Affaire Adèle Haenel: Christophe Ruggia condamné à deux ans de bracelet électronique

Le réalisateur Christophe Ruggia a été reconnu coupable lundi d'avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans, et condamné par le tribunal correctionnel de Paris à quatre ans de prison...

Le réalisateur français Christophe Ruggia arrive au palais de justice de Paris, le 10 décembre 2024 © ALAIN JOCARD
Le réalisateur français Christophe Ruggia arrive au palais de justice de Paris, le 10 décembre 2024 © ALAIN JOCARD

Le réalisateur Christophe Ruggia a été reconnu coupable lundi d'avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans, et condamné par le tribunal correctionnel de Paris à quatre ans de prison dont deux ferme à effectuer sous bracelet électronique.

L'ex-actrice de 35 ans, visiblement nerveuse avant le jugement, n'a pas réagi à l'annonce du délibéré, esquissant seulement quelques minutes plus tard un sourire de soulagement. 

Christophe Ruggia, 60 ans, costume gris et qui a évité de la regarder comme pendant le procès en décembre, n'a pas montré de réaction. 

A la sortie de la salle, martelant qu'il n'avait "jamais touché Adèle Haenel", ses avocates Fanny Collin et Orly Rezlan ont annoncé faire appel de cette condamnation "injustifiée" et "dangereuse". 

"Celles et ceux qui ont suivi le procès savent objectivement que Christophe Ruggia n'est pas condamné sur la foi de l'unique parole d'Adèle Haenel", ont rétorqué ses avocats Yann Le Bras et Anouck Michelin. "Si quelque chose a été broyé, c'est plutôt l'enfance de cette très jeune actrice", ont-ils réagi auprès de l'AFP. 

Le tribunal ayant assorti la condamnation de Christophe Ruggia de l'"exécution provisoire" - s'appliquant même en cas d'appel - il sera prochainement convoqué pour se voir poser un bracelet. 

A sa sortie, Adèle Haenel a été longuement applaudie, et accueillie par des cris de joie et des "bravos".

Costume gris sur une chemise verte, celle qui s'est depuis mise en retrait du cinéma était arrivée en avance, attendant l'ouverture de l'audience visage tendu, faisant les cent pas.

"Après en avoir délibéré et longuement délibéré", dit le président en appelant Christophe Ruggia à la barre, "le tribunal vous a déclaré coupable". 

Quelques débuts d'applaudissements se font entendre dans la salle comble, que le président réprime aussitôt: "Non, pas de manifestation d'opinion".

"Vous avez profité de l'ascendance que vous aviez sur la jeune actrice", poursuit le président parlant d'une "conséquence de la relation instaurée" pendant le tournage du film "Les Diables", dans lequel Christophe Ruggia avait fait jouer Adèle Haenel en 2001. Elle avait 11 ans quand elle a été castée. 

Le tribunal a rappelé les témoignages des adultes sur le plateau, mal à l'aise face à son comportement "inadapté". Le fait qu'Adèle Haenel avait été "progressivement isolée" de son entourage pendant le tournage de ce difficile long-métrage racontant une histoire d'amour incestueuse entre deux frère et soeur, avec des scènes de sexe et de longs gros plans sur le corps nu d'Adèle Haenel.

Toutes les femmes

Ensuite, "quasiment" tous les samedis après-midi pendant "plus de trois années", Christophe Ruggia - alors âgé de 36 à 39 ans - avait "adopté des attitudes et gestes sexualisés, prolongement de l'attirance" que lui avait "inspiré" Adèle Haenel pendant le tournage.

Et ce "alors que l'enfant" sur laquelle "il continuait d'exercer son autorité de réalisateur, n'était pas en mesure de s'opposer ni de s'extraire de cette emprise", a aussi estimé le tribunal dans son jugement.

Christophe Ruggia a également été condamné à indemniser Adèle Haenel à hauteur de 15.000 euros pour son préjudice moral, et 20.000 pour ses années de suivi psychologique. Il a interdiction de travailler au contact de mineurs pendant cinq ans, et est inscrit au Fijais, qui recense les auteurs d'infractions sexuelles.

Une dizaine de personnes avait brièvement manifesté sur le parvis du tribunal avant le rendu de la décision pour soutenir Adèle Haenel, dont l'actrice Judith Godrèche, elle-même devenue figure du mouvement MeToo en France. "C'est important d'être là pour soutenir Adèle et toutes les femmes qui essaient de se battre face a une justice qui parfois les abandonnent", a-t-elle déclaré à la presse avant de s'installer dans la salle d'audience.

Les agressions sexuelles qu'a dénoncées Adèle Haenel - publiquement dans Mediapart en 2019, déclenchant #Metoo dans le cinéma français - avaient débuté chez le réalisateur, après le tournage du film sous couvert de préparation de sa promotion. 

A la barre, l'actrice avait décrit le processus toujours identique des agressions. Elle assise sur le canapé, lui qui vient "se coller" l'air de rien au fil de la conversation parce que "ma puce (t'es) vraiment trop drôle". Puis les mains qui passent sous le T-shirt, dans son pantalon. 

L'actrice qui avait péniblement contenu sa rage face aux dénégations répétées de Christophe Ruggia, se contentant de le fixer d'un regard noir qu'il évitait, avait fini par exploser la seconde après-midi de procès, hurlant "mais ferme ta gueule" avant de quitter la salle, comme en écho à son départ de la cérémonie des César en 2020 après le prix du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski, un geste qui l'avait érigée en symbole des féministes.

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