À Calais, l’augmentation du versement transports fait l’unanimité... contre elle

Les entrepreneurs du secteur se sont réunis pour envoyer une lettre ouverte à la présidente de Cap Calaisis et au président du SITAC.
Les entrepreneurs du secteur se sont réunis pour envoyer une lettre ouverte à la présidente de Cap Calaisis et au président du SITAC.
D.R.

Les entrepreneurs du secteur se sont réunis pour envoyer une lettre ouverte à la présidente de Cap Calaisis et au président du SITAC.

Le projet du SITAC de transport en commun en site propre (TCSP, qui consiste à réserver des voies de circulation aux transports en commun) ne fait pas l’unanimité auprès des entreprises, c’est le moins qu’on puisse dire. Le 8 avril se tenait le dernier jour de consultation publique concernant le PDU (plan de déplacement urbain). Les acteurs économiques du territoire ont sauté sur l’occasion pour adresser une lettre ouverte à la communauté d’agglomération Cap Calaisis pour exprimer leur colère face à la hausse du versement transport (VT) occasionnée par ce projet. Ce serait un taux à 2% que paieraient les entreprises du territoire, soit le taux maximum autorisé, pour “épargner les ménages” argumente Natacha Bouchart, présidente de Cap Calaisis. La condition sine qua non pour atteindre un tel taux : organiser un transport en commun en site propre… “Les bénéfices de certaines entreprises artisanales s’élèvent à 1 à 2% de leur chiffre d’affaires”, souligne Marie-José Orloff, dirigeante d’une entreprise dans le secteur des travaux publics qui devrait payer 5 600 € de versement transport. “Une taxe à 2% revient à priver certains entrepreneurs de leur salaire.” La dirigeante ne voit que deux solutions : ne pas embaucher davantage, ou aller ailleurs que dans le Calaisis pour le faire : en effet, seules les entreprises de plus de neuf salariés sont assujetties à ce fameux versement transport. Un effet de seuil assez lourd, qui pourrait avoir de sérieuses répercussions sur l’emploi à Calais..

Pour quoi faire ? Pour JeanFrançois Didier, président du Medef Côte d’Opale, il est clair que ce versement transport servira à équilibrer les comptes du SITAC. “L’augmentation du versement transport ne sert qu’à l’investissement et non à combler un déficit”, pouvait-on entendre lors du dernier conseil communautaire de Cap Calaisis. “Faux” répondent les acteurs économiques dans leur lettre ouverte. Ainsi, 14,3 millions d’euros de versement transport étaient inscrits dans le budget primitif de la SITAC, dont 5,3 millions d’euros perçus par l’augmentation du VT ; 3,5 millions ont été affectés au transport collectif en site propre. Restent 2,1 millions d’euros, qui ne sont pas fléchés. Et les entrepreneurs de relever une déclaration du président de la SITAC,  Philippe Mignonet, lors de la réunion du bureau le 3 février 2015 : “Même si nous ne relevons aucun défaut de paiement des cotisations […], le montant total collecté ne serait pas suffisant pour couvrir le déficit.” D’autre part, le réseau de transport en commun a été un argument pour faire en sorte que des communes rejoignent la communauté d’agglomération calaisienne. Ainsi, Fréthun, HamesBoucres, Nielle-les-Calais et Les Attaques rejoindront prochainement la Communauté d’agglomération. Commentaire de la lettre ouverte aux élus : “Étonnant que cette mutation ne soit pas abordée dans le projet, au risque de rendre [le plan de déplacement urbain] obsolète dès 2017 !”

Le projet. Le projet en luimême divise, lui aussi : si l’accessibilité aux transports en commun ou le déplacement de la gare de bus depuis le théâtre vers la gare de Calais peuvent être de “bonnes choses” selon les auteurs de la lettre ouverte, elle peuvent tout à fait être indépendantes du TCSP. Mais le versement transport fait encore débat. “La plupart de nos employés n’empruntent pas les transports en commun, dont les horaires ne sont absolument pas adaptés à la vie des entreprises, lance Patrick Gheerardyn, délégué général du Quai des entreprises. De plus, le fonctionnement en site propre est censé améliorer le trafic des bus. On n’est pas encore à Nice ou à Marseille, la circulation en ville est plutôt fluide…” Les entrepreneurs se questionnent : pourquoi n’ont-ils pas été concertés ? “Nous aurions pu coopérer dans la mise en place d’un logiciel de covoiturage, par exemple, argumente Patrick Gheerardyn. Nous aurions fait d’une pierre deux coups avec le plan de déplacement entreprises, qui, de toute façon, est obligatoire pour les plus gros employeurs. Plutôt que de mettre des bus partout, des zones de covoiturage, moins coûteuses, auraient pu voir le jour aux principaux nœuds de circulation…”

Majest’in. De plus, la Majest’in pose un bon nombre de questions : la navette fluviale ne fait pas recette, et plusieurs soirées ont été organisées à bord depuis sa mise en service. Ce qui provoque l’interrogation suivante : pourquoi les entreprises paieraient un versement transport pour un espace essentiellement festif et touristique ?

Arguments… comptables ? Les représentants des organisations patronales et du monde économique sont tout de même accusés par Natacha Bouchart d’avoir une approche uniquement comptable de la situation. L’effet de seuil est tout de même un argument de poids dans un territoire comme le Calaisis, qui comptait en 2014 un taux de chômage de 15,8% (source : Insee), et ce, même si l’intégralité du projet ne repose pas sur les épaules des entreprises et qu’une partie est financée par la Ville et par Cap Calaisis… L’attractivité du territoire en subirait les conséquences, les entreprises de moins de neuf salariés menaçant de partir du territoire pour dépasser ce seuil. “Sur un peu moins de 1 700 entreprises, 619 paieraient ce versement transport, soit 20% des employeurs”, annonce Patrick Gheerardyn. Seulement 6% des entreprises, toutefois, si l’on compte les entreprises qui ne comptent aucun salarié, mode de calcul préféré lors du conseil communautaire du 30 mars. Mais les 619 entreprises assujetties au versement transport emploient 80% de la masse salariale calaisienne. Un calcul purement comptable, mais qui a un poids indéniable, certaines entreprises ayant d’ores et déjà prévu de revoir leur localisation vers des communes où le courant passe mieux entre les élus et le milieu économique, comme “Dunkerque ou Boulogne-sur-Mer par exemple”…