Isneauville : Alga Biologics mise sur les microalgues pour lutter contre les maladies

Installée à Isneauville et Canteleu, la start-up Alga Biologics travaille sur la fabrication d'anticorps à visée thérapeutique par des microalgues.

Aujourd'hui, la start up a développé des bio-réacteurs de 200 litres et veut atteindre les 5 000 litres. © Alga Biologics
Aujourd'hui, la start up a développé des bio-réacteurs de 200 litres et veut atteindre les 5 000 litres. © Alga Biologics

Ce pourrait-il que les microalgues soient l'avenir de la santé humaine ? C'est sur cette question que travaille Alga Biologics, basée à Isneauville. La start-up, lancée en 2022 par Muriel Bardor, présidente, et Catherine Gallot, directrice générale, s'appuie sur plus de dix ans de recherche concernant la synthèse de protéines, notamment des anticorps, par des microalgues. Fin décembre, l'entreprise a d'ailleurs été sélectionnée pour faire partie de l’Index Blue Tech qui comprend les 40 start-ups de la filière maritime les plus prometteuses.

Atteindre l'échelle industrielle

"En 2011, j'étais enseignant-chercheur à l'université de Rouen Normandie et j'ai initié une thématique de recherche qui visait à comprendre comment les protéines étaient synthétisées dans les cellules de microalgues", explique Muriel Bardor. L'idée était ensuite de modifier les microalgues pour leur faire produire à façon des protéines qui auraient un intérêt thérapeutique pour l'homme.

Dans cette optique, il apparait que la microalgue marine phaeodactylum tricornutum est particulièrement intéressante car ses protéines sont proches des protéines humaines. "Nous avons développé tout un savoir-faire pour l'utiliser comme une usine cellulaire. Le premier anticorps que nous avons obtenu, en 2016, était dirigé contre le virus de l'hépatite B", poursuit Muriel Bardor. Suivent des anticorps utiles dans la lutte contre des cancers.

En 2019, sous l'impulsion de Normandie Valorisation, Muriel Bardor décide d'exploiter cette recherche fondamentale, qui a donné lieu à trois brevets, pour développer des applications concrètes. "Les groupes pharmaceutiques ont expliqué qu'il fallait leur montrer que cela fonctionne à l'échelle industrielle", rebondit Muriel Bardor. C'est l'objectif de la start-up.

Un process durable, sûr et moins coûteux

L'utilisation de microalgues a plusieurs avantages par rapport aux cellules de mammifères. D'un point de vue sanitaire, on évite toute contamination croisée et la production est moins coûteuse. "Il n'y a aucun intrant animal dans le milieu de culture qui est plus simple, lequel ne nécessite pas d'être chauffé", détaille la chercheuse. Les anticorps relâchés dans le milieu de culture sont simplement filtrés. La production est également décarbonée grâce à la photosynthèse. "Ce sont sept tonnes de dioxyde de carbone capturées par kilogramme d'anticorps produits, l'équivalent de 82 000 kilomètres en avion." Plus important encore, "nous avons démontré que l'efficacité de nos anticorps était améliorée,  souligne Muriel Bardor.

En trois ans, l'entreprise, qui compte cinq salariés, a mis en place la production de son premier anticorps propriétaire. "Il cible le neuroblastome, un cancer pédiatrique. Il nous sert de démonstrateur industriel". En octobre, la start-up a emménagé sur un nouveau site de production de 285 m2 à Canteleu. "Nous sommes passés d'une capacité de production de 5 litres à des bio-réacteurs de 200 litres et nous voulons atteindre 5 000 litres", développe Muriel Bardor.

Une levée de fonds

La start-up fait partie de la Deeptech : "Nous sommes sur des innovations de rupture développées sur des temps longs", note Muriel Bardor. En effet, développer un médicament est un processus long. "Nous en sommes aux phases précliniques, ensuite nous demanderons l'autorisation de faire des tests sur l'homme. La commercialisation sera, au mieux, en 2032 ". C'est pourquoi Alga Biologics s'apprête à faire une levée de fonds. "Nous voulons sécuriser environ douze millions d'euros pour accélérer notre développement" précise la chercheuse. Un impératif alors que des équipes, notamment en Allemagne, en Australie et aux USA se sont lancées sur les traces de Alga Biologics.

En parallèle, la start-up explore également le domaine de la santé animale où elle a une carte à jouer. "Le coût des traitements à destination des animaux domestique est très important pour être accessible et les délais d'homologation un peu plus courts"; ajoute la cofondatrice. Enfin, le secteur de la cosmétique s'ouvre également à des applications potentielles. "Une réglementation interdira en 2027 l'utilisation de petites protéines synthétisée par voie chimique dans les cosmétiques" relève l'entrepreneuse. Les microalgues marines Alga Biologics ont un bel avenir devant elles.

Pour Aletheia Press, Laetitia Brémont

25 000 enfants touchés par le neuroblastome dans le monde chaque année

Lutter contre le neuroblastome est aussi un véritable enjeu sociétal pour la start-up. "Cette maladie touche annuellement 25 000 enfants dans le monde. Et ce chiffre augmente de 2% chaque année. Les deux anticorps utilisés actuellement sont très onéreux - 9 000 euros la dose injectée par enfant - et peu efficaces avec des chances de survie de 50%", constate Muriel Bardor. Seulement 5% de la population mondiale à accès à ce type de traitements étant donné leur coût.