Venezuela: échec et fin de la cryptomonnaie Petro
Lancée en 2018, le "Petro", la cryptomonnaie étatique vénézuélienne qui devait permettre de "vaincre le blocus financier américain", va disparaître sur un constat d'échec...
Lancée en 2018, le "Petro", la cryptomonnaie étatique vénézuélienne qui devait permettre de "vaincre le blocus financier américain", va disparaître sur un constat d'échec et un scandale de corruption.
À partir du 15 janvier, "les portefeuilles de cryptomonnaies" seront "clôturés", annonce le portail de la plateforme +Patria+ de l'Etat vénézuélien, qui était la seule interface où le Petro était convertible. Les portefeuilles virtuels seront crédités de leur équivalent en Bolivars, la monnaie nationale vénézuélienne.
Sollicité par l'AFP, le gouvernement n'a pas confirmé sa disparition totale.
Création
Le président Nicolas Maduro avait annoncé sa création en grande pompe fin 2017. Le Petro, une des premières cryptomonnaies étatique, était officiellement adossé aux vastes réserves de pétrole et aux ressources minérales du Venezuela et devait, selon le président, "permettre de nouvelles formes de financement international pour le développement économique et social du pays" alors que le Venezuela était en proie aux sanctions américaines.
Sa valeur avait été initialement fixée à 60 dollars, soit la valeur du baril de brut vénézuélien en 2018. Mais, dès le début des retards dus à des problèmes de blockchain - la technologie qui permet des transactions directes à partir d'un registre décentralisé - ont semé le doute.
"Il n'y a pas de confiance dans le Petro, parce qu'il n'y a pas de confiance dans l'émetteur" (l'Etat vénézuélien), expliquait alors à l'AFP l'économiste Henkel Garcia, directeur du cabinet Albus Data.
Cryptomonnaies
Le pouvoir avait parié sur les cryptomonnaies en raison de l'embargo et de l'inflation mais également car l'usage des crypto-monnaies était élevée dans le pays bien avant la création du Petro.
Les crypto-actifs (Bitcoin notamment) étaient considérés comme un refuge contre l'inflation. Selon une enquête présentée à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement en 2022, 10,3% des Vénézuéliens possèdent des cryptomonnaies, contre 8,3% des Américains et 5% des Britanniques.
Par ailleurs, le faible coût de l'électricité --presque gratuite-- avait aussi facilité l'émergence du minage, procédé par lequel de nouvelles unités de cryptomonnaie sont créées grâce à des algorithmes générés par ordinateurs (contre le paiement en cryptomonnaie).
Unité de compte, plutôt que cryptomonnaie
Bien que M. Maduro a initialement qualifié l'initiative de "succès" et que le gouvernement a obligé les banques à présenter leurs comptes en bolivars et en Petro, l'utilisation de ce dernier ne s'est pas étendue et s'est limitée aux transactions avec l'État: paiement des impôts, taxes ou documents.
Dans la pratique, le Petro n'a été qu'une unité de compte, plus qu'une véritable monnaie, dans un pays en proie à l'hyperinflation et la dépréciation constante de la monnaie locale, le Bolivar.
Les prix des amendes routières ou des cartes de séjour étaient, par exemple, fixées en Petro, mais elles se réglaient en bolivar ou en dollar.
M. Maduro est allé jusqu'à annoncer l'"arrimage" des salaires à la crypto-monnaie d'Etat, mais cette mesure n'a jamais vu le jour dans ce pays où le salaire minimum dépasse à peine l'équivalent de 3 dollars par mois.
- Corruption et disparition discrète
"Le Petro (PTR) est officiellement mort", a posté mercredi sur le réseau social X la plateforme privée de cryptoactifs CryptoLand Venezuela.
"Le conseil de restructuration de Sunacrip (la superintendance nationale des cryptoactifs) a décidé de fermer définitivement le peu qui restait de cet écosystème", commente CryptoLand.
Le Petro a été au centre du scandale de corruption qui a ébranlé le pays en mai 2023. La presse a évoqué le détournement de "milliards de dollars" au sein du géant pétrolier public Petroleos de Venezuela (PDVSA) notamment avec l'utilisation voire la manipulation de Petro. Des fonctionnaires de la Sunacrip étaient impliqués.
L'affaire a conduit à la démission du ministre du Pétrole Tareck El Aissami, considéré alors comme un pilier du pouvoir et qui a depuis disparu de la vie publique. La Sunacrip, dont le siège est fermé depuis près d'un an, avait elle été placée sous le contrôle d'un conseil de restructuration après l'arrestation de son directeur, Joselit Ramirez, et du chef des opérations de minage numérique, Rajiv Mosqueda.
Sans donner d'explication, le pouvoir vénézuélien a peu à peu cessé de faire référence au Petro qui a disparu des interventions et des récurrents discours du président Maduro.
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