Anvers, capitale estivale du jazz

Alors que les grands festivals de jazz sont concentrés en été dans le sud de l’Hexagone, Anvers propose aux afficionados, à moins de deux heures de Lille, un passionnant festival conviant stars, artistes d’aujourd’hui et musiciens prometteurs. Tour d’horizon des concerts à savourer.

Sylvain Rifflet © Sylvain Gripoix
Sylvain Rifflet © Sylvain Gripoix

Kamasi Washington © Brooklyn Bowl – Kayla Reefer

Le Jazz Middelheim, qui se tiendra dans le parc anversois Den Brandt, confirme sa réputation européenne de festival de jazz novateur et invite le public à d’enivrants concerts mêlant quelques légendes de la note bleue et jeunes turcs du jazz d’aujourd’hui. Cette édition 2018 s’ouvrira avec Kamasi Washington, l’un des artistes les plus novateurs de la décennie qui, en 2015, créait l’événement avec un premier triple opus monumental : The Epic. Compositeur et multi instrumentiste, il dirige sur cette œuvre ambitieuse et sidérante débordant d’intensité, de virtuosité et de passion – près de trois heures composées de trois longues suites et dix-sept compositions –, un orchestre de 32 musiciens et 20 choristes. Son groupe habituel, The Next Step/The West Coast Get Down, est composé de dix musiciens originaires de Los Angeles (et plus précisément de South Central), tous copains de lycée. L’artiste californien et son gang se sont donné une mission : dépoussiérer le jazz et en faire quelque chose d’inattendu, à nouveau dangereux. Poursuivant cette veine d’inspiration coltranienne, Kamasi Washington vient de publier Heaven and Earth, un nouvel opus monumental (plus de 2h30 !) dont il devrait nous gratifier lors de ce concert anversois.

Melanie de Biasio © Frank Loriou

Depuis l’album No Deal en 2013, Mélanie De Biasio cultive un soin presque artisanal à la construction sonore qui entre en résonance avec une approche très libre de l’exercice musical, sans entrave de temps ou de technique. Quelque chose qui est comme une ample respiration, la réminiscence de musiques rêvées et de vies vécues, mais aussi – la leçon qu’elle a reçue de Miles Davis et de Frank Zappa – une évasion hors des carcans, le refus des étiquettes, la recherche incertaine d’une vérité mouvante. Jazz ? L’étiquette est commode mais terriblement restrictive tant les horizons de création de la chanteuse et flûtiste italo-belge sont vastes ; elle qui n’aime rien tant que les lignes de faille des musiques expérimentale et improvisée, et dont la matière sonore emprunte au rock, au trip-hop, à l’ambient sans jamais rien leur devoir. Le jazz est ici une toile de fond sur laquelle se déploient des histoires de nuit et d’amour – quelque chose qui serait la B.O. rêvée d’un film rêveur et sensuel. Un concert très attendu après sa performance hypnotique et magnétique lors du Gent Jazz Festival en juin dernier.

Considéré comme l’un des saxophonistes les plus novateurs des trente dernières années, Steve Coleman a toujours suivi sa propre voie, refusant les étiquettes de styles et de genre, marchant sur les chemins défrichés par Charlie Parker ou Ornette Coleman. Co-fondateur au milieu des années 1980 du mouvement M-BASE, son intégration du funk et du hip hop ont influencé un grand nombre de groupes actuels et fait de lui un musicien incontournable. Pour Steve Coleman, la musique, en tant que forme de vibration et d’énergie, est une partie de tout le spectre vibratoire, une perspective à laquelle adhèrent de nombreux autres musiciens dans leur processus de création. Son groupe, Five Elements, a été fondé pour perpétuer cette tradition et le public curieux devrait se passionner pour ce concert inventif et surprenant.

Archie Shepp a souvent été considéré comme un musicien radical sur la scène jazz. Dans les années 1960, il était peut-être le membre le plus éloquent de la free generation, quelqu’un qui parlait explicitement de l’injustice sociale et de la colère qui y est ressentie. Ses solos de saxophone ténor sont brûlants, joués avec une intensité vivante. Le lien entre Archie Shepp et John Coltrane est né très tôt, pendant que Coltrane travaillait encore avec Monk. Tous les soirs, Shepp allait le voir au Five Spot à Philadelphie pour l’admirer. En exclusivité pour Jazz Middelheim, Archie Shepp rendra hommage au plus grand, mais aussi au plus humble saxophoniste du siècle précédent. Un concert événement où un maître du saxophone honore une légende de l’histoire du jazz.

Sylvain Rifflet © Sylvain Gripoix

Saxophoniste, clarinettiste et compositeur français, Sylvain Rifflet est l’un des musiciens incontournables de la scène jazz européenne d’aujourd’hui. Les diverses influences de Rifflet telles que Steve Reich, Moondog, Philip Glass ou Terry Riley sont clairement audibles dans son œuvre. Cependant, il est au moins aussi inspiré par ses compagnons de route : les percussions de Benjamin Flament mélangées à la kalimba de Joce Mienniel et à la guitare électrique de Philippe Gordiani. Ensemble, ils créent des concerts débordant d’énergie, où le rythme et le lyrisme dominent. Au Jazz Middelheim, il jouera dans quatre formations différentes : Re-Focus, Mechanics, Moondog Influences et en duo avec Joce Mienniel.

 

Programme complet sur www.jazzmiddelheim.be