US Open: Djokovic, l'obsession hégémonique

Après avoir pris sportivement le dessus face aux grands rivaux de sa génération, et tout particulièrement Roger Federer et Rafael Nadal, Novak Djokovic a tourné sa volonté hégémonique sur les générations suivantes, quitte à pousser...

Le Serbe Novak Djokovic pendant son match contre le Russe Daniil Medvedev en finale de l'US Open, le 10 septembre 2023 à New York © ANGELA WEISS
Le Serbe Novak Djokovic pendant son match contre le Russe Daniil Medvedev en finale de l'US Open, le 10 septembre 2023 à New York © ANGELA WEISS

Après avoir pris sportivement le dessus face aux grands rivaux de sa génération, et tout particulièrement Roger Federer et Rafael Nadal, Novak Djokovic a tourné sa volonté hégémonique sur les générations suivantes, quitte à pousser plus loin encore sa préparation déjà obsessionnelle.

Depuis son premier sacre en Grand Chelem en 2008 en Australie, jusqu'à son 24e dimanche à l'US Open pour égaler le record absolu de Margaret Court, il improvise, il s'adapte et il domine.

Comme lorsqu'il a remporté l'Open d'Australie malgré des déchirures, abdominale en 2021 et à la cuisse en 2023.

"J'ai tracé ma route et je continue. Les corps évoluent, je dois être capable de m'adapter aux périodes, aux saisons, aux différents besoins de mon corps", explique-t-il.

Le perfectionnisme dans la préparation et l'utilisation de son corps l'ont poussé à sacrifier deux tournois du Grand Chelem où il aurait été favori, l'Open d'Australie et l'US Open 2022, plutôt que de se faire vacciner contre le Covid. Une attitude qui lui a plus attiré de critiques et de quolibets que de reconnaissance du niveau de son abnégation.

Jamais gravement blessé (une seule blessure au coude l'a tenu significativement à l'écart de la compétition et a nécessité une intervention chirurgicale), il est particulièrement impressionnant depuis le début de la saison alors que la concurrence des jeunes se fait de plus en plus pressante et qu'il doit trouver comment les dominer.

Depuis toujours, il a modelé son corps pour lui donner en particulier une souplesse et même une élasticité qui non seulement lui ouvrent des possibilités sur le court, notamment en défense, mais lui évitent des blessures.

Masse musculaire

Cela se traduit par "quelques heures de travail" avant même d'aller sur le court d'entraînement et par une alimentation extrêmement surveillée.

"Il aurait été difficile d'être plus maigre que ce que j'étais il y a quelques années", rappelait-il à Wimbledon en juillet, en expliquant avoir dû surmonter des "problèmes d'estomac".

"Maintenant, je suis au poids optimal, mais c'est une notion tellement superficielle. Il y a d'autres facteurs très importants et qu'il faut combiner, comme être dynamique, puissant, souple", relevait-il.

Justement, Stan Wawrinka, qui l'observe de près parce qu'il partagent souvent des entraînements, note que Djokovic "cherche à s'adapter à la nouvelle génération".

Et ce que le Suisse a immédiatement relevé chez Djokovic, c'est la prise "en masse musculaire ces derniers mois".

"Il est plus puissant, il met beaucoup plus de puissance dans ce qu'il fait", relève l'un des rares joueurs à avoir battu le Serbe en finale de Grand Chelem (Roland-Garros 2015 et US Open 2016).

"Je l'ai beaucoup regardé à Roland, il fait des choses qu'il ne faisait pas avant, dans le sens où il peut imposer des frappes beaucoup plus puissantes quand il joue contre des gens comme Alcaraz ou Ruud", insiste le Suisse.

"Il a réalisé à 36 ans qu'il devait être plus agressif parce qu'il ne serait probablement pas capable de rebondir après de longs matchs aussi bien qu'il le faisait à 26 ans. Il frappe plus fort, il est encore plus intelligent tennistiquement. Tous les aspects de son jeu semblent un peu meilleurs maintenant qu'il n'ont jamais été", estime l'ancien N.1 mondial Mats Wilander, consultant sur Eurosport.

La vie est un voyage

Le travail mental lui aussi est poussé au maximum quitte, là-aussi, à s'attirer des critiques lorsqu'il a recours à un mystérieux préparateur, Pepe Imaz, ou qu'il se rend au pied d'une "pyramide d'énergie" en Bosnie.

"La vie est un voyage fantastique qui peut vous offrir énormément si l'on est ouvert aux expériences", explique le joueur qui s'est construit dans l'adversité, y compris sous les bombes de la guerre des Balkans.

"Je veux toujours continuer de grandir, d'apprendre, de m'améliorer, de comprendre les nuances, les détails, que ce soit dans mon jeu, mon corps, mon alimentation, la récupération, tout ce qui peut me permettre de faire un petit pas supplémentaire", énumère-t-il.

Longtemps, Djokovic a cherché à charmer le public. Affable, respectueux, disponible, drôle, patriote mais ouvert sur le monde, intelligent, cultivé, polyglotte, il a utilisé tous ses talents. Mais impossible d'approcher la popularité des deux principaux rivaux de sa carrière, Federer et Nadal.

Résigné, il s'est lancé encore plus résolument dans la quête de devenir sans conteste le meilleur de l'histoire. Statistiquement, lui qui déclarait à sept ans à la télévision serbe vouloir devenir le N.1 mondial, est désormais le GOAT (plus grand joueur de tous les temps). Sans discussion.

Vingt-quatre titres du Grand Chelem (record absolu), 96 tournois remportés sur le circuit principal dont 39 Masters 1000 (record) et six Masters (record codétenu avec Federer), une 390e semaine au sommet de la hiérarchie mondiale à partir de lundi (record) et plus de 175 millions de dollars de gains en tournois (sans compter les revenus publicitaire)...

"Novak est non seulement le meilleur joueur de l'histoire, mais il est la meilleure version de lui-même en tant que joueur", assure Wilander.

L'intéressé, marié et père de deux enfants, résume ainsi sa situation: "On n'est jamais qu'aussi jeune, ou vieux, qu'on le ressent. Moi, je me sens jeune dans mon corps, ma tête et mon coeur."

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