Auchan marqué par la guerre des prix
Même s’il est de plus en plus international, avec une croissance portée par ses activités en Europe centrale et de l’Est ainsi qu'en Asie, le groupe Auchan continue de souffrir en Europe occidentale, notamment en France. Il attend beaucoup des plans d’action, notamment en matière de prix, mis en œuvre.
«L’Europe de l’Ouest à la peine, le reste du monde en ligne avec nos objectifs.» Par deux fois − en entrée et en conclusion de sa présentation des résultats du premier semestre 2014 −, Xavier de Mézerac, directeur financier de Groupe Auchan, a ainsi voulu résumer ses «résultats défavorables en zone euro (qui) contractent avec les bonnes performances en Europe de l’Est et en Chine, malgré les dépréciations des monnaies russe et ukrainienne qui impactent défavorablement nos comptes consolidés».
La Chine consolidée à 100%. On se souvient, comme l’a rappelé Philippe Baroukh, directeur des hypermarchés, qu’Auchan France n’avait pas «réalisé en 2013 un dernier quadrimestre d’excellente facture», avec un chiffre d’affaires France sur l’année en recul de 1,1 %, -2,5% pour la branche hypermarchés, Europe de l’Ouest hors France de 2,8%. Des baisses compensées par le reste du monde en croissance de 11,1%, pour afficher au final un chiffre d’affaires consolidé de 62,1 Mds€, en progression de 4,1%.
«Plusieurs faits marquants ont impacté significativement les résultats du groupe au premier semestre», a expliqué Xavier de Mézerac : la consolidation à 100%, au lieu de 51%, au 1er janvier 2014, de sa co-entreprise Sun Art Retail Group, qui «a doublé le poids de la Chine dans les résultats consolidés», «les difficultés de chiffre d’affaires rencontrées par les hypermarchés en France et les supermarchés et hypermarchés en Italie, deux pays majeurs (où) des plans d’actions spécifiques ont été mis en place pour rétablir la situation», le démarrage de de l’intégration des 57 hypermarchés Réal en Pologne et la poursuite par Immochan de «son plan de gestion dynamique de ses actifs par la cession de deux sites en France et d’un site en Italie».
Recul en Europe occidentale. Si le chiffre d’affaires hors taxes consolidé du groupe s’affiche en progression de 16,1% à 26,027 Mds€ à taux de change constant, il le doit à la croissance de l’activité en Europe centrale et de l’Ets à +9,3% et en Asie, +91,8 % mais +3,2 % retraité des effets de la consolidation à 100% de la Chine. Une croissance qui compense le recul du chiffre d’affaires en France (-1,9 %), et en Europe occidentale hors France (-5,5 %.) Hors effet de la consolidation en Chine et hors effet de change, la progression du CA HT consolidé n’est que de 1,1%.
Si l’EBITDA progresse de 4,7% à 1 163 M€, avec une marge commerciale en recul de 0,4% à 22,6% du chiffre d’affaires, le résultat d’exploitation est stable à 561 M€ du fait des autres produits et charges opérationnels, entre les 1 009 M€ de plus-value comptable sans incidence de trésorerie générée par la réévaluation de la quote-part antérieurement détenue dans Sun Art Retail Group, et les 813 M€ comptabilisés en dépréciations d’actifs, principalement en Italie. En progression de 12,8% à 388 M€, le résultat net retraité des éléments exceptionnels recule de 33,4%, le résultat net part du groupe est en recul de 11,5% à 272 M€.
Comparés au premier semestre 2013 qui avait vu l’acquisition des magasins Real en Russie et en Ukraine, les investissements sont «en baisse sensible» : -45,7 % à 708 M€. Sur ce total, 207 M€ ont été investis en France, toutes activités confondues, «pour assurer le maintien de l’état de fraîcheur et de l’attractivité des sites». Sous contrôle, la dette financière nette a reculé de 13% à 4,127 Mds€.
