"Victimes collatérales": le combat des grands-parents d'un enfant agressé par Le Scouarnec

Leur petit-fils, Mathis, fait partie des quelque 300 victimes agressées sexuellement ou violées par l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec. Il est mort d'une overdose en 2021. Roland et Mauricette Vinet estiment être des "victimes collatérales" et...

Roland et Mauricette Vinet, les grands-parents de Mathis, victime de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, chez eux à Saint-Germain, le 3 février 2025 dans la Vienne © Guillaume SOUVANT
Roland et Mauricette Vinet, les grands-parents de Mathis, victime de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, chez eux à Saint-Germain, le 3 février 2025 dans la Vienne © Guillaume SOUVANT

Leur petit-fils, Mathis, fait partie des quelque 300 victimes agressées sexuellement ou violées par l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec. Il est mort d'une overdose en 2021. Roland et Mauricette Vinet estiment être des "victimes collatérales" et assisteront au procès "pour honorer sa mémoire".

Dans son pavillon de Saint-Germain (Vienne), Roland Vinet tient dans ses mains deux photos: l'une montre un enfant de 10 ans au sourire radieux, l'autre un jeune homme au regard perdu. Quinze ans séparent les deux clichés. Le retraité de 78 ans en est certain: son petit-fils serait en vie s'il n'avait pas croisé le chemin de Joël Le Scouarnec.

L'ancien chirurgien sera jugé à partir du 24 février devant la cour criminelle du Morbihan à Vannes pour les viols ou agressions sexuelles de 299 anciens patients, mineurs pour la plupart au moment des faits.

Le 14 juin 2007, Roland Vinet avait emmené Mathis, pris de vomissements, aux urgences de Quimperlé (Finistère) avec son père.

Le Scouarnec "était posé, agréable au premier contact. Je ne voyais pas un prédateur dans ce personnage. Il a dit que ce n'était pas la peine de rester. Et que s'il y avait un problème, il prendrait contact avec nous. Il nous a mis en confiance", se souvient M. Vinet.

Le garçon âgé à l'époque de 10 ans a été gardé la nuit pour une surveillance.

Que s'est-t-il passé? Il n'en a rien dit lors de sa sortie. Mais selon sa grand-mère, après cet épisode, Mathis se sentait de plus en plus mal. 

"Petit à petit, il a changé. Il prenait sans arrêt des douches. Il est devenu agressif. Je pensais qu'il avait fait une mauvaise rencontre quand il jouait dehors, mais il ne nous parlait pas. On mettait ça sur le compte de l'adolescence", raconte-t-elle à l'AFP.

Cri de haine

Mathis sombre dans l'addiction, alcool puis drogue. En 2018, il apprend après une convocation chez les gendarmes qu'il fait partie des victimes de l'ex-chirurgien. 

Ils lui lisent les contenus le concernant dans le journal intime de Joël Le Scouarnec. Mathis décide alors d'engager une procédure contre lui et se rend chez une avocate, Francesca Satta, à Saintes.

"Elle l'a gardé presque une heure et demie. Voire un peu plus même. Et là quand je l'ai vu ressortir, il était décomposé", se souvient Roland Vinet.

"J'avais devant moi un garçon d'une vingtaine d'années, très meurtri, qui avait beaucoup de mal à accepter la situation. Il s'était remémoré un certain nombre de gestes du chirurgien qu'il avait interprétés, alors enfant, comme des gestes médicaux", indique Me Francesca Satta.

Selon ses grands-parents, son moral et sa santé se sont nettement détériorés au fil des années. Il meurt d'une overdose le 14 avril 2021, à l'âge de 24 ans. Parties civiles, Roland et Mauricette Vinet découvrent à leur tour les horreurs que Mathis a subies. 

Ils seront présents au procès et entendent bien montrer les photos de leur petit-fils à l'accusé. "Je veux le voir et crier la haine que j'ai contre lui pour ce qu'il a fait à Mathis", confesse Mauricette.

Tenter de se reconstruire

Mme Vinet dénonce le fait que l'ex-chirurgien a pu continuer à exercer son activité sans restriction malgré sa première condamnation par le tribunal correctionnel de Vannes à quatre mois de prison avec sursis pour détention d'images pornographiques, dès 2005.

"Il n'aurait jamais dû retravailler! Il ne devrait pas être seul à la barre. Certains professionnels à l'hôpital de Jonzac (Charente-Maritime) savaient mais n'ont rien dit. Pourquoi une telle omerta?", s'interroge Mauricette.

Me Satta dénonce également cette absence de réactions.

"Joël Le Souarnec est passé à travers les mailles du filet durant 30 années. Il a été embauché à l'hôpital de Jonzac alors qu'il a à son dossier une condamnation pour détention d'images pédopornographiques. La direction n'a pas à l'esprit qu'il peut présenter un danger? Elle a besoin d'un chirurgien, elle l'embauche!"

"Dans différents établissements des collègues ont signalé aux directions un comportement tendancieux de Joël Le Scouarnec avec sa patientèle. Personne n'a réagi!", ajoute-t-elle.

Roland et Mauricette Vinet estiment être des victimes collatérales de l'ex-chirurgien.

"Nous sommes suivis par des psychologues. Il ne se passe pas une journée sans que je me dise: +tu as loupé quelque chose. Tu n'as pas su lui poser les bonnes questions au moment où il aurait fallu!+", confesse Roland.

S'ils acceptent de parler, c'est aussi pour "honorer la mémoire de Mathis et tenter de se reconstruire", disent-ils d'une même voix.

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