Concertation territoriale sur l’Intelligence Artificielle
«88% des collectivités mènent des projets liés à l’IA, mais sous quel cadre réglementaire ?»
La Communauté d’Agglomération Béthune-Bruay, Artois Lys Romane accueillait il y a quelques jours une concertation territoriale dédiée à l’intelligence artificielle (IA). Un événement qui a réuni des élus, experts et techniciens issus des 19 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du Pas-de-Calais, avec un objectif : explorer l’impact de l’IA sur les collectivités et leurs habitants.


Cette rencontre s’inscrit dans un cadre plus large, puisqu’elle contribuera à nourrir le manifeste national des Interconnectés, un document clé pour orienter l’usage et la régulation de l’IA au sein des territoires.
Une révolution à encadrer
L’intelligence artificielle s’immisce progressivement dans nos quotidiens, transformant aussi bien les pratiques des élus que celles des agents publics et des citoyens. Mais comment appréhender cette révolution technologique ? Comment en exploiter les opportunités tout en garantissant une utilisation éthique et maîtrisée ? Telles sont les interrogations qui ont guidé la concertation. Parmi les thèmes abordés : l’intégration de l’IA dans les politiques publiques locales ; son impact sur les métiers de la fonction publique territoriale et la gestion interne des collectivités ; la nécessité d’une gouvernance responsable et d’une protection efficace des données personnelles.
En ouverture des débats, Olivier Gacquerre, président de la CABBALR et vice-président d’Intercommunalités de France en charge de l’IA, a insisté sur la nécessité de définir un cadre clair pour son utilisation. «L’intelligence artificielle est déjà là, dans nos usages quotidiens. Mais la question essentielle est celle des règles à établir et de l’éthique à respecter. L’enjeu pour les collectivités est donc double : identifier les outils les plus pertinents pour améliorer la gestion publique et anticiper les transformations qu’ils induisent. Aujourd’hui, 88 % des collectivités mènent des projets liés à l’intelligence artificielle, mais sous quel cadre réglementaire ?» Au sein de la CABBALR, l’expérimentation de ces nouveaux outils s’oriente notamment sur la gestion des déchets et de l’eau, avec une volonté de maîtriser leur impact avant une adoption à grande échelle.
Au-delà des applications pratiques, Olivier Gacquerre a souligné une autre dimension cruciale à ses yeux : l’impact de l’IA sur la démocratie. Et selon lui, «il est urgent de mettre en place des réglementations adaptées pour accompagner ce changement de paradigme».

Des défis sociaux et environnementaux
Sylvain Dorschner, fondateur de Public IA et consultant auprès de collectivités, a quant à lui rappelé à quel point l’intelligence artificielle a déjà transformé notre quotidien, sans pour autant que nous en ayons conscience. «Cela fait près de vingt ans que nous utilisons l’intelligence artificielle sans même y prêter attention. Des applications comme Waze en sont de parfaits exemples. Mais tout a basculé avec l’arrivée de ChatGPT, le 30 novembre 2022, une application qui a battu tous les records avec 100 millions de téléchargements en un mois !»
Si cette révolution n’aurait pas été possible sans les progrès réalisés sur les cartes graphiques, qui ont permis aux intelligences artificielles d’atteindre un niveau de performance inédit, l’expert souligne qu’elle soulève des défis énergétiques considérables : «D’ici 2027, l’IA pourrait consommer autant d’énergie qu’un pays comme l’Argentine !» Sylvain Dorschner a par ailleurs souligné l’importance de construire une IA de confiance, notamment en matière de souveraineté des données, d’équité dans les décisions et de transparence des algorithmes.
Des usages concrets pour les collectivités
Au-delà des réflexions théoriques, cette concertation a aussi été l’occasion pour des élus et techniciens d’échanger sur leurs expériences de terrain. Amel Gacquerre, sénatrice du Pas-de-Calais et rapporteure de l’étude ‘‘IA, territoires et proximité’’, a ainsi mis en avant l’impact grandissant de l’intelligence artificielle sur notre quotidien : «L’IA transforme en profondeur nos modes de vie et de travail, touchant tous les secteurs d’activité. Nous en sommes qu’aux balbutiements, mais il ne faut jamais perdre de vue que cette technologie doit avant tout rester au service de l’humain» a-t-elle précisé. «De la gestion des services publics à l’optimisation des infrastructures, en passant par la relation aux usagers, les collectivités doivent s’approprier ces outils tout en veillant à ne pas en perdre le contrôle».
Loin d’être une simple tendance, l’intelligence artificielle s’impose ainsi comme un enjeu stratégique pour les territoires. Mais comme l’ont rappelé les intervenants de la concertation béthunoise, son intégration dans les politiques publiques nécessite une approche équilibrée, alliant pragmatisme et vigilance. À suivre…
Créée en 2009, les Interconnectés est la première association française de collectivités dédiée aux enjeux numériques. Elle définit ainsi ses missions : porter la voix des territoires, accompagner la montée en compétences des équipes et faciliter la mise en œuvre sur le terrain d’un numérique social, sobre et éthique.
L’association dévoilera son manifeste nationale lors du forum qui se déroulera à Rennes les 10 et 11 mars.