Au procès Faïd, enquête pénale et audience suspendue après la diffusion du visage de l'accusé caché

Après la stupeur, l'ouverture d'une enquête pénale et une audience en pause. Le procès de Rédoine Faïd pour son évasion en hélicoptère en 2018 a été suspendu vendredi, jusqu'à lundi, après la diffusion dans la...

Croquis d'audience de Rédoine Faïd (c) à l'ouverture de son procès devant la cour d'assises de Paris, le 5 septembre 2023 © Benoit PEYRUCQ
Croquis d'audience de Rédoine Faïd (c) à l'ouverture de son procès devant la cour d'assises de Paris, le 5 septembre 2023 © Benoit PEYRUCQ

Après la stupeur, l'ouverture d'une enquête pénale et une audience en pause. Le procès de Rédoine Faïd pour son évasion en hélicoptère en 2018 a été suspendu vendredi, jusqu'à lundi, après la diffusion dans la salle du visage d'un accusé comparaissant caché.

La scène s'est déroulée jeudi après-midi, au tout début de l'interrogatoire de Marc (prénom modifié), qui comparaît dissimulé derrière un paravent car il a changé d'identité et de vie après avoir "balancé", dans un dossier de double assassinat, son ex-ami Jacques Mariani.

Cette figure du grand banditisme corse comparaît également, dans le box. Selon Marc, Rédoine Faïd aurait demandé à Jacques Mariani de l'aider à s'évader (lors d'un précédent projet d'évasion non lié à celle de la prison de Réau en 2018), en échange d'assassinats ciblés visant un clan corse rival.

L'interrogatoire de Marc, 48 ans, venait de commencer jeudi quand des murmures s'étaient fait entendre dans la salle: l'image en gros plan de cet homme à la barre, surprotégé depuis l'ouverture du procès, était apparue pendant plusieurs minutes sur les écrans de retransmission du public, provoquant des réactions enthousiastes parmi les proches de Jacques Mariani.

Finissant par comprendre le problème, les gendarmes et l'avocate de l'accusé s'étaient précipités pour tenter de le dissimuler, sans grand succès.

Après une suspension d'audience, la présidente Frédérique Aline avait annoncé qu'une photo avait été prise et diffusée sur les réseaux sociaux, et fait vérifier par les gendarmes tous les téléphones du public. Rien n'avait été trouvé.

Sollicité vendredi matin par l'AFP, le parquet de Paris avait indiqué qu'il entendait ouvrir une enquête "dès réception des éléments constatés", ce qui a été effectivement fait dans l'après-midi.

Les investigations sont confiées à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP) et à la Brigade de lutte contre la cybercriminalité (BLC).

La révélation de tout élément permettant l'identification ou la localisation d'une personne protégée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. Les peines encourues sont alourdies en cas d'atteinte à cette personne ou à son entourage.

Jeudi après l'incident, la cour avait finalement redonné la parole à Marc, et il devait continuer à être interrogé à la reprise vendredi, mais son avocate Me Clarisse Serre a réclamé un report. 

Réactions édifiantes

A la cour, elle a dit avoir pris connaissance dans la presse "des réactions édifiantes" dans la salle d'audience à l'apparition de l'image de son client sur les écrans.

Marc "n'est pas en état de prendre la parole", a assuré l'avocate. Sa femme, qui a également changé d'identité comme leurs trois jeunes enfants, "est particulièrement inquiète", a-t-elle poursuivi, ajoutant qu'elle n'était elle-même "pas en état" de le défendre. "Ce qui s'est passé est inadmissible".

Malgré les oppositions de tous les autres avocats de la défense, la présidente lui a donné raison. "J'entends une avocate de la défense qui me dit qu'elle n'est pas en état d'assister son client", et il est "inenvisageable" d'interrompre l'interrogatoire de Marc pour interroger un autre accusé, a-t-elle déclaré, annonçant que l'audience reprendrait lundi matin.

L'un des avocats de Jacques Mariani, Me Hedi Dakhlaoui, a regretté auprès de l'AFP cet incident qui fait planer "un climat de peur et de crainte" sur ce volet de l'affaire, alors qu'"il n'y a en procédure aucune trace de menaces ou de pressions" de la part du clan Mariani.

Il n'exclut pas, avec son confrère Me Yassine Maharsi, l'autre avocat de Jacques Mariani, de demander lundi un renvoi du procès à une date ultérieure. "Il faut voir si la justice peut être rendue dans ce climat".

Le procès est pour l'instant prévu pour durer jusqu'au 20 octobre, avec des réquisitions envisagées jeudi prochain. 

Pour le volet principal de ce procès aux assises, l'évasion par hélicoptère de la prison de Réau, Rédoine Faïd comparaît avec deux frères et trois neveux, soupçonnés de l'avoir aidé à se faire la belle.

Le braqueur multirécidiviste, comme Jaques Mariani, conteste formellement l'existence d'un précédent projet avorté.

"J'espère que la commission de cette faute lourde n'aura aucun impact sur la situation de Rédoine Faïd qui n'a rien à voir ni avec cet homme, ni avec la Corse", a réagi auprès de l'AFP son avocate, Me Marie Violleau.

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