8-Mars : le code civil, "socle solide" de l'égalité femmes-hommes
Il a été récemment au cœur d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur le "devoir conjugal". Depuis sa conception en 1804, le code civil français a été profondément retouché et constitue aujourd'hui un "socle solide"...

Il a été récemment au cœur d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur le "devoir conjugal". Depuis sa conception en 1804, le code civil français a été profondément retouché et constitue aujourd'hui un "socle solide" de l'égalité femmes-hommes, estime la sociologue Irène Théry.
Depuis les années 1960, "beaucoup a été fait" pour gommer les biais de la version initiale, souligne la chercheuse spécialisée dans la sociologie du droit, de la famille et de la vie privée, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars.
Question : Que prévoyait le code civil de 1804 ?
Réponse : "Le code Napoléon instaure un ordre matrimonial de la famille et de la sexualité commun à tous. La sexualité valorisée, c'est la sexualité dans le mariage. Mais avec un principe de hiérarchie des sexes et une double morale pour les hommes et pour les femmes : on considère que la sexualité masculine est +par nature+ une sexualité de conquête, un signe de virilité qui a ses exigences, et ne peut pas se résumer à la bienséance matrimoniale. A l'inverse, les femmes, si elles ne veulent pas être classées du côté des +filles perdues+ et des prostituées, doivent arriver vierges au mariage, et leur infidélité est beaucoup plus sévèrement punie que celle des hommes.
Le mariage étant fait pour donner un père aux enfants que les femmes mettent au monde, il y a un +devoir conjugal+, même s'il n'est pas nommé. On peut même dire que le droit institue en réalité un +consentement statutaire de la femme mariée+. Dès lors qu'une femme est mariée, on ne va pas se demander si tel jour, à telle heure, elle voulait ou ne voulait pas. Statutairement, la +communauté de toit et de lit+ implique qu'elle consent. On ne se pose pas la question pour l'homme, non seulement parce qu'il est supposé avoir toujours envie mais parce que c'est lui le titulaire de la puissance maritale, et que l'épouse lui doit +obéissance+.
Il a fallu attendre le temps du +démariage+ - le mariage cesse d'être une obligation sociale impérative, et se marier ou non devient une question de conscience personnelle - pour qu'un arrêt de la Cour de cassation institue la possibilité du viol conjugal, en 1990.
Question : Quels autres changements se sont produits?
Réponse : Les années 60-70 marquent le début de l'émergence d'un autre régime d'organisation de la famille et de la civilité sexuelle, fondé sur les valeurs nouvelles d'autonomie personnelle, d'égalité des sexes et de droits de l'enfant.
Les femmes avaient gagné l'égalité des droits politiques en 1945, elles gagnent peu à peu l'égalité des droits dans la famille. L'ancienne puissance paternelle devient l'autorité parentale, exercée en commun par les deux époux. On institue en 1975 un divorce par consentement mutuel.
Mais tout ne change pas en un jour. L'homme ou la femme a continué jusque récemment à pouvoir obtenir un divorce pour faute si son conjoint refusait les rapports sexuels. Un nouveau pas est franchi avec la Cour européenne des droits de l'homme qui a estimé en janvier dernier qu'une telle idée de la "faute" revenait de fait à autoriser le viol entre époux.
Question : Qu'est ce qu'il reste encore à faire?
Réponse : Beaucoup a été fait. Aujourd'hui, le Code civil refuse toute hiérarchie des sexes et repose sur un socle solide d'égalité - en droit - entre les femmes et les hommes.
Il y a encore des changements à faire, en matière de filiation. Ou encore pour la vieillesse : les veuves et veufs non mariés n'ont aucun droit, même après trois enfants et 40 ans de vie commune ! Les acquis obtenus par les femmes et les personnes LGBT+ sont impressionnants mais ils sont encore fragiles, comme on le voit sur l'IVG, où une contre-révolution menée par des courants masculinistes décomplexés vient relayer désormais les classiques mouvements religieux traditionalistes. Avec ce qui se passe aux Etats-Unis, on peut s'inquiéter de la vitesse avec laquelle la haine de certaines minorités sexuelles, comme les personnes trans, se répand aussi chez nous".
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