Attaque au couteau: une complexe équation entre "idéologie" et "psychiatrie"

Comme dans le cas de l'attaque meurtrière samedi soir à Paris, qualifier la nature des actes commis par des personnes radicalisées s'avère complexe quand se...

Un membre de la police scientifique sur les lieux d'une attaque meurtrière au couteau et au marteau, le 2 décembre à Paris © Dimitar DILKOFF
Un membre de la police scientifique sur les lieux d'une attaque meurtrière au couteau et au marteau, le 2 décembre à Paris © Dimitar DILKOFF

Comme dans le cas de l'attaque meurtrière samedi soir à Paris, qualifier la nature des actes commis par des personnes radicalisées s'avère complexe quand se mélangent troubles mentaux et motivations idéologiques.

"Comme souvent dans ces affaires, s'entremêlent une idéologie, une personnalité influençable et malheureusement la psychiatrie", a estimé dimanche le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau.

"Même si on a largement renforcé depuis quelques années les liens entre (les) psychiatres et les autorités qui suivent ces personnes radicalisées, ça ne nous permet pas de savoir quel est le jour et l'heure du passage à l'acte", a-t-il ajouté sur France 3.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a réclamé dimanche soir sur TF1, à l'issue d'une réunion à Matignon consacrée à la sécurité, que "le pouvoir public, les préfets, les policiers puissent demander, exiger une injonction de soins" pour une personne radicalisée suivie pour troubles psychiatriques.

Près de la Tour Eiffel, un homme a tué au couteau un touriste germano-philippin avant de blesser au marteau deux autres personnes, traumatisées mais "en bonne santé", selon Aurélien Rousseau. 

Le Franco-Iranien de 26 ans interpellé par la police est connu de la justice pour islam radical et troubles psychiatriques.

Le Parquet antiterroriste (Pnat) a ouvert une enquête qui permettra notamment de comprendre le parcours médical d'un homme au "profil très instable, très influençable", selon une source sécuritaire.

Expertise psychiatrique

D'après le procureur antiterroriste Jean-François Ricard, la mère de l'assaillant avait signalé fin octobre son inquiétude sur le comportement de son fils, qui, selon elle, "se repliait sur lui-même". 

Le ministre de la Santé a précisé que l'assaillant avait été soumis à un "suivi" psychiatrique, un "traitement" sans hospitalisation, après sa sortie de prison en 2020, de sources proches du dossier, après une condamnation pour un projet d'attentat en 2016.

L'enquête doit clarifier la suite du parcours médical de l'homme, qui s'est ensuite installé dans "un autre département", a ajouté Aurélien Rousseau.

Selon une source proche de l'enquête, en mars 2022 il avait arrêté son traitement médicamenteux (neuroleptique atypique), en accord avec son médecin. Mais en août 2022, une expertise psychiatrique avait conclu à une injonction de soins, ce qui avait été ordonné le septembre de la même année par un juge, selon la même source. 

Dans ses rapports successifs, le médecin coordonnateur n'avait pas conclu à la nécessité de reprendre un suivi médicamenteux. Le 21 avril dernier, il notait "aucune dangerosité d’ordre psychiatrique identifiée".

Moins de 24 heures après les faits, Denis Leguay, président de la fédération Santé Mentale France, restait très prudent sur les explications possibles du passage à l'acte de l'assaillant, dans un contexte de guerre entre Israël et le Hamas et de tensions en France.

"On peut s'interroger sur l'influence de tout ce qui se passe dans l'actualité, qui est abondamment relayé et qui peut agir sur le comportement et le bon équilibre psychique de ce genre de personne présentée comme fragile", a-t-il indiqué à l'AFP. 

Mais concernant cette attaque, "il est trop tôt pour s'exprimer car nous ne savons pas dans quel état psychique il est actuellement, il faut attendre une expertise psychiatrique".

Détermination

Le psychiatre pointe cependant ce qui peut être perçu comme un paradoxe: "Cet homme serait suivi par le système de soins psychiatriques mais en même temps, il a dans un passé récent été incarcéré et donc considéré comme responsable de ses actes". 

Pour le médecin urgentiste Patrick Pelloux, interrogé sur BFMTV, "il faut éviter dès qu'il y a un attentat de dire : +C'est la faute à la psychiatrie+". 

Ce drame remet en lumière la difficulté récurrente pour la justice de tracer la frontière entre un acte terroriste et un crime de droit commun, a fortiori quand l'auteur souffre de troubles mentaux et agit de façon solitaire.

A des degrés divers, l'enjeu psychiatrique est intervenu dans plusieurs attaques dont s'est saisie la justice antiterroriste ces dernières années, comme à la préfecture de police de Paris (octobre 2019) ou Rambouillet (avril 2021).

Selon le code pénal, le Pnat doit se saisir si des infractions sont commises "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".

Cela implique d'une part une préméditation et d'autre part son rattachement à un mouvement politique ou idéologique, par le biais par exemple d'une revendication ou l'imitation d'un mode d'action.

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