Industrie
Ageco en état d'urgence
Un peu plus de deux ans après qu’Ageco a commencé son implantation sur le site ex-Whirlpool d’Amiens, dans le cadre du deuxième projet de réindustrialisation et de sauvegarde de l'emploi sur ce site, la direction fait un appel aux fonds privés pour sauver l'entreprise et surtout les emplois.
« Une sortie de crise à portée de main »
Le business plan de relance établi par la direction d’Ageco a été validé par les experts du cabinet Alvarez & Marsal mandatés par l’État. « Il apparaît que la sortie de crise de la société est désormais à portée de main. Mieux, dans tous les cas de figure étudiés par ces experts, même dans le scénario le plus pessimiste, la survie et le retour à l’équilibre de la société sont largement assurés et de façon pérenne. Les besoins en refinancement sont tous clairement identifiés. Partant par prudence sur le scénario le plus dégradé, le besoin en financement ressortirait à 5,5 millions d’euros pour permettre un retournement définitif de la société et sa montée en capacité industrielle, à la fin de l’exercice 2023, accompagné du maintien de la totalité des emplois », assurent les dirigeants. L’État et la Région ont accepté d’avancer le versement du solde des soutiens public prévus, compte tenu de la situation particulière résultant de la crise sanitaire. « Nous sommes au rendez-vous de notre engagement. Fin novembre, nous avons vu les représentants des salariés en préfecture afin de leur expliquer clairement les choses. Avec l’État, nous devions mettre sur la table, 3,4 millions d’euros. Ils ont été intégralement versés alors que nous n’aurions pas dû tout verser. Normalement, nous aurions dû attendre que les investisseurs privés d’Ageco mettent sur la table tout ce qu’ils avaient promis. Ils avaient promis 4,7 millions, ils ont mis 3,7 millions. Nous l’avons fait car autrement l’entreprise s’arrêtait et les salaires de novembre n’étaient pas versés. Il n’est pas question de laisser prendre en otages les salariés », déclare Xavier Bertrand, président de la Région Hauts-de-France qui avait également prévu une aide à la formation et une subvention de la filiale digitale d’Ageco, Belive.ai, à hauteur d’1 million d’euros.
Une entreprise qui a de l’avenir
Ageco intervient sur le cycle complet de l’agencement, du conseil à la fabrication made in France en passant par la, conception, le design 3D, le prototype en réalité virtuelle, la pose et le SAV sur son site de production de 25 000 m². « De nombreux obstacles se dressent devant nous et pourtant nous ne devrions pas les rencontrer car ils sont générés par un système administratif, législatif et financier qui devrait au contraire créer un écosystème favorable à la croissance des entreprises. Nous devons gérer depuis la reprise du site les pertes de temps et d’énergie pour tenter de récupérer des actifs initialement prévus dans la reprise du site. Il y a aussi un business plan réalisé par Alix Partner promettant des signatures de contrats importants avec la SNCF, Carrefour, Intermarché, La Poste-Pickup, la ville de Lyon, SSA. Aucun des clients identifiés par Alix Partner n’a souhaité donner suite hormis La poste-Pickup. Sans oublier une cession du site Whirlpool initialement prévue en décembre 2019 pour nous permettre de faire un lease-back et préparer la deuxième phase de cash burning du projet, mais qui n’est arrivée qu’en juin 2020, nous pénalisant dans nos prévisions de financement », liste Antoine Gérard-Shine. Le cumul de ces éléments, plus d’autres, amène Ageco à avoir plus de 2 millions d’euros de trésorerie qui devraient être sur les comptes de l’entreprise et qui ne le sont pas. Pourtant l’agencement a de l’avenir. Lechiffre d’affaires d’Ageco augmente fortement et a passé la barre du million d’euros de facturation en juillet, ce qui est un signe positif car les mois d’été sont traditionnellement faibles dans ces métiers. Le carnet de commandes est en forte augmentation (+25% environ par rapport à 2019). La métallerie a produit plus de 7 000 pièces en juin.
« Aidez-nous »
« Nous croyons toujours en cette reprise par Ageco et nous avons aussi apporté notre pierre à l’édifice avec des aides à la création d’emploi notamment. Il n’est pas si simple pour les dirigeants actuels de passer d’un statut d’excellents commerciaux à celui d’industriels », interpelle Alain Gest, président d’Amiens Métropole. Ce qu’ont entendu les dirigeants actuels qui viennent de recruter un tout nouveau directeur général issu de l’école Boulle. Ils croient fermement à la viabilité de ce projet de réindustrialisation dans ses dimensions sociale, industrielle, technologique, et à sa rentabilité à moyen terme dès lors que des leviers de refinancement nécessaires seront rapidement obtenus. La direction de la société travaille à différents scénarii alternatifs mais qui impliquent tous une valorisation du foncier pour se financer. « Nous sommes prêts à ne plus nous rémunérer et travailler encore plus. Nous avons des pistes sérieuses pour faire entrer de l’argent privé dans l’entreprise. Mais n’oublions pas qu’il y a derrière tout cela 88 familles. Aidez-nous. Si rien n’est fait, ces personnes ne rebondiront jamais. »