Initiative
À Metz, Laurier d’Alep, le commerce qui met du soleil dans les cœurs
C’est une belle histoire entrepreneuriale qui a débuté il y a quelques semaines dans le centre-ville de Metz. Rana et Édouard Jekky ont dû quitter leur pays, la Syrie, à cause de la guerre civile. En France, après des débuts difficiles, ils ont su s’accrocher, démontrer talents et ressources, ouvrant leur commerce, Laurier d’Alep, spécialisée dans les produits de leur terre natale et orientaux, accompagnés par Alexis Grand Est.
La douceur. C’est ce qui transparaît si naturellement dans les voix et la gestuelle de Rana et Édouard Jekky. Ils sont les heureux commerçants de leur boutique dénommée Laurier d’Alep, dans la proximité directe de la rue Serpenoise et de la place Saint-Louis, un secteur très passant, où bat le cœur de la vie citadine. Retour en arrière. Nous sommes en 2015. Quatre ans auparavant, la guerre civile en Syrie débute.
La résilience
Quittant Alep, Rana et Édouard se réfugient en France. «Ce fut une grande galère», dit-il, les mots encore chargés d’émotion, à cette évocation. Édouard va travailler un peu partout. Rana sera embauchée dans des enseignes de décoration. Loin de leur famille, devant s’adapter à une existence nouvelle à des milliers de kilomètres de leurs racines, le couple, courageux, doit faire face aux préjugés. Édouard y revient : «Souvent, on nous faisait comprendre que nous n’étions pas les bienvenus. Nous avons connu le racisme. C’est l’un des éléments qui nous a fait vouloir ouvrir notre commerce, pour être indépendants et ne dépendre que de nous.» Licenciée économiquement, Rana bénéficiera d’un accompagnement à la création d’entreprise. Cela va mettre le couple sur la route d’Alexis Grand Est, via son antenne de Metz.
Le verre soufflé de Damas.
Un haut niveau de compétences
Mais, avant de dérouler le chemin qui va nous amener à cette année 2022, il est utile de revenir sur le parcours du couple. Édouard est diplômé de la Lebanese American University. En Syrie, il était directeur général en charge de l’import-export d’une grande imprimerie de 125 salariés et travaillant avec d’importants fournisseurs du secteur du médicament, de la cosmétique et notamment les exportateurs du plus ancien savon du monde, le savon d’Alep. De son côté, Rana est diplômée d’un équivalent BTS en architecture, a une expérience dans l’hôtellerie et en design en intérieur. En France, elle a étudié le design d’espace et fera un stage au service construction de la ville de Metz. Ainsi, ses compétences et son talent naturel pour la vente et le réseau d’exportation de son époux les prédisposent à la création d’un commerce. C’est ici le centre, le point cardinal de leur ambition quand ils rencontrent pour la première fois Isabelle Kull, référente d’Alexis Grand Est. «D’entrée, j’ai mesuré leur état d’esprit positif, leur dynamisme, leur envie. Leur idée de départ était de faire vivre leur commerce de produits syriens, cosmétiques et alimentaires. Du haut de gamme. Ils étaient très précis dans leur démarche. Tout cela tenait la route.»
L'authentique savon d'Alep.
Une détermination sans faille
Dès lors Isabelle Kull va les guider dans toutes les étapes de leur projet jusqu’à son aboutissement, activant le réseau de l'écosystème local. Rana et Édouard testent leur offre lors des marchés de Noël et rencontrent un beau succès, notamment avec le savon d’Alep. Par son réseau d’imprimeur, Édouard est en contact avec les meilleurs producteurs de ce savon, dont la recette à base d’huile d’olive et d’huile de baies de laurier se transmet depuis plus de 3 500 ans. Rana et Édouard prennent à ce moment-là la trajectoire classique des futurs entrepreneurs qu’ils vont bientôt devenir. De démarche en démarche, tant commerciale que financière, avec le volet juridique incontournable, coachés, ils mettent un cœur énorme à leur réalisation. En décryptant les étapes d’un processus qui va durer plus d’un an, Isabelle Kull est une observatrice privilégiée : «Ils n’ont jamais rien lâché, leur détermination a été totale.»
Des objets de décoration typiques de Syrie.
Comme un aboutissement
Et c’est donc au terme de ce processus d’accompagnement, qu’au sortir de cet hiver, Rana et Édouard ouvrent Laurier d’Alep. La saison estivale est désormais là. En poussant la porte de cette boutique, comme posée là, dans une atmosphère ouatée de sérénité, dans cette longue artère commerçante qu’est la rue En Chaplerue. Au numéro 46. La première impression : un esthétisme d’agencement appréciable, discret, chaleureux. Et il y a ces deux sourires, rayonnants. Sans nul doute, chacun est accueilli ici comme des invités. Laurier d’Alep : ce sont 165 références. Produit phare, le savon d’Alep. Il figure en bonne place à l’entrée du magasin. Le tour des étals fait découvrir des produits de soins naturels, une décoration en pneus recyclés, quelques douceurs sucrées, du vin syrien, cet étonnant objet en verre soufflé de Damas, un plateau en laiton, de la mosaïque, des accessoires de bain et des cosmétiques… Et quelques surprenantes découvertes... Édouard précise : «Notre clientèle est essentiellement composée de personnes souvent âgées à partir de 45 ans. Elles recherchent l’authentique savon d’Alep, des produits naturels, biodégradables, de qualité.»
Un magasin aux tonalités chaleureuses.
L’intégration par l’initiative économique
Peu à peu, le bouche-à-oreille commence à circuler, dans le tout-Metz, quant à cette boutique pleine de soleil, aux accents charmants, où on laisse le temps au temps, d'apprécier, d'échanger. Désormais mis sur orbite, Laurier d’Alep mise sur cette proximité atypique pour faire son bonhomme de chemin dans le paysage commercial messin. Isabelle Kull, qui a suivi le cheminement de cette aventure humaine, ajoute : «Alexis continue bien sûr à les suivre. L’objectif est de pérenniser Laurier d’Alep.»
Si Rana et Édouard ont besoin de financement par exemple. Également, pour toute la partie numérique et digitalisation nécessaire à un tel commerce. Le visiteur poussant la porte de la boutique se demandera peut-être pourquoi «Laurier» d’Alep ? Édouard, dans un élan de simplicité, répondra comme une évidence : «Le laurier, par son huile, est la base du savon d’Alep.» Que de chemin parcouru pour Rana et Édouard depuis leur départ de Syrie ! De l’abnégation et de la passion. Pour une réussite empreinte d’authenticité. Un exemple remarquable de résiliation par l’initiative économique. Il y a, rue En Chaplerue, un oasis de Syrie, pays aux riches traditions. Rana et Édouard, sont, eux, si loin, si proches à la fois de leur terre ancestrale. Ici ou là-bas, la générosité guide leurs pas, avec cet ardent désir de partager cette contrée loin de chez nous et à laquelle ils demeurent si attachés. Ils en parlent d'ailleurs avec un vibrant langage. Oui, celui du cœur.
Quelque 165 références.