À la recherche du modèle perdu…
Les visioconférences, Live Facebook en passant par les groupes WhatsApp et autres applications collaboratives virtuelles ont rythmé la vie des réseaux d’entreprises et divers clubs business pendant le confinement. Ces outils digitaux et numériques se sont imposés comme les seuls moyens pour continuer à tisser du lien et faire véhiculer les informations jugées nécessaires à la survie et à l’adaptation de leurs membres. Depuis le début du déconfinement et avec le retour progressif d’une reprise d’activité, les réunions en présentiel, les rencontres conviviales voire même des petits déjeuners répondant, soi-disant, aux gestes barrières et aux normes sanitaires en vigueur, avec l’espoir que tout redevienne comme avant, reprennent de façon sporadique. Reste à savoir jusqu’à quand ? Sous couvert d’un nécessaire besoin de se retrouver physiquement, la galaxie des réseaux et clubs tente avec peine de se réinventer. Une remise en question de leur mode de fonctionnement apparaît quasi nécessaire voire vitale pour leur survie dans l’écosystème entrepreneurial. Un changement de logiciel indispensable, reste à trouver les bonnes connexions. Attention au bug… et au virus !
«Nous tentons de relancer la vie des réseaux et réorganisons un petit déjeuner en respectant les gestes barrières. Il nous faut continuer à avancer.» L’invitation lancée mi-septembre par un responsable de groupe d’un réseau business to business de la place nancéienne démontre à elle seule l’expectative, le doute, mais aussi la volonté de tenter de reconstruire un modèle chamboulé dans ses fondamentaux par un virus dévastateur apparu il y a à peine quelques mois. Un modèle de proximité, de rencontres, d’échanges, jugé nécessaire voire tout simplement vital pour bon nombre (surtout les structures étant de véritables sociétés commerciales). «Il nous faut tout mettre en œuvre pour tenter de remettre en route nos soirées d’échanges et de rencontres sur un mode différent, car les chefs d’entreprise ont besoin de se retrouver surtout en cette période où personne ne sait réellement où elle va. Rompre l’isolement prend tout son sens aujourd’hui», affirme un président de confédération patronale. «Les conséquences socio-psychologiques de la Covid et les répercussions sur le moral des entrepreneurs sont bien présentes. Se retrouver physiquement est nécessaire. Plusieurs épisodes dans la sphère entrepreneuriale de ces dernières semaines le confirment.»
Interaction à renforcer
Le discours est compréhensible et louable mais est-il réellement adapté dans la période actuelle ? Dire aujourd’hui qu’une seconde vague, un rebond, une nouvelle crise sanitaire (chacun l’appelle comme il veut) est inévitable, n’est pas un leurre hormis pour celles et ceux affichant leur déni face à une situation de santé publique historique. Les chiffres de la propagation du virus sont chaque jour plus éloquents. «La sphère entrepreneuriale, comme tous les acteurs et composants de la société, est en train d’évoluer dans un climat inédit. C’est paradoxal, car dans la situation actuelle où nous sommes avec la crise sanitaire et économique qui en découle, il apparaît impératif d’être réellement en interaction. Délicat quand l’isolement physique, la distanciation sociale, les gestes barrières sont aujourd’hui le seul réel rempart face à la propagation du virus. Pourtant cette interaction se doit d’être renforcée et sans doute réinventée», explique un chercheur de l’Université de Lorraine spécialisé dans l’entrepreneuriat. Interaction ! Le mot est lancé et il apparaît s’afficher comme le maître-mot aujourd’hui pour les clubs et réseaux entrepreneuriaux. Quid de sa réelle mise en œuvre ? Au plus fort de la crise sanitaire à la fin mars et les semaines suivantes, jusqu’au déconfinement, la plupart des réseaux et clubs de la région (ils sont estimés à plus de 200 pour le seul département de Meurthe-et-Moselle) ont tenté de garder le lien lors des discussions informelles autour d’un repas, les bons conseils business mis en commun à l’occasion d’ateliers ou encore le traditionnel échange de cartes de visite à l’occasion de speed dating professionnel, l’écosystème numérique et digital a pris le relais. «Dès le départ de la crise sanitaire, nous avons décidé d’organiser régulièrement des visioconférences, des ateliers en webinaire. Il fallait à tout prix que le confinement ne provoque pas une absence de contacts entre les adhérents de notre club. Un important travail d’interconnexion et d’entraide s’est opéré. Il fallait maintenir et continuer à développer les affaires et faire circuler les bonnes informations», explique une responsable de réseaux.
