"Agent orange": l'action d'une Franco-Vietnamienne contre Bayer-Monsanto échoue en appel

Bayer-Monsanto et 13 autres groupes agrochimiques ne peuvent pas être jugés en France pour avoir conçu ou commercialisé le défoliant ultra-toxique "agent orange" utilisé durant la guerre du Vietnam, a tranché jeudi la cour d'appel de Paris, jugeant "irrecevables" les...

Tran To Nga, lors d'un entretien avec l'AFP à Hanoi, le 17 avril 2023 © Nhac NGUYEN
Tran To Nga, lors d'un entretien avec l'AFP à Hanoi, le 17 avril 2023 © Nhac NGUYEN

Bayer-Monsanto et 13 autres groupes agrochimiques ne peuvent pas être jugés en France pour avoir conçu ou commercialisé le défoliant ultra-toxique "agent orange" utilisé durant la guerre du Vietnam, a tranché jeudi la cour d'appel de Paris, jugeant "irrecevables" les demandes de Tran To Nga, Franco-Vietnamienne de 82 ans.

"Les demandes de Mme Tran To Nga se heurtent à l'immunité de juridiction dont les sociétés (...) bénéficient", écrit la cour d'appel dans son arrêt.

La cour a confirmé un jugement du tribunal judiciaire d'Evry, qui avait estimé en 2021 que les sociétés, dont Bayer-Monsanto, Dow Chemical et Hercules, avaient "agi sur ordre et pour le compte de l'Etat américain" et qu'elles pouvaient, de ce fait, se prévaloir de "l'immunité de juridiction".

L'octogénaire, qui a appris la décision depuis Hô Chi Minh-Ville, compte se pourvoir en cassation, ont annoncé ses avocats, Mes William Bourdon et Bertrand Repolt.

"Nous allons continuer à prouver au monde que la justice est de notre côté", a assuré Mme Tran To Nga dans un entretien au quotidien L'Humanité jeudi soir, reconnaissant simplement une décision "qui ne nous arrange pas". 

"Plus déterminée que jamais", elle a également indiqué son intention de tenir en France une conférence de presse et d'appeler "à un rassemblement". 

Née en Indochine française en 1942, Tran To Nga a 24 ans et est journaliste quand elle est exposée au défoliant utilisé par l'armée américaine pour détruire les forêts vietnamiennes qui protègent les combattants de la guérilla communiste Vietcong, mais qui a rendu malades plus de trois millions de personnes, selon les chiffres du gouvernement vietnamien.

"L'avion est passé avec un nuage blanc derrière lui. Ça tombe très rapidement et c'est comme ça que je me suis retrouvée enveloppée d'un liquide gluant et, tout de suite, j'ai commencé à tousser, à m'étouffer", avait relaté Tran To Nga lors d'une conférence de presse en avril.

Regrettable" pour Hanoï

Sa fille, née en 1969, est décédée d'une malformation cardiaque au bout de "17 mois", précise le collectif, en ajoutant que ses deux autres filles et ses petits-enfants sont atteints de "pathologies graves". 

Tran To Nga souffre quant à elle de "tuberculoses à répétition, d'un cancer et d'un diabète de type II", dénonce Vietnam Dioxine.

"Nous trouvons regrettable la décision de la cour. Nous avons souvent expliqué que, même si la guerre est finie, ses effets sur le pays et le peuple vietnamien se font toujours sentir, y compris à travers les conséquences à long terme de l'agent orange", a déclaré à la presse Pham Thu Hang, porte-parole du ministère vietnamien des affaires étrangères.

"Nous apportons tout notre soutien aux victimes qui réclament que les entreprises qui ont produit et fourni l'agent orange utilisé par les Etats-Unis prennent leurs responsabilités et s'occupent des conséquences", a-t-elle ajouté.

L'association Vietnam Dioxine a pour sa part qualifié de "déni de justice pour les victimes de l'agent orange" la décision de la cour d'appel de Paris et assuré ne pas baisser "les bras", dans un communiqué.

Aux Etats-Unis, le combat contre l'"agent orange" a conduit en 1970 à la création du terme d'"écocide" pour décrire la destruction délibérée de l'environnement.

Si des vétérans ont été indemnisés par certaines entreprises sans qu'un procès ait lieu, la justice a débouté en 2005 une association vietnamienne de victimes au motif que l'"agent orange" était un herbicide et non une arme chimique.

Tran To Nga s'est elle tournée vers la justice française.

Pour les entreprises qui répondaient aux commandes de l'Etat américain, "la marge de manoeuvre était inexistante et le contrat était un carcan", a de nouveau plaidé en mai devant la cour d'appel Me Jean-Daniel Bretzner, avocat de Bayer-Monsanto.

Dénonçant "une affaire de principe, les juges ont endossé une attitude conservatrice à rebours de la modernité du droit et contraire au droit international et au droit européen", ont argué les conseils de Tran To Nga.

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