Vers une offre commune de services auprès des entreprises ?

l’initiative du barreau de Lille, quatre professions du chiffre et du droit se sont réunies le 8 juin dernier pour échanger sur une nouvelle structure juridique interprofessionnelle : la SPFPL. Permettra-t-elle un renouveau du conseil ?

Ouverture de la Convention sur l’interprofessionnalité par le bâtonnier lillois Emmanuel Masson.
Ouverture de la Convention sur l’interprofessionnalité par le bâtonnier lillois Emmanuel Masson.

Ouverture de la Convention sur l’interprofessionnalité par le bâtonnier lillois Emmanuel Masson.

Ouverture de la Convention sur l’interprofessionnalité par le bâtonnier lillois Emmanuel Masson.

Pour préparer cette convention sur l’interprofessionnalité, l’ordre des avocats a convié dans un premier temps les experts-comptables. Finalement, ont été invités in extremis les notaires et les conseillers en propriété industrielle (CPI). “Ces trois professions réglementées sont pour nous des partenaires naturels”, explique Me Denis Lequai, ancien bâtonnier de Lille et organisateur de la Convention. Une véritable gageure pour ces professions libérales qui, habituellement, passent leur temps, au niveau institutionnel, à s’agacer mutuellement. Rien à voir avec le terrain où depuis de nombreuses années, ces différentes professions réglementées travaillent ensemble, entretiennent une interprofessionnalité de réseaux ou de moyens (en partageant l’immobilier, les formations, la communication…) au service du client. Une évolution spectaculaire quand on pense qu’il y a 20 ans, le sujet était tabou.

 Interprofessionnalité de réseaux. Le plus bel exemple en région est certainement l’association Lille Place juridique, créée en 1995 et présidée depuis deux ans par l’ancien bâtonnier lillois Christophe Desurmont : “L’objectif est de faire se rencontrer les différentes professions réglementées de la Métropole, de partager des formations et créer des liens d’affaires.” Une bonne idée qui marche et reflète la réalité des relations d’affaires entre ces professionnels libéraux métropolitains. Citons d’autres initiatives comme le plan régional “Objectif PME”, qui mobilise experts-comptables et notaires pour mieux accompagner les entreprises dans leur développement et transmission. Ou encore les jeunes notaires qui rencontrent régulièrement les jeunes experts-comptables et invitent les jeunes avocats à les rejoindre.

 L’interprofessionnalité risque demain de connaître une avancée supplémentaire. Le 28 mars dernier a été promulguée une loi qui autorise la constitution d’une structure capitalistique équivalant à un holding, la SPFPL, dans laquelle sept professions réglementées peuvent se regrouper dont les avocats, CPI, experts-comptables et notaires (voir encadré). Cet outil devrait accélérer la transmission et la prescription de dossiers entre professionnels. De plus, il permettra de proposer une offre globale aux clients et de faire face ainsi à la concurrence anglaise ou allemande, déjà organisée de cette façon.

 Qu’en pensent les entreprises ? L’interprofessionnalité séduit les entreprises comme témoigne Annick Castelain, directrice générale de l’entreprise familiale La Brasserie Castelain dans le Pas-de-Calais : “C’est intéressant car chaque partenaire a son point de vue, en fonction de son métier et de son historique avec la société. Nous avons sollicité il y a quelque temps, et ce, pour la première fois depuis la création de l’entreprise en 1926, notre expert-comptable et notre notaire pour préparer ensemble la transmission. Cela a généré des solutions plus personnalisées. Et c’était même très stimulant pour eux : chacun cherchait à être aussi bon que l’autre ! Je pense que pour une entreprise, il est intéressant de travailler avec ce binôme pour des questions stratégiques, comme la transmission, la croissance externe ou des achats immobiliers.” Le 8 Juin, Gérard Meauxsoone, PDG des Cafés Méo et président du tribunal de commerce de Lille, se faisait le porte-voix des entreprises : Les PME pourraient être sensibles à des offres de conseil ou de service provenant de SPFPL, surtout si elles sont avantageuses en termes tarifaires. En revanche, les grands groupes ont déjà leur batterie de conseils extérieurs et leurs services internes compétents. Mais les TPE connaissent mal ces services et, souvent, n’ont pas les moyens de les payer.”  

 Cible des SPFPL. Cette loi pourrait moins profiter aux grands cabinets ou études pour qui, de toute façon, cela sera compliqué de s’engager dans un tel projet en termes d’ingénierie financière. Par ailleurs, ils ont déjà un réseau interprofessionnel efficace. En revanche, les jeunes professionnels ou les structures légères en droit des affaires et droit patrimonial ont tout à gagner à se structurer dans une SPFPL. “A condition de partir du besoin des clients et d’avoir une conception partagée des critères de fixation du résultat distribuable” précise toutefois Pierre Berger, ancien bâtonnier des Hauts-de-Seine et membre du CNB.

 D’ici là, Joseph Zorgniotti, ancien président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, annonçait le 8 juin que “le Conseil supérieur des experts-comptables et le CNB travaillent ensemble pour proposer à la rentrée la possibilité de faire des lettres de mission commune dans deux domaines : la fusion acquisition et le corporate finance. Avocats et expertscomptables pourront faire une offre globale à un client, sur un papier à deux entêtes.” A la suite des échanges, un livre blanc avec moult suggestions sur l’interprofessionnalité sera transmis au Conseil national des barreaux (CNB). Livre qui devrait nourrir à terme la grande Convention nationale des avocats de Nantes, du 19 au 22 octobre prochain, et être force de propositions au niveau de la Chancellerie.