Gazettescope
Vous avez dit journée de solidarité ?
Grasse matinée ou lever aux aurores ? C'est la question que se posent de nombreux salariés en regardant, sur leur calendrier, la date du 20 mai, marquant le lundi de Pentecôte, et surtout traditionnelle journée de Solidarité. Cette journée de travail supplémentaire, non rémunérée pour le salarié, destinée au financement de la dépendance, a été initiée en 2004. Pourquoi ? Le salarié est-il obligé de travailler ce jour-là ? Combien rapporte-t-elle à l’État ? C’est l’éclairage de cette semaine de la Gazettescope.
C'est en 2004 que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, à la demande du président de la République, Jacques Chirac, met en place cette journée de travail gratuit et obligatoire pour tous les salariés et les employeurs. Elle est instaurée via la loi du 30 juin 2004. L'objectif est alors de financer des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées, notamment la prévention des risques liés à la canicule. Et pour cause, cette mesure intervient quelques mois après la canicule de 2003, responsable de la mort de près de 15 000 personnes. L'entrée en vigueur de la journée de solidarité est loin de faire l'unanimité pour autant. Le lundi 16 mai 2005, lundi de Pentecôte, est la première journée de solidarité. Du côté des syndicats, plusieurs organisations représentatives s'y montrent défavorables, dénonçant du «travail gratuit» de la part des salariés. En 2011, le Conseil constitutionnel est saisi par le Conseil d'État et par la Cour de cassation suite à deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ils estimaient, en effet, que l'égalité face au paiement de l'impôt n'était pas respectée : ils en tiennent pour preuve le fait que les retraités, les professions indépendantes et les professions libérales ne sont pas soumis à la journée de solidarité. Selon la décision rendue en juillet de la même année, les Sages considèrent, eux, que la journée de solidarité ne va à l'encontre d'aucun principe constitutionnel. Ils déclarent ainsi que «l'instauration d'une journée de solidarité en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.»
N'importe quel jour non-travaillé
Lors de sa création, la date de la journée de solidarité est fixée au lundi de Pentecôte. En 2008, le gouvernement a finalement redonné l'«entière liberté» aux partenaires sociaux au sein de l'entreprise, ou à défaut, au niveau de chaque branche, pour fixer les modalités d'application «les plus adaptées aux besoins de l'entreprise.» Libre à chaque d'entreprise d'effectuer cette journée à une autre date que celle du lundi de Pentecôte. Elle peut donc se tenir n'importe quel jour non-travaillé : soit un samedi, soit un jour férié. Il faut, en effet, faire la différence entre jour férié et jour chômé. Les jours fériés sont des jours qui commémorent des événements. En France, 11 jours fériés sont répertoriés : jour de l'An, lundi de Pâques, fête du travail, Victoire 1945, Ascension, Pentecôte, fête nationale, Assomption, Toussaint, armistice de 1918, jour de Noël (s'ajoutent en Moselle et en Alsace le Vendredi Saint et le 26 décembre). Seul le 1er mai, jour de la fête du travail, est un jour férié obligatoirement chômé, c'est-à-dire au cours duquel les salariés ne travaillent pas. Les employés peuvent donc être amenés à travailler pendant un jour férié (hors 1er mai) sans majoration de salaire. Inversement, si un salarié ne vient pas travailler pendant un jour férié, son employeur n'est pas tenu de le payer.
Intérimaires, alternants, stagiaires ?
Ainsi, si dans une entreprise la journée de solidarité est fixée à un jour férié (comme le lundi de Pentecôte), les employés sont tenus de venir travailler. Ils peuvent néanmoins choisir de poser une RTT (réduction du temps de travail) ou un congé payé lors de cette journée, l'employeur étant libre d'accepter ou non la demande. Ce dernier peut également décider d'«offrir» cette journée à ces employés et la prendre à sa charge. Enfin, cette journée peut prendre plusieurs formes. Elle peut être fractionnée en heures et étalée sur plusieurs jours ou être réalisée au cours d'une journée de 7 heures. Tous les salariés et employeurs sont concernés par cette journée. Toutefois, il existe des exceptions pour certains employés. Les intérimaires et les alternants doivent, au même titre que les autres salariés, effectuer la journée de solidarité. En revanche, les intérimaires sont rémunérés normalement pour les heures de travail effectuées ce jour-là, tandis que les alternants ne le sont pas. Les stagiaires eux, ne sont pas tenus d'effectuer cette journée de solidarité, sauf si cela est expressément mentionné dans la convention de stage. En effet, le stagiaire ne fait pas partie des effectifs de l'entreprise. À ce titre, il n'est pas soumis au droit commun du Code du travail s'appliquant aux salariés. Pour les salariés à temps partiel, la limite de 7 heures est réduite proportionnellement à la durée de travail prévue par leur contrat de travail. Quant aux salariés mineurs, ils ne sont pas concernés par cette journée de solidarité si elle est fixée à un jour férié. Il y a 20 ans était instaurée la journée de solidarité. Elle s'est depuis fondue dans le monde du travail... sans vraiment convaincre, souvent par déficit d'explications, sa traçabilité étant encore mal identifiée.
Combien la journée de solidarité rapporte-t-elle à l'État ?
L'employeur verse 0,3 % de sa masse salariale brute à titre de cotisation à l'Urssaf. Ce montant, qui représente le surcroît de valeur ajoutée produite par le salarié au cours de cette journée de travail supplémentaire, est ensuite reversé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. D'après celle-ci, 2,907 Mds€ ont été récoltés grâce à la journée de solidarité en 2021, dont 2,124 Mds€ au titre de la contribution des salariés versée par les entreprises, auxquels s'ajoutent 783 M€ venant des pensions de retraite diminuées de 0,3 % au titre de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA). En effet, les retraités et préretraités imposables sont aussi concernés par cet effort de solidarité annuel depuis 2013. La CASA est prélevée sur les retraites, les pensions d'invalidité et les allocations de pré-retraites. Toujours selon la CNSA, la CSA a rapporté 37 Mds€ au bénéfice des personnes âgées et des personnes handicapées entre 2004 et 2020. En 2004, le montant de cette contribution s'élevait à 1,95 Md€ tandis qu'en 2022, la CNSA prévoyait de collecter environ 3 Mds€. Quant à la CASA, elle a permis de récolter 5,7 Mds€ depuis sa création en 2013. Cet argent est ensuite majoritairement investi dans le financement des établissements spécialisés comme les maisons de retraite et les instituts pour personnes handicapées, ou dédié à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui permet la prise en charge des personnes âgées. Pour les montants connus les plus récents : la journée de solidarité a rapporté 3,2 Mds€ à l'État l'an passé, contre 2,26 Mds€ en 2022.