Uruguay: entre prospérité et précarité dans le pays le plus cher d'Amérique latine

Maria Chaquiriand, une Uruguayenne qui vit en Europe depuis 28 ans, est toujours surprise de voir à quel point tout est cher en Uruguay. Il faut dire que le petit pays affiche le coût de...

Des billets de banque uruguayens sur un marché à Montevideo, le 23 avril 2024 © Pablo VERA
Des billets de banque uruguayens sur un marché à Montevideo, le 23 avril 2024 © Pablo VERA

Maria Chaquiriand, une Uruguayenne qui vit en Europe depuis 28 ans, est toujours surprise de voir à quel point tout est cher en Uruguay. Il faut dire que le petit pays affiche le coût de la vie le plus élevé d'Amérique latine

"Ce qui me frappe le plus, c'est le prix du shampoing, du déodorant, du dentifrice. Mais aussi des fruits, des pâtes et du café", témoigne auprès de l'AFP cette responsable dans la maintenance industrielle, depuis Valence, en Espagne, où elle vit.

Le petit pays coincé entre le Brésil et l'Argentine est également cher en termes de transport, médicaments ou matériaux de construction, assure la femme de 48 ans, qui revient régulièrement en Uruguay voir sa famille. 

Selon les données de Statista, le pays, présenté parfois comme la "Suisse de l'Amérique du Sud", est le plus cher d'Amérique latine. 

La base de données collaborative sur les prix dans le monde Numbeo assure qu'il est même plus cher que le Japon ou l'Espagne. A Montevideo, la capitale où vit la moitié de la population, une douzaine d'œufs coute deux fois plus cher qu'à Tokyo et un cappuccino 66% plus qu'à Madrid, selon la même source. 

Sur 96 pays, l'Uruguay occupe la sixième place pour le coût du pain. Ainsi, un pain blanc de 500 grammes y coute 2,65 euros, selon Numbeo, contre 1,73 euros en France.

Les économistes évoquent des raisons structurelles à cette situation. "L’Uruguay a une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 22%, l'une des plus élevées au monde. 

Et faute d'accords commerciaux avantageux, il paie des droits de douane allant de 25 à 35%. Si l'on ajoute à cela une taxe consulaire de 5%, un produit importé peut avoir une charge fiscale de 50%", explique à l'AFP Alfonso Capurro, du cabinet de conseil CPA Ferrere. 

Et le carburant et les voitures souffrent même de taxes supplémentaires. L'Uruguay a l'essence la plus chère des Amériques et l'une des plus chères au monde, à 76,54 pesos le litre de SP95 (1,84 euro), selon Global Petrol Prices.

Joindre les deux bouts

Numbeo, classe le pays au cinquième rang sur une centaine de pays pour le coût d'une Volkswagen Golf 1.4 neuve. 

"La moitié du prix d'une voiture est constituée de taxes", résume Javier de Haedo, directeur de l'Observatoire de la conjoncture économique de l'Université catholique d'Uruguay. 

Outre la charge fiscale, le gouvernement applique certaines retenues, comme celle de 10% sur le prix du diesel afin de financer les transports en commun. 

Il existe aussi des réglementations et mécanismes d'enregistrement qui renchérissent l'importation des fruits et légumes et des produits d'hygiène et de nettoyage. 

L'économie uruguayenne a progressé ces dernières années, de même que les salaires, ce qui explique que les services, avec une forte composante salariale, soient devenus plus chers, note en outre M. Capurro, qui souligne également les exportations à "très bons prix" pendant la période 2020-2023 et "les importants investissements étrangers" qui ont contribué à renforcer le peso.

"Il est évident que nous sommes plus chers, même s'il s'agit en réalité d'un +happy problem", car nous voulons être riches et non pauvres", sourit-il.

L’Uruguay, l'un des pays les plus stables de la région, affiche un revenu national brut par habitant de 18.000 dollars, le plus élevé d'Amérique latine, selon le dernier classement disponible de la Banque Mondiale. Le salaire minimum mensuel y est de 580 dollars.  

"Ce pays est très cher", se plaint ainsi José Luis Diaz, un Uruguayen de 54 ans qui travaille dans un salon de coiffure à Montevideo. "Les salaires augmentent, mais le panier alimentaire de base augmente beaucoup plus. L'argent ne suffit pas pour vivre ici". 

Comme de nombreux Uruguayens, dont 10% vivent sous le seuil de pauvreté selon l'Institut national de la statistique, il surveille ses dépenses. "Je fais attention à ma consommation d'électricité, je sors moins au restaurant, je cherche les bonnes affaires", énumère-t-il auprès de l'AFP.  

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