Interrogé sur la rentabilité du groupe, Xavier de Mézerac a admis que les résultats d’Auchan France ont baissé par rapport à 2013 et que le groupe «est toujours préoccupé et soucieux de la rentabilité, (mais que) la ligne d’alerte est loin d’être atteinte. Le résultat en comparable a certes baissé de 33%, mais il reste très positif. On se bat aujourd’hui pour améliorer la rentabilité».
France : premiers fruits. Comment s’est comportée l’activité d’Auchan France au cours de ce premier semestre ? «Le recul de 2,6%, 2% à magasins comparables et hors essence, à 6,9 Mds€ du chiffre d’affaires HT consolidé des hypermarchés est clairement la conséquence d’un investissement en prix significatif», réponse à l’offensive prix menée par les concurrents du groupe l’an dernier. Et si «le prix de vente moyen sur ce premier semestre a baissé de 2,3%», cette baisse «a généré une hausse de 1,2% du nombre de clients et de 0 ,3% du nombre d’articles vendus à comparable», s’est félicité Xavier de Mézerac. Après la tendance difficile du deuxième semestre 2013 et du début d’année 2014, a expliqué Philippe Baroukh, «l’équipe France a réagi avec un plan d’actions qui commence à porter ses fruits, (mais) la fréquentation clients et le développement du nombre d’articles vendus n’ont pas compensé en chiffre d’affaires la baisse des prix que nous avons réalisée… Nous sommes en train de reconquérir de la part de marché». Pour autant, le directeur des hypermarchés ,qui explique appliquer cette politique prix sur «une lecture large du panier global du client», n’entend pas «souffler sur les braises» de cet investissement en prix : en cas d’accélération de la guerre des prix et de la déflation, «on ne pourra pas prendre la décision de ne pas rester dans la course (…) Cette baisse des prix coûte aujourd’hui suffisamment cher à tous. (Elle) a un impact sur nos marges. Il n’y a pas un seul distributeur qui ait envie de voir ses résultats reculer».
Hors France. Autre pays où les mesures d’investissement prix, mais aussi de refonte de l’offre et du positionnement commercial montent «des signaux intéressants» : l’Italie où le groupe était en décalage et en perte de parts de marché. Et là ce sont «les grands hypermarchés, formats sur lesquels Auchan est historiquement le mieux armé, qui recommencent à retrouver de la fréquentation, de l’attractivité».
Sur la situation en Russie et en Ukraine, où le groupe compte respectivement 81 et 11 magasins, Philippe Baroukh fait état pour la Russie confrontée à l’embargo «d’une seule difficulté qui est celle de l’approvisionnement sur certains produits, avec des perspectives de difficultés à trouver des produits de substitution si l’embargo devait perdurer». Pour autant, «pas d’inquiétudes sauf durcissement de la position russe. Notre meilleure protection, c’est de nous contenter de bien faire notre métier».
Ce que sera le second semestre 2014 ? «Pour rester plutôt optimiste sur notre capacité de remettre la France en progression de chiffre d’affaires dans les mois qui viennent» et au vu des «éléments d’inversion de tendance qu’on constate, clients, articles et parts de marché», Philippe Baroukh «espère qu’on terminera en positif», mais reconnaît que «ce ne sera pas facile».
Sans s’avancer outre mesure et sans craindre de beaucoup se tromper, Xavier de Mézerac pronostique «une analyse comparable à celle du premier semestre : la zone euro toujours en difficulté, avec de bons espoirs d’y améliorer les performances mais sans que cela se fasse immédiatement, et des pays émergents, Russie et Chine, qui tirent le groupe.» Pour ne pas avoir «d’indications d’inquiétudes particulières sur l’évolution de nos activités hors zone euro», il précise quand même que «pour la Russie (et donc l’Ukraine) nous sommes vigilants et surveillons en permanence la situation, mais nous restons sereins».