Au procès de Rédoine Faïd, un paravent planté dans le prétoire

Au procès de l'évasion par hélicoptère de Rédoine Faïd, la voix traînante de l'accusé résonne dans la salle d'audience. Mais des bancs du public, on ne voit qu'un paravent de bois planté pour cacher...

Croquis d'audience de Rédoine Faïd (c), lors de son procès au palais de justice de Paris, le 5 septembre 2023 © Benoit PEYRUCQ
Croquis d'audience de Rédoine Faïd (c), lors de son procès au palais de justice de Paris, le 5 septembre 2023 © Benoit PEYRUCQ

Au procès de l'évasion par hélicoptère de Rédoine Faïd, la voix traînante de l'accusé résonne dans la salle d'audience. Mais des bancs du public, on ne voit qu'un paravent de bois planté pour cacher le "repenti" qui parle à la barre.

En dehors du prétoire, Marc (prénom modifié), vit sous une identité d'emprunt depuis cinq ans. Un statut "enveloppé de mystère", reconnaît devant la cour d'assises de Paris celui qui "regrette" de ne pas pouvoir "être plus précis sur le détail" de son existence depuis.

On ne verra jamais son visage, on n'apercevra même pas sa silhouette - la salle d'audience est vidée à chaque fois qu'il veut en sortir.

On sait juste qu'il habite à l'étranger avec ses trois enfants, qu'ils déménagent souvent et vivent "une vie de mensonges qui les empêche de se lier durablement avec autrui", comme le décrit l'enquêteur de personnalité, reprenant les mots de la femme de Marc.

L'homme derrière le paravent, 48 ans, doit son changement de vie à sa rencontre avec Jacques Mariani, figure du grand banditisme corse, assis dans le box.

Ce dernier est soupçonné d'avoir aidé Rédoine Faïd pour un projet d'évasion avorté, un an avant celle réussie de la prison de Réau, en juillet 2018. En échange, le braqueur multirécidiviste aurait promis de venger la mort du père de Jacques Mariani. Tous deux contestent.

Marc est jugé pour avoir joué l'intermédiaire. Et c'est lui qui a parlé aux enquêteurs, dans ce dossier et dans celui d'un double-assassinat en Corse. 

Les deux hommes se sont rencontrés en mars 2017 "par pur hasard", jure l'homme derrière le paravent, dans un hôtel de La Baule où Jacques Mariani travaillait dans le cadre d'une libération conditionnelle comme veilleur de nuit.

Marc sortait alors de trois mois de détention provisoire dans une affaire de viol - il a depuis été condamné et a fait appel. 

"Il est là devant moi à la réception, j'entends son accent", soutient Marc à la cour, assurant avoir reconnu "l'héritier" de "l'organisation criminelle de la Brise de mer" car il avait lu "un certain nombre de livres sur la Corse".

Adrénaline

Tous deux se lient, déjeunent en famille. Très vite, Marc contracte une dette de 75.000 euros auprès de Jacques Mariani, découvre "son deuxième visage", plus intimidant, devient l'un de ses "hommes".

Dans le box, Jacques Mariani suit les déclarations de son ancien ami. Il rit, souffle, trépigne et se lève pour intervenir - "Monsieur Mariani vous aurez la parole plus tard", "asseyez-vous M. Mariani", le reprend la présidente.

"Vous savez qu'il est censé appartenir au milieu corse" et "vous avez envie de le fréquenter?", s'étonne la cour qui se consacre aujourd'hui au "parcours de vie" de Marc - les faits seront abordés plus tard.

"Il y avait un certaine fascination", admet l'accusé qui reconnaît un "besoin d'adrénaline", un "côté mégalo" et un "goût pour le défi" qui expliqueraient son nébuleux parcours: directeur de cabinet du maire d'une petite ville, importateur de vin avec son beau-père libanais, conseil en entreprises voulant s'implanter en Iran, organisateur de rencontres de parlementaires avec le régime syrien en 2015...

"Excusez-moi mais ça fait barbouze. Comment faites-vous? Qui êtes vous?", demande un des avocats de Rédoine Faïd.

Marc a récemment été exclu du programme des repentis, sans que la justice ne sache pourquoi. "Des questions pratico-pratiques", répète-t-il aux avocats de la défense qui défilent pour réclamer plus d'informations.

"Dans ce dossier, j'ai tout raconté en long en large" et "aujourd'hui on m'a demandé d'être là", dit Marc.

"Aujourd'hui, on va être clair, vous êtes accusé", corrige l'un des avocats généraux.

L'audience prend du retard et la présidente annonce que Jacques Mariani, qui devait être entendu dans l'après-midi sur sa personnalité le sera finalement samedi.

Le Corse de 57 ans, se lève, demande la parole: "samedi, y'a ma maman qui vient me voir au parloir, donc je resterai dans ma cellule".

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