A Scranton, une usine d'un autre temps fabrique des obus pour l'Ukraine
Dans des bâtiments plus que centenaires en briques brunâtres, quasiment au coeur de Scranton, ville de Pennsylvanie où le président Joe Biden a vu le jour, des machines de près de 60 ans ans fabriquent de l'artillerie pour des conflits...
Dans des bâtiments plus que centenaires en briques brunâtres, quasiment au coeur de Scranton, ville de Pennsylvanie où le président Joe Biden a vu le jour, des machines de près de 60 ans ans fabriquent de l'artillerie pour des conflits du XXIe siècle, surtout la guerre en Ukraine.
L'usine de munitions de l'armée de Terre de Scranton (SCAAP) fabrique des corps -- tubes creux en acier 100% américain -- pour obus de 155 mm, cruciaux pour Kiev face à Moscou, qui sont ensuite acheminés vers un site de l'Iowa où ils sont garnis d'explosifs.
"La fusée (à la pointe) est installée sur le terrain" du conflit, "pour des raisons de sécurité", explique à l'AFP Richard Hansen, responsable de la SCAAP depuis 2009 et retraité de l'US Navy, en faisant visiter l'usine mardi à quelques journalistes.
Ce site, construit en 1908 pour la fabrication et l'entretien de locomotives à vapeur, a commencé sa nouvelle vie dans l'armement après son rachat par le gouvernement en 1953.
Il s'agissait alors de fournir des munitions pour la guerre de Corée. Certaines machines utilisées en 2024 datent quasiment de cette époque.
Point d'intelligence artificielle ni vraiment d'automatisation informatique dans ces bâtiments, classés monuments historiques.
Les tubes d'acier incandescent tout juste mis en forme dans trois forges successives refroidissent pendant trois heures dans de petits paniers suspendus à un rail serpentant dans le sous-sol de l'usine, pour les acheminer lentement vers leur prochaine étape.
Telles des chenilles processionnaires rougies évoluant dans la pénombre.
Se déplacer dans ce dédale de coins et de recoins obscurs -- éclairés de temps à autre par des flammes et du métal rougi --, d'escaliers étroits, de lignes de fabrication et de fosses désaffectées requiert une attention de chaque instant, dans un bruit assourdissant malgré des bouchons d'oreille et une odeur de métal chauffé.
Les tubes reçoivent ensuite toute une série de traitements par la chaleur (jusqu'à 1.100 degrés Celsius), les ultrasons, le polissage, la submersion dans l'huile, entre autres, pour en retirer les moindres scories extérieures et intérieures et repérer les malfaçons du métal.
Leurs mensurations sont vérifiées sous tous les angles à plusieurs étapes, avec des étalons qui pourraient être exposés dans des musées sur l'outillage ancien.
Retirer avant de tirer
En bout de course, les projectiles sont peints -- pour les protéger de la rouille pendant la durée indéterminée de leur stockage -- puis reçoivent un numéro de lot pour leur traçage et un bandeau "Remove before firing" (Retirer avant de tirer).
"Aucun incident avec un obus n'est jamais remonté jusqu'à cette usine", se félicite M. Hansen.
S'il est intarissable sur le processus et l'histoire du site, il est beaucoup moins disert concernant les quantités produites et l'utilisation des obus.
"Le contrat actuel porte sur une production de 24.000 obus par mois dans les trois usines" de l'Est de la Pennsylvanie, explique-t-il.
La SCAAP est détenue par le gouvernement, qui a signé un contrat avec le groupe américain de défense et aérospatial General Dynamics.
Ce dernier dispose de deux sites en propre non loin de Scranton, qui produisent notamment des obus de 155 mm et des mortiers, et en construit un autre au Texas qui devrait être opérationnel à l'été, explique à l'AFP une représentante du groupe, lors de la visite.
Mais aucun interlocuteur présent n'a consenti à préciser la répartition de la production entre ces trois sites en activité -- qui emploient 900 personnes au total --, ni son évolution depuis la signature du contrat actuel en 2019.
"La production n'a pas augmenté à cause de la guerre en Ukraine", envahie par la Russie en février 2022, assure M. Hansen. "Nous avions déjà engagé un projet de modernisation pour augmenter la production" qui doit s'achever dans environ deux ans.
D'un montant de 418 millions de dollars, il doit permettre à la SCAAP de gagner en efficacité grâce à des technologies modernes tout en étant plus économe en énergie, explique-t-il, affirmant que cette usine pouvait d'ores et déjà augmenter sa production si directive en ce sens lui était donnée.
L'armée américaine a conclu des contrats avec d'autres sous-traitants, dont les infrastructures sont en cours de construction, avec l'objectif de produire mensuellement 100.000 obus de 155 mm en octobre 2025.
Depuis 1953, l'usine de Scranton a fabriqué 28,8 millions de projectiles.
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