'a jamais été aussi haut : 62 millions d'euros contre 50 millions d'euros les années précédentes. Mais nos investissement sont également tournés vers la poursuite des contournements (Valenciennes, Maubeuge, RD 642...). Nous avons des voiries de qualité, ce qui n'était pas le cas il y a encore 5 ans.

Le troisième gros pan, c'est la réhabilitation et la construction de nos collèges : 425 millions d'euros, ce qui n'est pas neutre du tout. Nous avons, entre autres, réhabilité 4 collèges dans l'Avesnois (24 millions d'euros), c'est un pari dans le cadre du pacte Sambre-Avesnois. Ce sont des collèges sur lesquels on n'allait pas forcément aller mais on mise sur le développement économique de l'Avesnois. Sans compter les collèges de Marcq-en-Barœul, Hazebrouck, Wattrelos, Cambrai... On travaille également beaucoup sur la renaturation des cours. Le problème des Départements, c'est que nous n'avons pas d'autonomie fiscale, nous dépendons des dotations de l'État, et c'est un vrai sujet aujourd'hui.

Parmi les projets phares du territoire, on retrouve le Canal Seine-Nord. Quel est le rôle du Département dans ce vaste chantier ?

L'engagement pris par le Département du Nord s'élève à 217 millions d'euros. Le Département n'ira pas au-dessus de ce montant-là, et ne garantira pas non plus l'emprunt extérieur de bouclage par exemple. Le Canal Seine-Nord est une très bonne chose, ce que je regrette simplement, c'est que l'État n'ait pas pris en charge la maîtrise d'ouvrage, la Région l'a fait. Or pour moi, il s'agit d'un projet national et non régional. Si nous n'arrivons pas à boucler, l'État devra être présent.

«Lorsque je parle à l'Association des Départements de France, nous n'avons pas le même langage»

Le social a toujours été l'ADN du Département du Nord. Qu'en est-il des dépenses liées aux thématiques sociales ?

Aujourd'hui, le social représente 78% de notre budget, ce qui est énorme. Nous sommes un département hors normes. Lorsque je parle à l'Association des Départements de France, nous n'avons pas le même langage. Nous comptons 89 000 allocataires du RSA, contre 103 000 il y a 3 ans lorsque j'ai pris la présidence du Département. C'est une sacrée baisse, on avance, on travaille pour redonner de l'emploi.

Les maisons Nord Emploi que nous avons dans le Nord, n'existent nulle part ailleurs... Si on ne fait rien, les personnes s'installent dans le RSA. Concernant les enfants de l'ASE1, 226 d'entre eux ne sont toujours pas placés aujourd'hui. On a été à plus de 350, c'est donc déjà un énorme travail qui a été fait. On continue, on utilise les logements de fonction non utilisés pour y loger des enfants. L'objectif est de passer en dessous de la barre des 200. 90 places seront ouvertes en fin d'année.

Quelles relations entretenez-vous avec les maires des 648 communes du territoire ?

Mes relations avec les maires, quelles que soient leurs sensibilités, sont très bonnes. Aucune collectivité ne vient aider les maires plus que le Département du Nord. J'ai besoin des maires et des présidents d'intercommunalités, et j'ai plus que jamais besoin de cohésion sociale dans ce Département qui est, je le répète, hors norme. Je me dois de fédérer tout le monde, c'est ça le rôle d'un président de Département.

© Lena Heleta

Quel lien faites-vous entre les services de l'État et les élus locaux ?

Avec les services de l'État, on fait équipe. Nous travaillons sur de grands dossiers, on est écoutés mais il me manque des décisions nationales pour protéger davantage les Nordistes. Quels que soient les ministres, je serai toujours là pour défendre le territoire du Nord, on fera le job car derrière, on a 2,6 millions d'habitants. La plus grande difficulté est de faire comprendre à tout le monde que tout est démesuré dans le Nord. 600 000 personnes ont plus de 60 ans. Pour certains Départements, 600 000, ce n'est même pas la population. En enfance, nous protégeons 22 000 enfants dont 11 000 en placement, c'est démesuré. Par exemple, pour 6 enfants placés dans une maison, le coût est de 500 000 euros. Tout est démesuré mais on se doit de le faire, et je voudrais aller encore plus loin, j'ai besoin de l'État mais de l'État national. Mon souci est là.

Quel regard portez-vous sur la loi ZAN («Zéro Artificialisation Nette»). Est-ce un casse-tête pour les élus ?

Je ne dirai pas un casse-tête, mais la loi ZAN est restrictive. En France, on veut produire, on veut notre indépendance, mais ça ne peut pas se faire sans miracle, sans terrain, il y a donc des choix à faire. Nous sommes le Département de France le plus peuplé, avec 2,6 millions d'habitants. Il y a donc un important bassin d'emplois et on se doit de faire du développement économique. C'est là que j'alerte sur les limites de la loi ZAN. Il faut assurer un développement économique, et donc avoir d'importantes ouvertures d'hectares.

1. Aide Sociale à l'Enfance

Le Nord, terre d'accueil de grands événements sportifs

Ces dernière années, le Nord a accueilli les plus grandes compétitions sportives entre l'Euro de football, la Coupe Davis de Tennis, le Mondial de handball, le Mondial de Rugby et le Graal en juillet dernier : les épreuves de basket-ball et handball des Jeux Olympiques de Paris 2024. Mais un événement sportif en cache toujours un autre : le grand départ du Tour de France à Lille en juillet 2025. Après Bilbao, Florence, la Grande Boucle s'élancera de la Capitale des Flandres. «ASO a fait le choix de revenir dans le plus grand Département de France pour lancer le Tour 2025. Cela a été un vrai travail d'équipe, on s'y est mis à 3, la Région, le Département et la MEL pour obtenir trois étapes et un départ, c'est tout simplement génial», s'enthousiasme Christian Poiret.

Des recettes immobilières en chute libre

Dans le contexte de crise immobilière et des ventes en berne, l'impact sur les DMTO (Droits de Mutation à Titre Onéreux) est «colossal» pour le Département. «Les DMTO ont baissé de 140 millions et cette année encore, on s'attend à une baisse de 15%. C'est un véritable sujet pour nous, je n'ai plus que ça comme recettes» s'alarme le président du Nord. Nous devons faire des choix. Le Département du Nord présentera toujours un budget sincère et équilibré, parce qu'il en a l'obligation et parce qu'il en a la volonté».