A Mayotte, "l'impact considérable" du cyclone Chido sur la biodiversité
Derrière le claustra d'un restaurant de Coconi, à Mayotte, un maki passe une tête, en quête de quelque chose à grignoter. Depuis le passage du cyclone Chido sur l'archipel en décembre, ces lémuriens sont "totalement désorientés", observe Emilien Dautrey, directeur...
![Une grande roussette survolant Amritsar, en Inde, le 18 février 2009 © NARINDER NANU](/thumbs/1368×1026/articles/2025/02/36XB6BH.jpg)
Derrière le claustra d'un restaurant de Coconi, à Mayotte, un maki passe une tête, en quête de quelque chose à grignoter. Depuis le passage du cyclone Chido sur l'archipel en décembre, ces lémuriens sont "totalement désorientés", observe Emilien Dautrey, directeur de l’association de protection de la biodiversité Gepomay.
Ces animaux, qui vivent dans les arbres et se nourrissant de fruits et de feuilles, ont perdu leur habitat et leur source de nourriture, sur des îles où la végétation a été dévastée par les vents violents.
Sur les réseaux sociaux, les messages d’habitants désemparés, à la vue de ces animaux affamés, pleuvent. "Il faut les aider, ils font partie de notre patrimoine", se désole Hilma. Estelle, elle, se demande avec quoi les nourrir. "Je leur donne des dattes depuis quelques jours mais je crois qu’ils arrivent à saturation."
Même les agriculteurs s’inquiètent.
"D’habitude ils viennent manger nos fruits, on est obligé de les chasser, ils saccagent tout. Mais là, ils nous font de la peine. Et puis, ils ont un rôle important pour nous: ils peuvent aller manger un fruit à six kilomètres de notre exploitation et permettre aux graines de ce fruit de germer chez nous, grâce à leurs excréments", explique Ali Ambody, éleveur à Ouangani, au centre de Grande-Terre, la plus grande des deux îles de l'archipel.
Mohamed Boinahery, qui élève des bovins à Combani, plus au nord, les voit, "venir manger les feuilles d’ananas" à défaut d’autre chose.
A Chiconi, sur la côte ouest, Antoine Mohamadi, un autre agriculteur, leur a même cédé deux pieds de papaye, qui se sont effondrés pendant le cyclone. "On en voit de moins en moins. Quand ils ne meurent pas de faim, ils se font écraser par les voitures", déplore l’agriculteur.
"Des centaines d’animaux sont déjà morts sur les routes", confirme Emilien Dautrey.
Nature "résiliente
Selon Estelle Body, chargée de mission aménagement et diversité de l’Office national des forêts, le cyclone a en effet eu "un impact considérable sur la faune et la flore". "Il n’y a quasiment plus d’animaux dans les forêts, ils se cachent, on ne les voit quasiment pas."
Les makis et les roussettes –de grandes chauve-souris rousses– se font de plus en plus rares. Oiseaux, araignées et abeilles aussi. "Les nids ont disparu et les abeilles ne trouvent plus de sucre dans les fleurs", poursuit Estelle Body.
Selon Michel Charpentier, président de l’association Les naturalistes de Mayotte, "les zones forestières naturelles, qu’on appelle la forêt primaire, représentent 5% de la surface de l’île, mais concentrent l’essentiel de la biodiversité de Mayotte. Et ces espaces naturels ont beaucoup souffert pendant le cyclone".
Les dortoirs des roussettes, sur les arbres en hauteur, ont ainsi quasiment disparu. "On ne sait pas trop ce que sont devenus ces chauves-souris", souligne Michel Charpentier. Selon lui, il est possible que ces animaux se soient réfugiés à Anjouan, dans l'archipel des Comores voisines, à 70 km de Mayotte.
"La nature est résiliente, insiste Amélie Fauché, de la fédération Nature Mayotte Environnement. On voit déjà les arbres refaire des feuilles. C’est touchant de voir à quel point la population s’inquiète. Mais les makis peuvent aussi manger des feuilles, les associations préconisent d’ailleurs de ne pas trop leur venir en aide."
Cela risque en effet d'induire une dépendance vis-à-vis des humains chez des animaux sauvages qui peuvent, par ailleurs, transmettre des maladies.
Pour M. Charpentier, "ces espèces vont enregistrer une chute, mais elles ne sont pas condamnées". L’enjeu est toutefois de rester attentif à la renaissance de leur habitat. "Il ne faut surtout pas que la forêt dévastée soit envahie par l’agriculture informelle et que les arbres soient remplacés par des bananiers et des plantations de manioc."
D’autant que l’habitat de ces animaux a été encore un peu plus fragilisé ces derniers jours. Pendant plus d’une semaine, des feux de forêts ont ravagé plus de 120 hectares dans le nord et le centre de Grande-Terre. "A l'échelle de Mayotte, c’est énorme, souligne Michel Charpentier. Chido et (la tempête tropicale de janvier) Dikeledi avaient déjà ravagé une partie de la forêt. Mais avec ces feux, la situation devient très inquiétante."
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