Argentine: revers au Parlement pour les réformes dérégulatrices de Milei

Le président argentin, Javier Milei, a subi un premier sérieux revers mardi au Parlement, où faute de soutien, son train de réformes dérégulatrices a été renvoyé en commission, mais l'ultralibéral reste...

 © Elena BOFFETTA
© Elena BOFFETTA

Le président argentin, Javier Milei, a subi un premier sérieux revers mardi au Parlement, où faute de soutien, son train de réformes dérégulatrices a été renvoyé en commission, mais l'ultralibéral reste déterminé à mettre en œuvre son programme.

"Notre programme a été voté par 56% des Argentins et nous ne sommes pas disposés à le négocier avec ceux qui ont détruit le pays", a dénoncé sur X M. Milei qui entend  "poursuivre" le programme "avec ou sans le soutien des dirigeants politiques qui ont détruit notre pays".

Mardi soir, au moment où la Chambre des députés s'apprêtait à des votes très incertains sur le thème polémique des privatisations, le parti présidentiel La Libertad Avanza (LLA) a subitement demandé et obtenu la levée de la session, renvoyant de facto le texte en commission. 

Le ministre de l'Intérieur Guillermo Francos, qui avait été la cheville ouvrière des tractations pour obtenir une majorité ad hoc --une gageure pour le parti LLA de M. Milei, 3e force dans l'hémicycle--, a expliqué avoir constaté "un manque de volonté des blocs d'accompagner les réformes".

"Il y a eu des engagements de vote qui n'ont pas été respectés dans la pratique", a-t-il dénoncé. 

Depuis Israël, où il est arrivé mardi pour une tournée diplomatique qui le conduira aussi au Vatican et en Italie, le président Milei a dénoncé sur X "la caste qui s'est mise en travers du changement". 

"Il ne sera pas facile de changer un système dans lequel les hommes politiques se sont enrichis aux dépens des Argentins", a-t-il reconnu.

Pouvoirs délégués" en vain

Les députés avaient repris mardi l'examen épineux, par moments article par article, de l'ambitieuse loi dite "Omnibus" de M. Milei. Initialement 660 dispositions réformant aussi  dans l'économie, le commerce, la culture, le pénal, la culture... puis, un projet au fil des semaines détricoté à environ 300 articles.

Le gouvernement avait pourtant dans un premier temps mardi enregistré une victoire, les députés approuvant le principe de "pouvoirs délégués" à l'exécutif pour un an, pour légiférer par décret au nom de "l'urgence économique".

Des fissures étaient pourtant apparues, des députés d'opposition modérée, comme la centriste Paula Oliveto disant redouter "une démocratie faible, qui concentre (les pouvoirs) sur une seule personne", faisant référence à M. Milei, et "finit par nous laisser tous sans défense".

Mais le vote en soirée sur le détail de la "Loi omnibus" s'annonçait plus compliqué encore: l'opposition modérée, pourtant prête à accompagner les réformes, entendait exiger des modifications, comme sur les privatisations (entre 30 et 40 entreprises visées), ou la répartition de ressources Etat/provinces.

"Les gouverneurs (de province) n'ont pas tenu parole", a affirmé le chef du groupe LLA Oscar Zago, laissant entendre que c'est sur le volet concernant le financement des provinces que le pouvoir n'a pu s'assurer des garanties de vote de gouverneurs souvent indépendants, dans un pays fédéral aux 24 provinces.

Recommencer à zéro

La présidence les a d'ailleurs pointés du doigt, et menacés. "Malheureusement, l'ajustement devra être plus important, ce sont les gouverneurs qui seront concernés",  a mis en garde le porte-parole de la présidence Manuel Adorni sur la télévision LN+.

"Chacune des dépenses du gouvernement devra être revue afin d'être conforme à la consigne du président Milei : zéro déficit", a-t-il martelé.

M. Milei répète à l'envi qu'"il n'y a pas de plan B" à l'austérité pour redresser la 3e économie d'Amérique latine, structurellement endettée et étranglée par 211% d'inflation (en 2023). Le FMI a prédit une récession de 2,8% en 2024, sous l'effet des premières mesures d'austérité, dont une dévaluation de 50% du peso.

L'opposition a exulté après le coup de théâtre au Parlement. "Une défaite politique du gouvernement", a affirmé le député péroniste Leandro Santoro, affirmant qu'il s'agit pour pouvoir d'un "ridicule sans précédent".

Selon la procédure parlementaire, le renvoi d'un projet de loi en commission annule les votes obtenus précédemment. En l'occurrence le vote favorable, vendredi dernier, sur le "principe général" de la loi, et celui de mardi sur les "pouvoirs délégués".

"Cela veut dire qu'ils doivent tout recommencer à zéro", s'est félicitée la députée de gauche radicale et ex-candidate à la présidentielle Myriam Bregman.

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