A Rivesaltes, la ministre Miralles face aux interrogations des familles de harkis privés de sépulture
La ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants, Patricia Miralles, a commencé lundi au mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) à recevoir les familles de 60 harkis morts et enterrés sans sépulture dans ce camp pour répondre à leurs interrogations sur les ossements de...

La ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants, Patricia Miralles, a commencé lundi au mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) à recevoir les familles de 60 harkis morts et enterrés sans sépulture dans ce camp pour répondre à leurs interrogations sur les ossements de leurs proches déplacés qui ne leur ont jamais été rendus.
Dans un paysage de bruyère et de garrigue, une soixantaine de proches des disparus ont pu accéder lundi matin, certains pour la première fois, au lieu des fouilles où leurs défunts, en majorité des enfants, avaient été ensevelis au début des années 60, a constaté une équipe de l'AFP.
Devant un rectangle de terre rase, ça et là remuée, d'environ 30 par 50 mètres, entouré de grillage, des archéologues ont expliqué aux familles, photos aériennes de 1978 et 1987 à l'appui, avoir retrouvé la trace des dents d'une pelleteuse ayant creusé les emplacements des tombes pour prendre les ossements des défunts.
"Qui a fait çà ? Pourquoi, comment? Et pourquoi on nous l'a caché?", a demandé Marie Gougache du collectif des disparus du camp de Rivesaltes. "La ministre a promis de faire toute la lumière sur cette affaire", a ajouté Mme Gougache à l'AFP.
Soixante corps, dont ceux de 52 bébés, n'ont jamais été retrouvés. A l'automne 2024, des tombes ont été découvertes sur le périmètre du camp lors de fouilles réclamées par les familles, mais une fois ouvertes, les tombes étaient vides.
Les familles ont appris avec stupéfaction, le 21 février lors de la précédente visite de Mme Miralles, que les dépouilles avaient en fait été déplacées en septembre 1986.
Le maire de Rivesaltes André Bascou, en poste depuis 1983 mais qui disait jusqu'ici ne plus se souvenir, a indiqué ce jour-là avoir retrouvé dans les archives municipales la trace du transfert des ossements au cimetière communal Saint-Saturnin.
Plainte contre X
Au coeur des interrogations: le devenir de quatre caisses d'ossements retrouvées début avril dans un ossuaire du cimetière Saint-Saturnin de Rivesaltes où ils avaient été déplacés, selon Ali Amrane, un représentant des familles.
"Les ossements sont maintenant au laboratoire à Marseille pour datation au carbone 14", a ajouté Mme Gougache sur le site des fouilles, "mais le collectif des disparus n'est pas prêt à attendre un an comme à Saint-Maurice-L'Ardoise (camp dans le Gard où des harkis ont été également enterrés sans sépulture, ndlr) où les tests n'ont toujours pas été faits".
Et une fois que l'âge des ossements retrouvés dans l'ossuaire sera connu, "l'étape d'après sera la saisie du procureur de la République pour effectuer des tests ADN, et une plainte contre X", avait déclaré à l'AFP Ali Amrane.
"Aujourd'hui si on me dit +tenez Monsieur, prenez le corps de votre frère+, on le récupère et on ferme le dossier", a pour sa part déclaré Nordine, dont l'aîné est mort à Rivesaltes à moins de quatre mois en novembre 1962.
Projet de zone commerciale
Aux familles regroupées devant le grillage, les scientifiques de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) et de l'Onac (Office national des anciens combattants) ont expliqué que les fouilles avaient seulement permis de retrouver des alignements établissant la présence de tombes, ainsi que des plaques métalliques effacées et des pieux. Ils ont évoqué différents projets expliquant le déplacement des ossements, dont celui de créer une zone commerciale.
Patricia Miralles se verra remettre lundi les conclusions des fouilles par le président de l'Inrap, Dominique Garcia. Des documents doivent être également remis aux familles venues de toute la France lundi, en particulier du Nord, de Lozère, du Var et d'Alsace.
Près de 22.000 harkis (le nom donné aux auxiliaires algériens de l'armée française) et membres de leurs familles sont passés par le camp Joffre, situé non loin de Perpignan, après l'indépendance de l'Algérie, entre 1962 et 1965. Au moins 146, dont 101 enfants, sont décédés sur place ou à l'hôpital de Perpignan.
"Un peu plus de la moitié (des 22.000 réfugiés) étaient des enfants, forcément plus fragiles, dont beaucoup de bébés", a précisé à l'AFP l'historienne Fatima Besnaci-Lancou, elle-même passée par le camp de Rivesaltes entre l'âge de huit et neuf ans et membre du Conseil scientifique du mémorial.
"Beaucoup sont morts, surtout à l'hiver 1962-1963, parce que les familles étaient sous des tentes (...) sans chauffage, sans beaucoup d'hygiène, confrontées à la rareté de l'eau, etc.", a-t-elle ajouté.
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