A Marseille rue d'Aubagne, forte attente de justice à l'hommage aux morts des effondrements
L'hommage aux huit morts des effondrements de la rue d'Aubagne avait une tonalité particulière mardi à Marseille, à deux jours de l'ouverture du procès de ce drame du logement indigne, avec une émotion intacte...
L'hommage aux huit morts des effondrements de la rue d'Aubagne avait une tonalité particulière mardi à Marseille, à deux jours de l'ouverture du procès de ce drame du logement indigne, avec une émotion intacte et une attente de justice très forte.
A 09h07, l'heure des effondrements, ce lundi 5 novembre 2018, les cloches de l'église la plus proche commencent à sonner doucement, alors que des centaines d'habitants sont présents, certains portant des torches. La mère de Julien Lalonde, une des victimes, se cramponne au portrait de son fils, celle de Simona dévoile le sourire radieux de sa fille. Leurs deux enfants avaient 30 ans.
Le silence devant la "dent creuse", l'espace laissé vide par les effondrement des numéros 65 et 63, est déchiré par les longues lamentations en arabe de la mère de Chérif Zemar, une autre victime. Recroquevillée dans son fauteuil roulant, elle est venue spécialement d'Algérie pour le procès.
Les débats s'ouvriront jeudi avec 16 prévenus, des copropriétaires, un expert, un syndic, mais aussi un ancien adjoint de Jean-Claude Gaudin, le maire LR de l'époque.
"C'est toujours très difficile pour nous d'être ici, mais à chaque fois qu'on vient, on se sent accueillis, accompagnés par chacun d'entre vous", a confié en italien Maria Carpignano, la mère de Simona.
"Nous attendons ce procès avec plein d'espoir. Nous savons que ce ne sera pas simple, mais nous sommes très confiants dans la justice", afin qu'"à l'avenir il n'y ait plus jamais" un tel drame.
Prenant le relais au micro, Liliana Lalonde, la mère de Julien, a insisté: pour elle, le procès doit être celui de la dignité et du respect du droit des personnes.
J'ai eu mal à ma ville
"S'il vous plaît, les autorités, s'il vous plaît, les syndics, les propriétaires, s'il vous plaît, mettez vos mains dans vos cœurs et réfléchissez quand vous allez louer quelque chose. Ne pensez pas uniquement à l'argent, pensez à veiller sur les autres", a-t-elle plaidé.
Pour elle il y a les huit morts, bien sûr, mais aussi d'autres victimes, toutes celles qui ont dû quitter leurs logements face aux nombreuses évacuations d'immeubles dégradés qui ont suivi, et celles qui encore aujourd'hui vivent dans un logement insalubre, dans une ville qui compte environ 40.000 taudis.
Dans la foule, en retrait, le maire divers gauche de Marseille, Benoît Payan. Sa majorité municipale avait remporté les élections deux ans après cette catastrophe qui a profondément entaché la fin du règne de Gaudin, accusé d'inaction face au fléau qui ronge la deuxième ville de France.
"L'habitat indigne à Marseille, c'est un combat qui va durer, je pense encore quelques années", reconnaît Linda Larbi, cousine de Chérif Zemar.
Le Collectif du 5 novembre, très mobilisé à l'approche du procès, a proposé aux Marseillais présents d'écrire un message à destination des familles ou des pouvoirs publics.
Ces petits mots ont commencé à être affichés place du 5 novembre, au milieu de cette rue d'Aubagne où de nombreux immeubles ont été définitivement évacués, cassant l'ambiance d'une artère autrefois très vivante.
"Vous saviez. Arrivez-vous à oublier ? Qu'avez-vous fait depuis ?", interpelle ainsi Mathieu, 58 ans.
Thibaut, 41 ans, souhaite surtout "que nos représentants, élus, notables ne soient plus des marchands de sommeil", en référence notamment à cet ex-élu qui était un des copropriétaires du 65 de la rue.
"J'ai eu mal à ma ville donc, ni oubli, ni pardon", glisse une autre.
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