Amazon.fr s’installe sur la CA du Douaisis
Beau cadeau de fin d’année pour le Douaisis qui accueille le géant américain amazon.fr avec 2 500 emplois en perspective. La satisfaction est double puisque la CA du Douaisis vient encore de prouver qu’elle savait parler à l’entrepreneur et le convaincre. Pas si courant que ça…
Il va falloir s’y habituer : en accueillant le logisticien de taille moniale Goodman, voilà quelques mois, sur le PA de Lauwin-Planque (Douai), la CA du Douaisis (CAD) a fabriqué la “machine à gagner”. Car l’investisseur australien Goodman n’a pas l’intention de se tourner les pouces ; sa réussite et son développement se mesureront à l’aune du nombre et de la qualité des enseignes qui le rejoindront dans les prochaines trois années. A peine installé, Goodman, avec le concours très actif de la CAD, puissance territoriale et politique incontournable, frappe très fort en cette fin 2012, c’est “le” monstre du e-commerce, Amazon.fr en personne, qui pose ses valises et promet 2 500 emplois d’ici 2015 en période pleine!
Une montée en puissance. Le premier coup de godet dans l’argile sablonneux de la longue plaine de Lauwin-Planque a été donné le 3 décembre au matin. C’est là qu’Amazon bâtit son quatrième entrepôt centre de distribution − 90 000 m2 maximum (dont 5 000 dédiés aux services administratifs du groupe mondial) − qui sera totalement fonctionnel d’ici 2015, avec un tout premier début d’activité au deuxième semestre 2013. La vente en ligne demande un traitement de plus en plus performant et rapide des commandes par l’Internet d’autant que le site de Lauwin-Planque ne s’adresse pas qu’au marché français via amazon.fr mais au monde entier. Un exemple : si vous commandez un livre ou un CD sur amazon.com (réseau américain et mondial), que vous habitez en France et que le livre est disponible sur le réseau européen ou français, la commande sera basculée sur amazon.fr qui la prendra en charge jusqu’à la livraison. Et vice versa en fonction de la disponibilité du produit demandé. En période de haute activité, les 2 500 emplois seront atteints d’ici 2015, permanents et temporaires, incluant les postes d’encadrement. Il s’agit donc par l’ouverture de cette unité, après celles de Saran (centre de la France), Montélimar (Drôme), Sevrey (Saône-et-Loire), de soutenir l’activité globale d’Amazon. Le réseau constitué par ces quatre sites atteindra une surface de 246 000 m2. Avec 156 000 m2 les trois premiers sites français ouverts en 2007, 2010 et septembre 2012 occupent une surface équivalente à 21 terrains de football et emploient 1 400 collaborateurs. Avec en pleine activité 2 500 emplois, le site de Lauwin-Planque représente une montée en puissance du groupe américain qui prend la même année que l’ouverture du site de Sevrey la décision d’en programmer une autre, cette fois dans le Nord-Pas-de-Calais. On mesure ainsi très concrètement les besoins du leader mondial du e-commerce. Depuis 2000, via amazon.fr, il n’a cessé d’augmenter ses capacités de livraison rapide mais aujourd’hui se pose avec plus d’acuité l’autre question répondant aux nouveaux besoins du marché : la diversification de produits proposés sur la Toile, le marché de l’occasion venant se juxtaposer avec celui du neuf, générant 27 catégories principales d’objets. Le directeur des opérations France d’Amazon.fr logistique SAS, Frédéric Duval, lance d’ailleurs dès aujourd’hui un appel aux candidats nordistes “motivés et passionnés“, les phases de recrutement démarrant début 20131. La semaine suivant l’ annonce de la bonne nouvelle (qui couvait depuis plusieurs semaines dans le Douaisis) a été consacrée aux premières discussions précises entre les RH du groupe américain et la CAD pour définir les profils de postes à pourvoir : préparateurs de commandes, cadres, informaticiens.
