Altytud : un cluster de haut vol

Picardie La Gazette : Que représente l'aéronautique sur le territoire d'Albert – Méaulte ?

Sophie Pouillart : Le territoire a toujours été un fief de l'aéronautique, c'est même le berceau de l'aéronautique puisque Henry Potez y a créé la première usine de production d'avions au monde en 1924. Le site, aujourd'hui Airbus Atlantic, a célébré ses 100 ans cette année.

Thierry Masse : Beaucoup d'événements ont été organisés cette année dans le cadre du centenaire, un musée éphémère a même été ouvert avec le concours de l'association des Anciens d'Albert. Toute l'histoire du site est conservée et entretenue, c'est une véritable culture qui est transmise de génération en génération. Les gens sont passionnés par l'aéronautique ici, ils aiment leur métier, les équipes qui travaillent sur le site d'Albert - Méaulte en retirent une grande fierté.

L'industrie aéronautique y joue un rôle primordial, comment s'est-elle organisée ?

Sophie Pouillart : Le développement de l'aéronautique sur le territoire est en effet cohérent avec son histoire. Des entreprises se sont regroupées dès 1993 en créant le PHMA, Pôle Hydraulique et Mécanique d'Albert. Il est devenu Altytud en 2018, une association de loi 1901 financée à 60 % de fonds privés et 40 % de fonds publics, avec des actions et des missions qui ont fortement évoluées.

Thierry Masse : Le PHMA puis Altytud aujourd'hui est avant tout construite et structurée par et pour les industriels, avec la mission d'accompagner et développer les acteurs de la filière, et en particulier les entreprises au capital certes plus modeste qu'Airbus Atlantic, Dassault Aviation ou Safran, mais aux compétences énormes. Altytud fait son office de cluster, il compte désormais plus de 90 adhérents.

La création de l'entité Altytud marque la volonté de la filière d'évoluer à une plus grande échelle ?

Sophie Pouillart : L'industrie aéronautique de la région apparaît encore trop souvent méconnue alors qu'elle est une vraie valeur ajoutée à l'économie régionale et même un pôle d'excellence. C'est pourquoi avec Altytud nous organisons l'industrie aéronautique à l'échelle des Hauts-de-France. L'ambition commune est de booster l'aéronautique des Hauts-de-France mais nous ciblons le marché national et international.

Thierry Masse : Le PHMA était en effet plus local, mais depuis 4 à 5 ans avec Sophie, nous poussons pour rayonner sur l'ensemble de la région. Preuve en est, l'adhésion de nouvelles industries aux quatre coins des Hauts-de-France, ou encore l'intégration au sein du bureau d'Altytud de Guillaume Lenoir, le responsable de production de Dassault Aviation à Seclin.

"L'industrie aéronautique est une vraie valeur ajoutée à l'économie régionale"

Altytud devient un représentant de marque des Hauts-de-France dans de nombreuses instances ?

Sophie Pouillart : Le cluster est membre du GIFAS, le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales, il fait maintenant partie du « First french region for critical subassemblies for sustainable aeronautic & space », il développe les compétences « aéro excellence » et il est rattaché depuis 2022 à l'Aéronautique Spatiale & Défense. Un autre rapprochement a d'ailleurs été acté avec la DGA en septembre (NDLR : Direction générale de l'armement). Dans sa volonté de souveraineté industrielle, l'Etat considère en effet l'aéronautique et la défense comme des enjeux majeurs pour la France et l'Union européenne. Dans le même temps, l'activité militaire est un vecteur de diversification du marché pour les entreprises d'Altytud.

La filière aéronautique vit une phase de croissance inédite ?

Thierry Masse : Il y a eu l'arrêt de la production au moment de la crise sanitaire, puis la reprise des commandes pour arriver aujourd'hui à un carnet de commandes tout simplement historique. Chez Dassault, ce sont plus de 300 avions en commande. Pour Airbus, plus de 8 600 avions ont été commandés, cela représente dix années de projection. En 2027, les usines Airbus devront sortir 75 A320 par mois, c'est là que l'action d'Altytud auprès des acteurs de la filière prend toute son importance afin que la supply chain soit très performante.

Comment se traduisent vos actions auprès des entreprises adhérentes d'Altytud ?

Sophie Pouillart : Il est certain que cette croissance inédite ruisselle sur les entreprises de la filière, elles ont toutes des perspectives de développement. Notre rôle consiste alors à aller à la rencontre des industriels, d'identifier leurs problématiques et leurs partenaires privés, publics, politiques adéquats et de construire la stratégie qui développera considérablement leurs chiffres d'affaires. L'aéronautique bénéficie d'une dynamique de croissance, et nous avons la chance d'avoir sur le territoire des Hauts-de-France une industrie qui se porte bien.

L'aéronautique et l'aviation en général ont donc de belles perspectives économiques, même avec ses contraintes environnementales ?

Thierry Masse : Beaucoup de choses ont été faites et continuent d'être faites dans le domaine de la préservation de l'environnement. Pour Airbus par exemple ce n'est pas nouveau, le groupe s'est engagé dans la décarbonation de ses avions depuis plus de 10 ans. Il améliore pour cela ses moteurs, le bruit des moteurs, l'aérodynamisme, il fabrique des avions en composite comme l'A350. De même, Airbus se mobilise pour baisser de 85 % les émissions de CO₂ de ses usines d'ici à 2030. Je pense par ailleurs qu'il y aura une rupture pour l'aviation dans les années 2030 à 2035 avec des nouveaux modes de propulsion à carburant durable. Les avions seront peut-être propulsés à l'hydrogène. Altytud démontre dans tous les cas ses capacités à accompagner le développement de ces process. Le cluster embarque beaucoup de monde, les industriels en premier lieu mais aussi tous les acteurs institutionnels. On dit ce qu'on fait et on fait ce qu'on dit, c'est pour cela qu'Altytud est aujourd'hui crédible et reconnue dans toute la région des Hauts-de-France.