Vacances «collaboratives»
Se faire des amis et trouver les bonnes adresses sur son lieu de vacances, s'offrir un concert privé, loger chez l'habitant … En mettant en relation les individus entre eux, Internet donne de l'ampleur et démultiplie des pratiques qui existaient déjà. Vers un nouveau modèle de société ?
«Les vacances, c’est un moment où on est plus disposé à remettre en cause ses habitudes», remarque Amélie Cornu, chef de projet chez Graines de changement, agence d’information spécialisée dans les tendances sociétales porteuses d’espoir. C’était le 8 juillet, à Paris, lors d’un «café conso» dédié aux «vacances collaboratives», où étaient présentées plusieurs initiatives de plateformes qui mettent en relation des individus pour qu’ils se proposent des services entre eux. Pour Graines de Changement, les vacances représentent le moment idéal pour tester le mode collaboratif. Les vacanciers peuvent se mettre en relation sur la plateforme de Links & Go, pour faire des rencontres sur leur lieu de villégiature. Mathieu Lemonnier a fondé ce réseau en 2013. «On s’inscrit, on voit qui sont les voisins de vacances. Des jeunes prêts à faire la fête, des gens en couple…», illustre-t-il. Au démarrage, la plateforme visait les jeunes de 18 ans qui, partant avec leur famille. Mais au final, ce sont surtout des personnes d’environ 25 ans qui s’échangent des conseils en ligne. Mais il s’agit surtout de trouver une discothèque sympa, pas l’aventure d’un soir. Links & Go n’est pas un «Meetic des vacances», précise Mathieu Lemonnier. Sur Drivy, l’objectif est plus pratique : la plateforme propose aux particuliers de se louer leur voiture entre eux. Le site comptabilise quelque 100 000 locations depuis 2010. Pour Camille Henry, responsable de la communication, proposer sa voiture personnelle en location rentre dans les moeurs. «Au tout début, les personnes qui venaient sur la plateforme apparaissaient un peu comme des extraterrestres. Le covoiturage a permis de passer une étape, et nous pensons que le service va se généraliser. Les gens aiment bien passer par un contact direct. En plus, ils ont le sentiment de maîtriser leur budget», commente-t-elle. En tous cas, les investisseurs sont convaincus. La société a levé 6 M€.
S’offrir un concert privé et un accueil maison
Une fois arrivé sur son lieu de vacances en mode collaboratif, autant poursuivre dans la même démarche avec le logement… Bedycasa s’est spécialisé dans la location de chambres chez l’habitant. «C’est plus facile et cela permet plus de convivialité», commente Célia Veloso, chargée de communication de Bedycasa. D’après elle, le service se développe beaucoup en Italie et en Espagne. Et les pratiques évoluent. «Jusqu’à il n’y a pas longtemps, c’était surtout beaucoup de touristes qui cherchaient des chambres. Mais à présent, il y a aussi des personnes qui viennent pour un séjour en stage, un Erasmus…», précise Célia Veloso. Bedycasa a nommé des «ambassadeurs» qui se rendent sur place pour vérifier la qualité des logements. «On fait très attention aux commentaires des gens», ajoute Célia Veloso. Pour Bedycasa, le site Airbnb, mastodonte valorisé à 10 mds $, qui fonctionne sur un principe comparable, ne représente pas vraiment un concurrent. «Ils nous ouvrent la voie. Chez nous, il ne s’agit pas seulement de louer un appartement. C’est aussi la rencontre avec une personne qui va vous donner des conseils…», explique Célia Veloso. Quant au service proposé par Jérémie Abric, il ne relève pas spécifiquement des vacances, mais plutôt des loisirs. Sa plateforme «Concert en Appart’» met en relation des musiciens et leur public potentiel. Le principe : organiser des concerts intimistes en appartement, en faisant le lien entre «des musiciens qui veulent se faire connaître» et «un public qui cherche quelque chose de plus authentique, et qui trouve parfois un manque d’émotion dans les concerts», précise Jérémie Abric. L’initiateur de la plateforme rappelle que les concerts privés existent déjà, mais relèvent d’une pratique très coûteuse et élitiste. Avec Concert en Appart’, «cela devient presque aussi simple que d’aller au ciné», plaide Jérémie Abric. La mise en relation directe permet aux spectateurs potentiels et aux musiciens de s’accorder sur les modalités de la soirée. Certains groupes viendront jouer «au chapeau». D’autres au forfait à partir de 200 €. «On veut que cela reste abordable», assure Jérémie Abric.