Le deuxième employeur du Douaisis. Le savoir-faire de Christian Poiret, président de la CAD (encadré), s’est encore une fois vérifié sachant qu’Amazon lorgnait aussi sur d’autres territoires : Arras, Valenciennes, Douvrin et la Saône-et-Loire. Les 2 500 emplois promis par Amazon ont même surpris le président qui s’attendait à un millier, le chiffre de 800 ayant circulé. Effectivement, si Amazon devient sur cette base de 2 500 emplois le second employeur du Douaisis après Renault, il a aussi pris la précaution de préciser qu’il s’agirait là du chiffre atteint en période de pleine croissance, sous-entendu pas en permanence. Ainsi va la logistique… Et d’ajouter chez les gens d’Amazon que le système du trois équipes x 8 heures pourrait être utilisé, permettant une activité en continu dans les périodes “chaudes” telles que les fêtes de fin d’année. Autre signe positif, la CAD va construire un parking de 1 200 places demandées par Amazon, avec possibilité de 500 places supplémentaires. L’accès au site devient au fil d’arrivées de géants tels que Kiabi, Goodman et Big-Ben, un peu juste. Il sera élargi ainsi que les voies de circulation internes, le Conseil général créant deux giratoires de plus. Si l’on conserve l’axiome d’un emploi direct créé pour trois indirects générés, on voit que le Douaisis qui souffre d’un taux de chômage constant d’environ 14%, donc au-dessus de la moyenne nationale officielle, a tout à gagner. Dans un rayon de 30 kilomètres autour de Douai, la CAD a recensé 8 300 personnes formées à la logistique et demandeuses d’emploi. Au point que Christian Poiret a créé un service de trois collaborateurs chargés du dossier logistique. Pôle emploi devra aussi très vite proposer des candidats fiables pour les 700 premiers emplois.
1. Contact : www.amazon.fr. Espace “carrières”.
La CAD flashe avec succès sur l’économie
Christian Poiret fait incontestablement gagner son territoire : avant Goodman (cf. La Gazette n°8462 du 6 juillet 2012) et ses 270 000 m2 à louer en trois bâtiments, Big Ben et ses 300 000 m2, il y avait eu Gécina avec 72 000 m2 pour Bils Deroo et Kiabi. Avec Amazon, la zone sera complète. Sur la zone du Luc à Dechy, arrivée de Distripates sur 123 300 m2 mais partout le foncier commence à manquer, au point que les élus communautaires se penchent sur la question1. Les discussions duraient depuis dix mois entre Amazon, Goodman et la CAD. Convaincre Amazon a aussi mobilisé l’Etat et le sous-préfet Hervé Malherbe, puis Goodman qui en est déjà à sa troisième opération (les autres sur Orléans et Montélimar toujours sur le fonds Goodman European Logistics Fund) avec Amazon, donc entre gens qui se connaissent. Et enfin Nord France invest, l’agence de promotion régionale.
Avec Lionel Courdavault, vice-président chargé à la CAD du développement économique, Christian Poiret a aussi souligné le rôle de la Dreal et du SDIS. Pour la CAD, l’investissement total sera en voiries de 820 000 €, le reste étant à la charge du Département. Aujourd’hui, la CAD entre dans la phase d’accompagnement de l’installation d’Amazon, poursuivant après l’arrivée de Kiabi, il y a quelques années, sa méthode efficace de réunions régulières entre tous les partenaires de l’opération, et le même jour.
1. Contact CAD pour le foncier disponible : www.douaisis-agglo.com −03 27 99 89 10.
Impôt sur les bénéfices : quel dialogue avec Bercy ?
Nombreux sont les observateurs et investisseurs qui se demandent si, comme avec l’Etat japonais, les relations entre Amazon et le fisc français déboucheront sur un accord. Ou pas… Et quelles seraient alors les conséquences sur la vie du groupe et le rythme de ses investissements ? En 2011, Amazon a payé au fisc français 3,3 M€ au titre de l’impôt sur les bénéfices alors que le fisc estime la somme de 10 à 30 M€. Même problème avec le fisc britannique. Au Japon, un accord a été trouvé. En 2011, Amazon déclare à Bercy le CA de ses cinq filiales en France, soit 110 M€, dégageant ainsi une base bénéficiaire de 5 M€ à partir de laquelle il est imposé. Selon le cabinet d’analyses et prospectives international bien connu Euromonitor international, Amazon aurait en fait généré en 2011 un CA de plus de 1,3 Md€ avec bénéfice net d’entre 30 et 80 M€. Amazon devrait donc payer de 10 à 30 M€ d’imposition sur le bénéfice, soit au moins trois fois plus qu’il ne le fait.
Amazon reconnaît auprès des autorités boursières américaines le litige qui l’oppose à au moins deux administrations fiscales européennes, c’est donc du domaine public. Il conteste les modes de calcul français.
Tout se complique quand on parle de rétroactivité, pour la période de 2006 à 2010 (et plus). Le fisc français réclame pour l’instant 200 M€ d’arriérés à Amazon qui refuse ce chiffre. Bercy lui reproche (comme à Google) de rapatrier ses “revenus français” au Luxembourg (à la fiscalité très allégée) où se trouve le siège de la société. Quelle législation fiscale primera au bout du compte ? Toute la question est là et avec quelles conséquences pour l’activité dans les pays qui se veulent stricts. N’oublions pas l’exemple de Ryanair qui a fini par quitter la France en janvier 2011, découragée par l’intransigeance de Bercy.