18 mois pour se mettre en conformité
Le décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012 redéfinit les conditions que doivent remplir les régimes de retraite supplémentaire ou de prévoyance pour bénéficier de l’exonération de charges sociales patronales. Les entreprises disposent d’un délai pour adapter leurs systèmes de protection sociale aux règles nouvelles. Explications.
Le f inancement patronal des régimes de retraite supplémentaire ou de prévoyance n’est exclu de l’assiette des cotisations de sécurité sociale que dans certaines limites et sous certaines conditions. Les régimes doivent notamment être collectifs (ils doivent concerner l’ensemble du personnel ou une catégorie objective) et obligatoires (l’ensemble des salariés entrant dans leur champ d’application sont tenus d’adhérer au régime et de payer la cotisation salariale). L’administration avait largement commenté ces conditions d’exonération par voie de circulaires (notamment la circulaire DSS n° 2009-32 du 30 janvier 2009).
Plusieurs contentieux ont conduit les tribunaux à valider des pratiques non admises par l’administration et par les Urssaf, considérant que ces circulaires n’avaient aucun caractère obligatoire et ne s’imposaient donc pas aux juges. C’est ce qui a incité le législateur à prévoir, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, que la définition du caractère collectif serait dorénavant fixée par décret. Après plus d’un an d’atermoiements quant à son contenu, le décret est enfin paru au Journal officiel du 11 janvier dernier.
Caractère collectif. Dès lors que le régime ne couvre pas l’ensemble du personnel, il doit concerner une catégorie objective. Le décret fixe cinq critères pour définir une catégorie :
– L’appartenance ou non aux catégories de cadres (art. 4 et 4 bis), et des “assi-milés cadres” (art. 36), selon la convention Agirc de 1947.
– Les tranches de rémunération fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite cadre (TA, TB et TC) et non-cadre (T1 et T2).
– L’appartenance aux catégories et classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels.
– Le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d’autonomie dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels.
– L’appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession.
Cette liste est limitative mais rien n’interdit de combiner les critères entre eux.
Le décret institue ensuite des présomptions de conformité au caractère collectif selon les garanties. Il ne suffit donc pas de fixer une catégorie bénéficiaire en fonction de l’un de ces critères, encore faut-il que ce critère soit pertinent en fonction de la garantie concernée.
A titre d’exemples, sont considérées comme couvrant l’ensemble des salariés placés dans une situation identique, les prestations de retraite supplémentaire qui bénéficient aux catégories 1 à 3 énoncées ci-dessus ; les prestations destinées à couvrir les frais de santé ou perte de revenus en cas de maladie qui bénéficient aux catégories 1 et 2, mais sous réserve que l’ensemble des salariés de l’entreprise soient couverts.
Ainsi, une entreprise ne peut plus maintenir un régime frais de santé uniquement réservé aux cadres. Un tel régime catégoriel ne sera admis que si les salariés non cadres sont également bénéficiaires d’une mutuelle, dont les prestations peuvent éventuellement être différentes de celles des cadres.
En dehors des hypothèses de présomption, l’employeur doit rapporter la preuve que la catégorie établie à partir des critères objectifs précités permet de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées.
Cette formulation rappelle le courant jurisprudentiel relatif à l’égalité de traitement. Mais il faut noter que le décret a vocation à sécuriser la situation des employeurs uniquement en cas de contrôle Urssaf et non vis-àvis d’une demande d’un salarié revendiquant une inégalité de traitement devant une juridiction prud’homale.
Enf in, le décret conf irme la possibilité de prévoir une condition d’ancienneté de douze mois pour l’accès aux garanties (six mois pour les régimes de frais de santé).
Caractère obligatoire. L’ensemble des salariés ou ceux appartenant à la catégorie bénéficiaire doivent obligatoirement être affiliés et cotiser si une cotisation salariale est prévue.
Les circulaires administratives avaient admis des dispenses d’adhésion sans que ces dernières remettent en cause les caractères collectif et obligatoire. Le décret reprend ces cas de dispense mais institue une différenciation selon le mode d’instauration du régime. C’est ainsi que certaines dispenses (titulaires de contrat à durée déterminée, salariés à temps très partiel, notamment) ne sont valables que si l’acte fondateur du régime est une convention ou un accord collectif ou encore un accord référendaire. Elles ne sont donc plus admises si le régime a été mis en oeuvre par une décision unilatérale de l’employeur (DUE), ce qui, en pratique, posera de nombreuses difficultés pour sa mise en conformité. Sauf à modifier la nature juridique de l’acte fondateur du régime, les titulaires de CDD devront désormais être obligatoirement affiliés à la mutuelle d’entreprise et payer la cotisation salariale, même s’ils n’en ont aucun besoin.
Période transitoire. Les entreprises ont jusqu’au 31 décembre 2013 pour mettre en conformité leurs régimes de protection sociale qui ne répondent plus aux nouvelles règles issues du décret du 9 janvier 2012.
Il s’agira, notamment, pour elles de redéfinir le champ d’application de la catégorie et de l’élargir éventuellement ; supprimer des dispenses d’adhésion qui ne sont plus admises dans le cadre d’une DUE ; voire, supprimer purement et simplement le régime…
Il convient, lors de cette démarche, de faire coïncider le régime ainsi modifié avec le contrat liant l’entreprise avec l’organisme assureur. Attention donc aux dates d’échéance des contrats et au respect du préavis si l’entreprise devait éventuellement les dénoncer.