A l'Assemblée nationale, une rentrée dans le brouillard
Au lendemain du premier tour des législatives dominé par le RN, des dizaines de députés élus, principalement de gauche, ont brièvement retrouvé l'Assemblée lundi, confiant tantôt une envie d'en...
Au lendemain du premier tour des législatives dominé par le RN, des dizaines de députés élus, principalement de gauche, ont brièvement retrouvé l'Assemblée lundi, confiant tantôt une envie d'en découdre, tantôt leur inquiétude pour l'avenir.
Des panneaux estampillés "17e législature" indiquent le chemin aux néo-députés. Un employé passe un dernier coup de serpillère dans le "périmètre sacré" où seuls les députés sont admis, qui borde l'hémicycle. La coiffeuse de l'Assemblée rouvre ses portes... La chambre basse retrouve ses rituels à l'aube d'une mandature qui s'annonce inédite.
Dans la cour d'honneur, deux tentes blanches tout en longueur montrent le chemin vers l'hémicycle.
A l'intérieur, les députés peuvent récupérer l'attirail du parfait élu : l'écharpe tricolore, la cocarde pour leur véhicule, le "baromètre", insigne porté dans des cérémonies publiques, et un règlement de l'Assemblée.
A 14H00 pile, les deux lourdes portes cochères s'ouvrent lentement. Aurélien Saintoul (LFI), réélu quelques heures plus tôt dans les Hauts-de-Seine, passe le seuil. "Je vais commencer l'administratif", souffle le député, cravate rouge au cou et costume bleu sur les épaules.
Derrière lui arrive d'un pas décidé son voisin de département Pierre Cazeneuve, l'un des deux macronistes élus au premier tour.
"Honoré" mais inquiet, il appelle les électeurs à se "mobiliser" : "si le Front national a la majorité absolue dimanche ce sera la ruine de notre économie, la capitulation de nos valeurs républicaines, et la soumission aux puissances étrangères".
Sentiment mitigé
Si les quelque 39 députés d'extrême droite n'ont pas prévu d'arrivée en fanfare lundi, - le cadre RN Sébastien Chenu est entré sans s'exprimer devant la presse -, une bonne partie des 32 vainqueurs à gauche sont sur place.
"C'est une façon de dire aux Françaises et aux Français : +gardez espoir, il y a de très nombreux parlementaires du Nouveau Front populaire qui ont déjà été élus+", explique le Premier secrétaire du PS Olivier Faure, vainqueur tranquille en Seine-et-Marne qui prend le temps de mimer une garde de boxeur face aux photographes.
Mais les nuages et le ciel gris-noir reflètent les craintes de certains arrivants et le patron du PS a lui-même un "sentiment mitigé", face au projections donnant plus de 200 députés au Rassemblement national : "c'est toujours impressionnant de voir que l'extrême droite occupe un tel espace dans l'hémicycle. Je redoute ce moment".
"J'y vais en responsabilité mais j'y vais vraiment avec quelque chose de lourd", confie à l'AFP l'écologiste Sandrine Rousseau, "très inquiète" d'une démocratie "gagnée par une forme de trumpisation".
Clémentine Autain (Seine-Saint-Denis) dit sa "fierté de représenter un territoire populaire".
"Et en même temps cette joie totalement ternie par le résultat", reconnaît-elle.
Pas de boule de cristal
Fort d'une vingtaine de députés réélus, les Insoumis ont eux fait "pack", se réunissant près de l'Assemblée pour y entrer ensemble vers 15H30 derrière leur cheffe de file Mathilde Panot.
"On est tous et toutes au combat", a insisté l'élue du Val-de-Marne fustigeant les partisans du "ni RN, ni LFI" : "l'histoire retiendra que certains seraient plus choqués par Jean-Luc Mélenchon, nos voix fortes et notre ton que de l'extrême droite au pouvoir".
Assis dans un canapé, Philippe Juvin ne verra aucun camarade du groupe Les Républicains l'y rejoindre lundi. Certes Christelle D'Intorni qui siégeait avec lui a été réélue dans les Alpes-Maritimes, mais dans le cadre de l'accord entre Eric Ciotti et le RN. "Je suis triste pour mon parti qui a subi une défaite. Il faut qu’on en tire les conséquences", juge-t-il, même s'il espère "25 à 50" députés LR lundi prochain.
Reste que le médecin anesthésiste-réanimateur est circonspect sur l'avenir proche de l'Assemblée nationale, identifiant deux chemins. Soit "le RN a une majorité absolue, gouverne, ça s'appelle la démocratie parlementaire, et puis on voit ce qui arrive, bonne chance à eux", soit "il n'y a pas de majorité et dans ce cas on entre dans quelque chose que personne n'a jamais connu".
L'Assemblée sera-t-elle ingouvernable ? Le RN voudra-t-il accéder aux responsabilités sans majorité absolue ? "Je n'ai pas de boule de cristal, je ne sais pas", reconnaît le député, qui imagine en tout cas LR rester "dans l'opposition".
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