Prise de conscience ?
Ces échanges entre écrans interposés se sont additionnés à la mise en place d’une plateforme collaborative visant à l’achat mutualisé de matériels, notamment aux premiers jours du déconfinement ou encore l’organisation de veille commerciale commune afin de tenter de relancer l’activité et de générer du CA. Et maintenant ? Si l’activité des réseaux ne s’est pas arrêtée, elle s’opère différemment avec une adaptabilité rapide et une utilisation (enfin pour certains) à bon escient des outils de la technologie moderne. Tout porte à croire que les modèles d’hier semblent avoir montré leurs limites. Aussi bien sur le fond que sur la forme. Masques, gel hydroalcoolique, distanciation sociale, jauge de participants, prises de collation et restauration réinventées, s’imposent comme du bon sens à l’occasion de ces rendez-vous et rencontres de nouveau physiques. Dans la pratique, le suivi strict des nouveaux protocoles sanitaires est parfois difficile (et humain) sans parler de l’inconscience de certains, voire même de la provocation et du déni face à l’épée de Damoclès que chacun a au-dessus de sa tête aujourd’hui. «Pendant le plus fort de la première vague de la crise sanitaire, il y a eu une prise de conscience d’un réel besoin de soutien, d’accompagnement, d’écoute, de bienveillance. C’est là aujourd’hui que le modèle de réseau doit tendre réellement. Il est impératif de faire jouer les synergies entre les différents réseaux», constatent deux pilotes de réseaux «différents mais non concurrents.» Cette recherche de synergie réelle et non faussée «comme nous avons pu le voir dans un passé proche et qui apparaît toujours de mise chez certains» pourrait aboutir (et ce n’est à espérer) à une «véritable intelligence inter-réseaux.» La gravité de la situation actuelle et les énormes incertitudes à venir sur la poursuite du redémarrage de l’activité semblent faire prendre conscience que la notion de cavalier seul n’est plus de mise, tout comme celle de l’entre-soi qui prévaut encore trop souvent dans l’univers des réseaux et clubs. «L’entre-soi, trop souvent perceptible dans certaines structures, cloisonne. Le réseau se doit d’unir, de s’ouvrir, de s’entraider, de se rapprocher autour des valeurs, de répondre à des thématiques communes et capitaliser sur les expériences. Le but principal du réseau est de rassembler ce qui est épars. Il est fondamental de décloisonner», assurait dans nos colonnes Christophe Schmitt, vice-président de l’Université de Lorraine en charge de l’entrepreneuriat et de l’incubation. La crise de la Covid-19 semble lui donner raison, reste réellement à faire tomber les masques.
Fédé, syndicat sur le pont
Live Facebook, newsletters d’informations quasi quotidiennes, envoi de questionnaires pour comprendre les besoins et connaître le moral des adhérents. Guide pratique pour activer les différents dispositifs étatiques d’accompagnement (chômage partiel, Prêts garanti par l’État, accompagnement dans la mise en place des règles sanitaires avec l’actualisation du Document unique d’évaluation des risques professionnels), union sacrée pour obtenir des ajustements et report de charges ou encore d’impôts locaux ! Au plus fort de la crise sanitaire, les différentes confédérations, fédérations, chambres consulaires et syndicats patronaux ont renforcé leur ADN de défense et de protection des intérêts des chefs d’entreprise. L’occasion pour ces structures de se recentrer sur leurs missions premières en abattant la carte des synergies intelligentes avec des réseaux et clubs de services et d’accompagnement d’entreprises. Chacun a joué et continue à jouer son rôle. Si cela perdure, l’efficacité et la mise en œuvre de solutions ne pourra être qu’optimale.