Une opération aux multiples enjeux

Le petit EPCI Espace en Pévèle rejoint la collecte des pneus usagés utilisés pour la couverture des silos d’ensilage de maïs, prise en compte par le Pays pévélois depuis 2009. Pour progresser il faut convaincre le monde agricole, fédérer plus de volontés et de moyens, et proposer des alternatives crédibles à la couverture des silos.

Corpus delictis…
Corpus delictis…

 

D.R.

Jean-Luc Detavernier au micro pour présenter les finalités du déstockage.

Une à une les communautés de communes (CC) composant le Pays pévélois s’y mettent en organisant une collecte de pneus usagés stockés dans les exploitations agricoles. La Région apporte son soutien financier (50% du coût) mais aussi la Chambre régionale d’agriculture (CRA), le parc naturel régional Scarpe-Escaut et, on l’espère, un jour peut-être la Chambre des métiers et de l’artisanat et tous ceux que cette cause – car c’en est une – motivera.

Récemment à Coutiches, le président de la petite CC Espace en Pévèle (près d’Orchies), Jean-Luc Detavernier (coprésident du Pays pévélois), Jean-Bernard Bayard, président de la Chambre d’agriculture régionale, Roland Revel, maire de Rosult représentant le président Jean Moi du parc naturel régional Scarpe- Escaut, et Xavier Dupire, maire de Coutiches, ont visité l’exploitation agricole de Marc Rouzé qui s’est prêté à la présentation des alternatives à la couverture des silos d’ensilage de maïs sachant que la collecte des pneus sur Espace en Pévèle débutera en novembre pour s’achever en février 2013.

Une première Charte signée. La première collectivité à s’être souciée du déstockage de ces pneus, c’est la CA Porte du Hainaut, sans oublier son bras armé écologique, le parc naturel Scarpe Escaut, qui a toujours expérimenté, avec le concours du monde agricole, des méthodes novatrices favorisant le respect de l’environnement. Ces deux initiatives furent suivies à la création du Pays pévélois (2006) d’actions par la CC des communes rurales de la Vallée de la Scarpe, puis aujourd’hui Espace en Pévèle et, on l’espère, plus tard par Coeur de Pévèle (Orchies-Beuvry) et la CC du Carembault, près de Phalempin. A chaque fois, c’est le Pays pévélois qui donne le la, en liaison avec la Région qui assure la moitié du financement. Cette fois, 100 000 € ont été budgétés car les enjeux sont importants et qu’il faut enfin démarrer à une échelle plus importante qu’avant. Au point qu’une charte1 a été signée à Coutiches par tous les acteurs de l’opération sur la base du volontariat.

Respect de la loi. D’abord, il ne faudrait pas croire que ce déstockage de vieux pneus serait une soudaine coquetterie d’élus en mal de publicité. Il est en effet exigé par le décret du 24 décembre 2002 (portant sur les ensilages de maïs) qui fait obligation à tout agriculteur d’éliminer les pneus obsolètes. Pourquoi ? D’abord parce que constamment soumis aux pluies et au vent, ils se dégradent et polluent les silos. Il faut les remplacer régulièrement et la place manque vite. Passons sur l’aspect esthétique douteux et allons au concret : tapisser les silos de vieux pneus n’empêche pas les crevaisons de bâches coiffant les fourrages stockés qui en pâtissent. Or, le principe est “pas de bonne conservation du maïs sans une bonne conception du silo”. Les bactéries lactiques conservent le fourrage, l’ensilage dépend de la qualité de sa couverture. Il la lui faut pour créer un milieu d’anaérobie permettant le développement de ces bactéries lactiques qui vont acidifier le milieu (pH~4), stabilisant le silo par l’arrêt des micro-organismes indésirables. Ceux qui proviennent d’une mauvaise couverture précisément.

Trois types de couvertures sur le marché. Le parc naturel régional Scarpe-Escaut distribue un livret très technique sur “Se débarrasser de ses pneus, oui mais que mettre à la place ?”. Voilà le dilemme parfaitement résumé. Si l’agriculteur y apprend comment détecter la détérioration de la couverture de son silo et le processus qui peut s’ensuivre s’il n’agit pas, il doit aussi connaître les techniques de couverture alternatives et… que faire des pneus. Enfin, il doit accepter d’abandonner l’usage régulier de ces derniers.
Trois techniques sont présentées.

D.R.

L’alternative sacs à silos “boudins”.

Tout d’abord les sacs à silo “boudins”. La bâche est zébrée de rangées de sacs plats remplis de caillasse. Avantages : épouse bien la forme du silo, stable, plaque bien la bâche qui isole le fourrage. Inconvénient : c’est lourd ; 250 sacs coûtent 225 €, 4,5 tonnes de gravillon de marne, 171€ ; si l’on ajoute 125 € pour la bâche annuelle, on est à 521 €.Et on risque plus facilement de percer la bâche…
Ensuite la grille de protection posée sur la bâche sur laquelle on disposera les sacs. Avantage : propre et isolant. Inconvénient : elle glisse un peu, et les boudins aussi, sur les pentes. Investissement de départ tout compris : 1 022 €.
Enfin, le géotextile qui se déploie sur la grille de protection. L’isolation est au maximum mais le débâchage est délicat par temps de gel et un rouleau de 300 m2 coûte 735 € pour une dépense totale de 1 256 €.
D’autres techniques existent : la couche de craie sur la bâche (391 €) et la paille avec ou sans semis (399 €), la terre (125 €), les sciures de bois (1 025 €), les pulpes de pommes de terre (1 725 € pour 75 m2 par tonne), le couvert végétal (112 €) et enfin l’enrouleur mécanisé qui se conserve chaque année mais revient à 2 060 €.

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Mobiliser. Ces techniques peuvent être combinées mais c’est l’agriculteur qui décidera en fonction de ses moyens financiers et des résultats. Le mobiliser, le convaincre en tout cas d’avoir recours à l’un d’entre eux reste encore une question de bonne communication. Mais à partir du moment où les pneus sont ramassés par bennes à partir de novembre, les cultivateurs devront bien couvrir leurs silos par autre chose que d’autres pneus et rejoindre ceux qui le font déjà via ces techniques de remplacement. Une opération de sensibilisation a démarré à l’initiative de la CRA en 2012 auprès de 140 agriculteurs, une soixantaine a répondu favorablement. Ainsi, 150 000 tonnes sont donc déjà concernées par l’opération de déstockage alors qu’en 2007, quand la CAPH avait été précurseur, 237 000 tonnes étaient recensées.
Tout est maintenant une question de temps. Les intercommunalités en milieu agricole se sentent les unes après les autres concernées, le Pays pévélois et la CRA ouvrent grand la porte à d’autres partenaires, d’abord pour des raisons financières et d’amplitude de la communication.

1. Ont également participé à cette signature de charte : Frédéric Minier (Pays pévélois), Bernard Pruvot, vice-président de la Chambre régionale d’agriculture, Katia Rolland, animatrice de territoire pour la CRA, et Jean-Baptiste Duyck, conseiller de production à la CRA.

Contact : l’Adav à Sars-et-Rosières au 03 27 21 46 89.