A Hagondange, la sidérurgie en berne, le RN en dynamique

C'est une usine sidérurgique emblématique, qui vit peut-être ses dernières heures: sur le site d'Ascométal à Hagondange (Moselle), en redressement judiciaire, les salariés déplorent les "fausses promesses" de maintien de l'industrie...

L'usine Ascométal d'Hagondange (Moselle), le 28 mai 2014 © Jean-Christophe VERHAEGEN
L'usine Ascométal d'Hagondange (Moselle), le 28 mai 2014 © Jean-Christophe VERHAEGEN

C'est une usine sidérurgique emblématique, qui vit peut-être ses dernières heures: sur le site d'Ascométal à Hagondange (Moselle), en redressement judiciaire, les salariés déplorent les "fausses promesses" de maintien de l'industrie, et pourraient exprimer leur "ras-le-bol" aux législatives.

"Je suis cuit". Il est 18H quand Olivier Andret termine sa journée de travail à l'aciérie et passe le relai à l'équipe de nuit. Ces derniers mois, dans un contexte d'incertitude sur l'avenir de l'entreprise, les départs se sont multipliés, il a fallu réorganiser les plannings: fini les "trois-huit", il n'y a plus que deux équipes, qui travaillent douze heures par jour.

"C'est compliqué, ça tape sur les organismes", témoigne cet ouvrier de 55 ans, "l'un des plus vieux" du service. "Si on fait ça jusqu'à la fin de l'année, je pense qu'on va tuer les bonshommes".

Au-delà de la fatigue physique, le flou qui entoure son activité l'inquiète. "J'ai du mal à dormir. Quand vous ne savez pas ce qui peut arriver du jour au lendemain, psychologiquement c'est dur. Il faut essayer de ne pas ramener ces pensées à la maison, mais on le fait quand même. Dans la tête ça travaille."

Dimanche, il sait qu'il ira voter. Il préfère ne pas dire à qui ira sa voix, mais précise quand même que ce ne sera pas pour le gouvernement et sa majorité. "Ils ont été trop menteurs, ils racontent trop de salades aux gens. Sur 50 personnes, vous en avez bien 45 ou 49 qui vous diront la même chose".

- Occasion manquée 

Sur ce site où travaillent 600 personnes, les discours tenus depuis la crise du covid-19 sur l'importance de produire en France et de ne pas fermer les usines n'ont pas été oubliés.

Alors les salariés ne comprennent pas les tergiversations de l'Etat: un industriel italien s'était positionné, il y a plusieurs mois, pour racheter le site, à la condition qu'il soit désamianté, un chantier à 15 millions d'euros. 

Mais Bercy n'a pas souhaité débloquer les fonds et le repreneur a fini par retirer son offre - le chaos politique post-dissolution achevant de le dissuader. C'est à ce moment-là que le ministère s'est dit prêt à payer... trop tard. Le tribunal se prononcera vendredi sur les deux autres offres de reprise, critiquées par les syndicats et beaucoup plus gourmandes en argent public.

"L'Etat a manqué une belle occasion de tenir une promesse", déplore Marie, 37 ans, employée comme manutentionnaire par un sous-traitant. "Ils nous font croire à de belles choses, et au moment d'agir il n'y a plus personne".

Si elle ne dévoile pas son nom de famille, elle ne cache pas son intention de voter pour le Rassemblement national. "(Jordan) Bardella donne l'impression d'avoir plus de considération pour les Français", estime-t-elle. "Si le RN gagne, j'espère qu'ils changeront vraiment les choses".

Alors que l'extrême-droite revient souvent dans la bouche des salariés, le Nouveau front populaire a également ses partisans, convaincus par ses mesures sociales.

"Pour moi c'est l'âge de départ en retraite qui importe", témoigne Michel, 56 ans. "Vous voyez bien les conditions. Pour les gens en fin de carrière, on dit qu'il y a du boulot, ce n'est pas toujours le cas. Et dans l'industrie, c'est des postes physiques, c'est pas de tout repos".

-"Plus besoin d'acier"-

De son côté, la maire d'Hagondange, Valérie Romilly (centre-droit), apporte un soutien modéré au candidat macroniste sortant, tout en fustigeant la gestion du dossier Ascométal par le ministère. 

"On nous dit qu'on fait tout pour réindustrialiser et on laisse tomber un bastion de la sidérurgie. On n'a peut être plus besoin d'acier en France", ironise-t-elle.

A quelques jours du scrutin, elle s'inquiète pour sa circonscription, qui, depuis 1988, a toujours voté à l'image du pays, élisant un député de la majorité.

"Ces élections, je ne les sens pas bien", confie-t-elle. "Pour de mauvaises raisons, à cause d'un contexte de colère, je crains que ça ne bascule à l'extrême-droite". Dans cette première circonscription de la Moselle, l'élection d'un député RN serait une première.

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